Le chat a dormi dans la crèche
après avoir viré les santons,
il a pissé au pied du sapin,
et a dévoré un peu de saumon
laissé dans un coin de cuisine,
personne ne s’en est aperçu.
Lui aussi a adoré Noël…
26.12.2021
*
Je me suis dépouillée soudain
de ma robe noire aux blessures vertes
le froid de la nuit a embrassé mes épaules
tu marchais vers moi d’un pas tranquille
un oiseau chantait dans l’obscurité
nos mains avides ont fini par se trouver.
Il existe une petite porte
est-elle secrète ? peut-être
elle mène où naissent les rêves
chaque nuit et chaque matin
nous avons le pouvoir de trouver
la clé sans même la chercher.
Nos blessures vertes ont fini
par se trouver, dans l’obscurité.
18.12.2021
*
Le gros sourd cille, chacun sait cela, et quand on lui demande où il est né il répond : je suis pas nez, pas encore, pas toujours… Il est amoureux des cils aux si jolies formes, rondeurs répétées sous les arcades. Il admire la dégringolade des larmes, à l’occasion, et devine à peine la moue d’une lèvre qui susurre, volubile et charmeuse.
Mais pour l’heure, le gros sourd dîne.
En silence.
La nuit, à l’horizontale, tout lui devient paysage…
14.12.2021
*
Heureusement
qu’elle n’a pas
le don de parole
cette couette.
Elle en aurait
des choses à
raconter…
5.12.2021
*
Entendre sans cesse
le bruit d’une roue
qui tourne sans fin,
sentir confusément
que c’est l’éternité
qui cherche à
communiquer.
Tiens, ça s’est arrêté, et seule la pluie
offre au bitume et au ciment son clapotis…
Tiens non, ça a repris ou jamais cessé
c’était juste un autre bruit qui masquait.
Et je me demande
si dans la mort
cela cessera enfin,
et je me demande
si dans l’amor
j’y ferai attention encor…
Entendre les bruits de la vie
tous, même les moches,
entendre ce bruit aussi,
et puis les musiques,
et les cris et les soupirs,
et sans un mot sans un son
dans tes bras m’endormir…
Quoi ? Tu as dit quelque chose ?
Excuse moi, je parle en dormant.
3.12.2021
*
Un planisphère déroulé sur la table
d’abord je ne vois que le bleu des mers
qui étend ses bras et ses ventres,
enserre les continents de ses bleuités.
Les grandes éclaboussures de sang
me sautent aux yeux, je n’y crois pas
mais elles sont là et forment déjà
des sillons et des fleuves, aux pliures.
Est ce mon propre sang qui s’écoule
de moi, menstrue soudaine, blessure
au visage, saignement de nez brutal
ou larmes d’hémoglobine en torrent ?
Puis je y trouver d’autres liquides
eux aussi égarés, salive ou sperme,
qui rendraient le constat un peu moins
effrayant ? Mais non, seul le sang.
Seul le sang irrigue la terre des hommes.
29.11.2021
(Une vision nocturne)
*
Je suis l’arche et l’océan
nul besoin de rames
ni de voiles légères
mes flancs y pourvoiront
et l’onde salée qui les habite
je suis l’arche et l’océan
écrivant chaque jour
avant de jeter l’ancre.
27.11.2021
*
On s’est roulés dans la poudre d’indigo
on se trouvait beaux
et on est sortis dans le froid du matin
après le miel de thym,
on savait bien qu’il y aurait des larmes
encore et des drames
et que rien ne serait donné ni facile
on était prêts pourtant,
on a fait l’amour dans la brume du matin
et puis on est partis
pour vivre, pour lutter, pour vivre encore…
sur le ciment froid du balcon
derrière nous
un peu de poudre d’indigo
faisait des entrelacs…
18.11.2021
*
Dans ta maison intérieure
tu contournes avec soin
les pièces où tu ne veux
plus aller, yeux fermés,
mais il en est aussi d’autres
où tu reviens sans cesse,
sans te résoudre jamais
à les réaffecter, ou les fermer.
Il y a des visions d’horreur
dans certaines, tu le sais,
il y a de vieux cauchemars
qui te guettent et te griffent
le visage, tes paupières te
font mal, tes cuisses tremblent…
Une effraction serait-elle
possible dans cette maison
du vertige et des inquiétudes ?
Tu vérifies cent fois la serrure,
tu entends les coups sourds
de ton cœur qui ne peut dormir.
Et puis, oh délices ! c’est le matin
et tu t’es arrachée à cette demeure
obscure, pour aujourd’hui encore…
8.11.2021
*
Ouvrir un vieux flacon de parfum
où il ne reste presque rien,
et recevoir une bouffée du passé
cligner des yeux sous le coup,
vaciller presque,
et repenser aux images évoquées,
au film en noir et blanc
qui vient de se rembobiner…
avant de repartir respirer
encore une larme d’ivresse,
et puis refermer le flacon
soigneusement
jusqu’à une prochaine fois
dans un an ou dans cent ans
quand le besoin de retrouver
cette exhalaison
se fera impérieux.
25.10.2021
*
Mes p’tites culottes
qui séchaient sur le fil
se sont toutes envolées
en cette nuit de tempête.
Avec les feuilles rosissantes
de la vigne vierge éplorée,
avec les pots de fleurs
mal accrochés,
avec les idées noires
un peu trop broyées,
avec mes cheveux tout emmêlés
et mes cils entrechoqués,
et puis mon nez en l’air
qui hume les figues tombées
déjà presque confiture
sur le ciment de l’allée,
avec le passé que j’ai jeté
dans le compost de la vie,
avec les soucis
les mauvais souvenirs
les choses qui font mal
ou qui font peur,
avec les peines
les rancœurs
les obstacles
les épreuves
mes p’tites culottes
se sont envolées
jusqu’au fond du jardin.
Je suis allée les chercher
et tout était bien.
21.10.2021
*
Comme l’impression que mes deux pôles ont tremblé
l’axe de rotation en est tout tourneboulé
je ne donne pas cher de mes tropiques
ce sera la marée du siècle, gare au débord…
Ces moments rares où tu acceptes
la déraison et le vertige conscient
cueille-les comme fleurs au cœur noir,
tu les retrouveras entre les pages de ta vie
ailes fragiles, désirs pétillants, rêveries
enroulées jour après jour sur elles-mêmes…
Comme l’impression lancinante
que mes deux pôles ont tremblé,
comme l’impression que la vie
m’a rattrapée…
À mes souhaits !
16.10.2021
*
Je me suis sentie sale, crade,
aucun savon n’y pourrait rien.
Même les douleurs faisaient
pâle figure devant cette saleté,
pourtant j’ai décidé d’avancer.
Au point où j’en étais, autant
mourir ou faire les choses
parfaitement.
C’est la vie à travers moi
qui a été la plus forte.
À mon étonnement.
12.10.2021
(Souvenir)
*
Quand l’été se mourait dans les senteurs de fruits pourrissants
Toute sa chaleur emmagasinée d’un demi solstice se retrouvait
Au grenier sous la charpente odorante, au pays des vieux jouets délaissés.
Des tentures en grandes draperies poussiéreuses pendaient
De fils improbables au-dessus des valises éventrées d’une autre guerre.
On entendait des oiseaux s’agiter tout près, au revers des tuiles,
Les bruits du dehors, assourdis, nous faisaient comme une écume de sons.
Les petits rendez-vous amoureux nous y dévêtaient peu à peu
Derrière la vieille porte dûment refermée, au milieu des tambours crevés.
C’était comme hier, et c’était au siècle dernier…
3.10.2021
*
Bon allez, assemblée généreuse
pour tout le monde puisque
la révolution tarde un peu à venir,
quel est cette fois l’ordre de la nuit ?
Il faudra en débattre avant que détartre
le temps redoutable exterminateur,
les dés sont jetés aussi bien que pipés
et on a du pain sur la planche plus
souvent que pain frais sur la table.
Table rase disaient-ils comme en rêve,
ce ne sont que des mots, mon amour.
2.10.2021
*
Tu traînes derrière toi une grande étoffe noire
douce comme le velours d’un ventre de papillon
obscure comme tes désirs
inquiétante comme un crime
et tu marches dans la rue sans t’en rendre compte…
Tu traînes derrière toi des remords acides et quelques tempêtes
des rêves inachevés qui fondent comme l’écume sur le sable
des gestes que tu aurais pu, que tu aurais voulu
et tu ne vois pas, jamais, que l’étoffe
accroche en passant des fleurs minuscules
poussant là par hasard…
Tu traînes derrière toi une grande étoffe noire
c’est ton ombre
et c’est ta vie qui continue.
11.9.2021
*
Vertumne me suivait pas à pas
je sentais sa présence un peu lasse
il avait peur de l’avancée du béton,
il est de ces matins d’épuisement
où l’on avance à tâtons, sans savoir
sans pouvoir, attendant l’ordalie
que nous préparent les journées.
Plus envie de recevoir des coups
et plus envie d’être éventrée
l’automne bienveillant dort encore
et affute ses mots libérateurs
il déroule devant nous des jours
de chatoyance et de saveurs
et Vertumne le sage, le savait.
2.9.2021
*
On s’est suivis
montré le chemin
on avait déjà l’habitude
des sentiers caillouteux
on en voulait des fleuris
des tendres
des qui font suinter
nos hormones affolées
on s’est effleurés
du bout des doigts
pour contrer le monde laid
et nous fabriquer
des rêves au fur et à mesure
oublier les guerres
les morsures
celles qui font mal
et nous fabriquer
la vie au fur et à mesure
on a tant à faire
ensemble
ça prendra
une vie
27.8.2021
*
Degrés de mercure, degrés de silence
j’me sens comme un linge sur sa corde,
sec malgré lui depuis des jours de vent,
je rêve de sables mouillés sur une rive
où mes pieds joueraient à laisser
des empreintes d’hominidée, – éternité…
Degrés de moiteur et de touffeur abrupte
il fallait bien cette petite chienne
pour effacer les douleurs et les cris
de cette fin de printemps glacée,
pour effacer l’indicible désormais dit,
pour avancer à nouveau, pour revivre.
Degrés de mercure, degrés de silence
je gravis sans bruit les degrés vers toi.
14.8.2021
*
Prends-moi aux tripes
donne moi la chair de poule
vitriole mes certitudes…
Je ne protesterai pas
je crierai juste un peu
comme un récépissé,
pour que tu saches que
tu as touché juste
au bon endroit, juste là.
Ne me laisse pas en paix
fouaille et insiste sans peur
mon volcan n’attend
que toi, géologue et spéléologue
de mes espaces intérieurs,
tu pourras m’explorer.
Tu pourras.
9.8.2021
*
Je suis fille des embruns
des bruines et des tempêtes,
je suis enfant des tribus
toutes mêlées ensemble,
je suis le fruit d’un instant
de bonheur ou de plaisir,
je suis le hasard implacable
et le clin d’œil que la vie
se fait à elle-même…
17.7.2021
*
Trois bruits
La pluie
Le feu d’artifice
Une chanteuse.
Et mon silence
intérieur…
13.7.2021
*
Je rêve que je m’éveille,
j’ouvre les yeux et je te vois
ouvrir les yeux
et me sourire,
et puis je m’éveille en vrai
et je me demande où je suis
et pourquoi je suis en vie,
et je ne te vois pas,
pas encore…
Je rêve.
J’ai pris ta bouche
comme un rayon de miel,
j’ai effleuré le grain de ta peau
et l’ai sentie palpiter,
on aurait dit
que ton cœur
battait partout
aux quatre coins
de ton corps.
Aux quatre coins cardinaux
de nos ébats,
et à nos douceurs à venir…
Je rêve.
13.7.2021
*
Le monde va
dans les ricanements grinçants
de ses non-créateurs,
j’exhibe mes mots
pour la trente millième fois au bas mot,
j’exhibe mes cuisses
marquées des bleus offerts par la vie
ou par un non-créateur,
on ne sait pas toujours ce qu’on fout là
n’est-ce pas ?
mais on donnerait cher pour foutre encore là
un certain temps,
on donnerait chair
pour la douceur d’une cuisse
et l’envol d’autres souffles, d’autres émois…
mon utérus brûle calmement
aucune trace d’hystérie
d’ailleurs elle n’existe pas,
juste une attente et un corps
encore vivant.
Vivante.
7.7.2021
*
Efflorescences
les rêves ont desserré leur étreinte
et m’ont laissée remonter en surface
près de l’arrivée aux voiles de la conscience
je freine encore un peu et regarde
en arrière une dernière fois
il fait un peu froid
j’ouvre les yeux
sur toi
4.7.2021
*
Oh bien sûr, j’ai pas les armes
comparables aux tiennes
pas la force ni la volonté
de soumettre,
là est ma faiblesse
et ma fragilité
mais j’y tiens,
j’y vois des qualités.
On peut donc me faire du mal
sans grande difficulté,
me blesser, me terrasser,
m’humilier
me culpabiliser
et pour longtemps,
me défigurer
me fracturer
me donner envie de mourir
me faire vaciller
faire couler mon sang
s’en repaître.
C’est vrai.
Mais tu n’as pas tout vu,
tant pis pour toi…
23.6.2021
*
Abîmes qui filent le vertige
confusion plombante
désir de tout rembobiner
épuisement, lâcheté…
Essayer quand même
le sommeil piètre trêve
dégoût pour ce qui enivre
dégoût de soi au détour.
Écrire pour ne pas plonger
la tentation est là si forte
comme un démon tapi
je me sens en morceaux.
Des zones encore intactes
qui aspirent à l’amour
et qui chantent la vie,
et des zones abîmées.
Attendre
le temps
de la réparation.
Et de la rage.
18.6.2021
*
Tout au fond derrière la cabane décrépite
on jouait aux billes sur un circuit de sable
l’air embaumait les fruits mûrs tombés
les abeilles et les guêpes vrombissaient
et quand la touffeur devenait trop lourde
on allait chercher l’eau glacée du puits
avec nos petits seaux en plastique rouge.
On était heureux sans connaître le mot,
on ignorait jusqu’au sens de la liberté
mais on vivait chaque jour la fraternité
qu’on réinventait pour plus tard sans savoir,
on n’aspirait à rien d’autre qu’à ces moments,
aucune consommation, aucun objet ou écran
n’auraient pu nous tirer de notre enfance.
Temps suspendu
douceurs d’hiers…
15.6.2021
*
La douceur du trèfle sous tes pieds nus
une caresse végétale qui frissonne la peau,
il est des effleurements qui t’irradient
de l’orteil jusqu’au creux de la nuque,
tu crois défaillir en chair de poule
comme quand le désir s’empare
du moindre de tes pores, sous mes doigts.
La douceur du trèfle sous nos corps nus…
27.5.2021
*
Tu sais, on a tous nos chaînes
leur métal rouillé nous ronge les chairs
lentement, au fil des années, sans bruit,
et leur odeur est semblable à celle du sang.
Pour nous en libérer
il faudrait d’abord nous ouvrir le crâne
et scruter les ombres de notre cerveau,
mais qui voudrait s’infliger cette frayeur…
Pourtant à l’intérieur
de ces ombres il y a aussi la clé
pour contourner nos barrières intérieures,
les regarder en face, et sourire.
24.5.2021
*
Torpeur du petit matin
je glisse une main
entre tes deux cuisses
l’une sur l’autre posées
c’est doux et tiède…
À nous y enivrer à chaque heure
nous suivrons nos chemins de soie
une aine, une saignée, un sein,
et nos doigts égarés n’obéirons
plus à aucun début de libre arbitre.
Douceur des matins tièdes
tes liqueurs, tes saveurs,
la chaleur de ta voix
le trouble qui naît en nous
et nous embrase d’un coup.
23.5.2021
*
Les profondeurs de ciel me donnent le vertige,
parfois, lorsque je reste longtemps tête renversée
je crois tomber dans les immensités sans limites,
les nuages, géants légers, rejoignent les emblavures.
Petite chose infime, petit être aux prétentions
artistiquement éphémères, petit point dans le tout,
je suis comme vous, j’ignore pourquoi je suis là
et quel sens donner à tout ça, mais quel pied de vivre !
Les profondeurs du ciel me donnent le vertige,
et tant d’autres choses dont tu détiens le secret
je crois tomber dans les immensités sans limites,
– viens, on va sauter d’un seul bond dans le futur.
8.5.2021
*
Elle est coriace la vie
les fées sont toutes en grève
les sorcières ont pris la relève,
et le flux aveugle du vivant
a lancé ses remugles de peste
les chancres ajoutés aux bubons
les pestilences aux miasmes féconds…
Elle est coriace la vie
les algues lui tombent des reins
radioactives et putrescentes,
mais il suffit d’un soupir un petit rien
et tout recommence pour un siècle
et sans bruit une petite musique de nuit
vient lécher encore nos coeurs épris…
Elle est coriace la vie.
Parfois si laide, parfois si belle…
Regarde bien,
elle commence
ici.
3.5.2021
*
As-tu déjà fait un rêve auditif ?
Cette nuit j’ai rêvé ta voix
je l’ai reconnue tout de suite
je me suis laissée bercer
par son timbre sensuel
j’aurais voulu te répondre
mais les mots ne passaient
pas mes lèvres ni ma gorge…
Tu me demandais quelque
chose, avec insistance et
douceur, et moi j’acquiesçais
intérieurement, mais tu n’as
pas pu entendre ma réponse
si ce n’est en la devinant,
tes caresses linguistiques
ont continué longtemps
et je me suis réveillée
souriante
et l’entrejambe ému.
26.4.2021
*
J’ai rêvé qu’on se bourrait la gueule
ensemble, toute la nuit au bar,
et ça chantait, ça tonitruait,
l’effervescence était élastique
les bordures de trottoir étaient liquides,
toute la ville hurlait sa liberté
retrouvée, tout le monde dehors,
toutes précautions oubliées
et la flicaille foulée aux pieds.
C’était une gaieté sombre, liturgique,
toute légèreté était absente
le bonheur ne voulait plus rien dire.
On chantait d’être encore en vie
sur les décombres de l’épidémie
population réduite à demi
et libertés… pour qui ?
21.4.2021
*
À pieds joints par-dessus la flaque de fange
échevelée et les jupons en saute-ruisseau
il suffit d’être ce que la vie nous propose
et comme il n’y a pas de second passage
de plats à cette table calamiteuse autant
que délicieuse, il suffit d’être, pas facile…
néanmoins je n’abandonnerai ma part
à quiconque, attention je peux mordre
mais c’est de gourmandise monsieur,
de gourmandise ou de raison, c’est selon.
13.4.2021
*
Y’a eu un gros coup de vent
glacé
deux corbeaux ont protesté
pour le principe,
et puis la neige est tombée
comme
un film au ralenti
et j’ai pensé
à ma couette, et à toi…
7.4.2021
*
La mue
Regarde, ma vieille peau d’hiver est tombée
et avec elle toutes les blessures et les escarres
que la vie nous assène, la chair rose et printanière
devient visible en-dessous, comme un sous-vêtement
délicatement mis en lumière, attendant les caresses,
et les murmures s’embrouillent dans les dentelles moites…
Regarde, malgré la neige tardive il y a des plaisirs à venir.
7.4.2021
*
Tu m’avais troublée, j’ai égaré mon balai…
me retrouvant sans moyen de déplacement
j’ai enfourché une guitare, imprudemment
elle s’est envolée comme monture folle
et moi dessus, mes bas emmêlés aux cordes
mes jarretières et mes guipures à tous vents
dentelles en bannières et soies froissées
j’ai rêvé que j’étais sur toi, à califourchon
oubliant mes grimoires et mes sortilèges…
6.4.2021
*
J’essaie de savourer chaque instant
tant que la vie se déroule devant moi
moi qui ai si souvent clamé no future
future moi la vie, futurons nos envies…
30.3.2021
*
Sur le parking, soleil pénible,
j’aperçois une fourgonnette
blanche
comme celle des killers serial.
Écrit en très gros caractères
dessus : METAL.
Mon sang ne fait qu’un tour,
je me dis : ça va décoller
ce soir, une teuf clandestine ?
Je passe en revue mes fringues,
faut être à la hauteur que diable.
Et puis un nuage passe
et masque le soleil
mes yeux ne clignent plus
et je vois en tout petits caractères :
récupération tous métaux, tuyaux,
gouttières, portes métalliques.
La douche froide…
24.3.2021
*
À faire sans quitter le masque
Avant de prendre le métro
prenez une épingle dans votre poche.
Attendez une rame bien bondée.
Montez dedans comme vous pouvez
et restez au beau milieu des gens.
Pendant que le métro roule cahotant
entre deux stations, prenez l’air absent
et vivement sortez l’épingle de votre poche.
D’un geste précis et discret à la fois
piquez résolument les fesses du plus
grand nombre de personnes possible
autour de vous, sans bouger buste ni tête.
Au premier cri outragé, mettez-vous à crier
vous aussi comme si on vous avait piqué…
Cela ne sert à rien, mais cela déstresse.
(fait en rêve la nuit dernière)
19.3.2021
*
Pour que la chair qui recouvre ton visage
ne soit pas que viande, nerfs et peau,
mais qu’elle vibre comme texture qui vit,
que son éclat vacille au gré des moments,
et qu’elle t’exprime aussi bien qu’un cri
un murmure ou un simple essoufflement,
considère la comme flux d’un voyage,
l’empreinte provisoire du grand tout
qui se révèle ce jour sur tes traits fatigués,
c’est l’un des chemins où joue la vie
c’est le tien, par les hasards du partage.
Désormais ton reflet te semblera plus beau.
14.3.2021
*
Pourlèche tes mots
à mes commissures,
prends ton inspiration
au feu de mes murmures,
ma peau tressaille
sous tes balbutiements,
mes nuits entre rage et rêve
s’enroulent à ton flanc
et consentent sans bruit
à tous nos tâtonnements…
7.3.2021
(Exercice de style)
*
La première fois que j’ai vu le désert
j’ai fait connaissance avec le silence,
La première fois que j’ai atteint le cercle polaire
j’ai découvert l’abolition des crépuscules et des nuits,
La première fois que tu as retenu mon regard posé sur toi
j’ai su qu’il se passait quelque chose, une chose avide et tendre.
26.2.2021
*
J’ai bien cru qu’mon palpitant allait imploser
´reusement j’avais laissé cervelle au vestiaire
c’était au moins un organe essentiel de sauvé,
j’ai senti mes yeux dans leurs orbites vriller
et ma langue chercher l’humidité dans l’air…
On me dit c’est bien, votre corps veut lutter
mais moi j’aurais plutôt voulu le faire reposer,
fierté mal placée m’a ruée contre vents contraires
au moment où j’étais dans le vertige de renoncer,
et pour finir me v’là explosant mon record dernier.
J’ai bien cru qu’mon palpitant allait imploser
ça m’a fait une petite distraction méridienne,
je crois que c’est parce que je me sentais tienne
et que je ne pouvais m’empêcher de penser
tout en expirant, à tes caresses, à tes baisers…
25.2.2021
(Déclaration avec l’accent parigot)
*
Dans les brumes de la somnolence
j’ai vu dans le bleu profond imprimé
sur la blancheur de ma cuisse,
l’ombre de ton regard
caressant ma peau et
soudain j’ai eu chaud,
c’est un tatouage enroulé en spirale
une profondeur de forêt épicéenne
une trace mouvante et éphémère…
8.2.2021
*
Foin de ces facilités et de ces esprits mercantiles,
fi donc, chers amis ! …pas de haussement de sourcil,
folie n’est pas déraison, votre lot de neurones a faim,
il s’agit de les nourrir un peu et d’un peu les lubrifier.
Connaissez-vous l’histoire horrifique et romantique
de l’épidémie cholérique qui décima notre doux pays
il y a un peu moins de deux cents ans aujourd’hui,
et ce que les survivants parfois en sursis en dirent ?
A lire les chroniques glaçantes et glauques d’alors,
vous retrouverez dans leurs bouches contaminées
les mêmes plates âneries que vous faites ici circuler,
avec les mêmes effets, les mêmes drames, et la mort.
6.2.2021
*
Ce crêt secret, je l’avais aperçu de très loin
mais rien ne pouvait indiquer que je l’atteindrais,
en ignorant tout je choisis donc de l’ignorer
et de poursuivre mon chemin périlleux.
Amazone érogène, je gravissais sereine
les abrupts sentiers que j’avais tant convoités,
préférant vivre mes rêves, quel sacrilège !
tous mes sens et mon corps aux aguets.
Mes six lèvres assoiffées de tout ce qui
pourrait les désaltérer, la tête légère pourtant
et le cœur content, la montagne âpre m’était
si douce…jusqu’à la rencontre avec ce crêt…
Superbe escarpement, beauté inaccessible,
il serait ma roche Tarpéienne, mon saut dans le vide,
l’orgasme ultime après la montée inexorable
du désir, – mais continuons à ce secret taire…
24.1.2021
Divagation autour d’un thème
*
Cadavres de sapins sur le trottoir patinoire
des gamins glissent devant leur école
et tombent en braillant,
des voitures glissent, freins impuissants,
et s’enquillent sur un poteau…
Cadavres au fond des chambres d’hôpital
encore empalés sur leur respirateur
juste un sifflement,
des ambulances glissent, sirènes hurlantes,
et freinent juste à temps…
Cadavres vivants de jeunes filles mises au trottoir
elles écrivent à leurs parents que tout va bien,
qu’elles ont trouvé un boulot,
et cherchent comment échapper à cette horreur,
– espérance de vie quarante ans…
21.1.2021
Divagations de rue en hiver
*
J’ai écouté ma salive
elle me disait qu’elle te voulait
et elle surabondait,
un frisson au creux des reins
fait plonger ma cambrure
et je tends les fesses pour rien,
un fantasme, un vertige,
je lape l’air autour de moi
et pourtant je manque d’air,
mes mains sur mes cuisses
acceptables en prémices
mais je cherche les tiennes,
je murmure des incohérences
des petits noms tendres
ou des invitations crûes,
je sais que tu les as entendues
et quand tu viens enfin
j’ai tout inondé de bleu
c’est la faute de tes yeux…
17.1.2021
*
Étiquetage social
pour nous faire vivre
comme ils l’ont décidé
pour nous,
plusieurs options semblent
s’offrir à nos vœux
mais ils les ont
toutes prévues.
Et quand nous ne serons plus,
d’autres nous remplaceront.
C’est indifférent.
Indifférent au système.
Mais puisque je t’aime
c’est indifférent.
15.1.2021
*
Matins de nacre, ne manquent que les baldaquins
autour de nos corps alanguis, douceurs hivernales,
le givre étincelant a remplacé la pluie, les draps
ont accepté nos sucs en offrandes, le silence
a suivi…
Mes lèvres se sont posées dans le pli de ton aine
et ensuite j’ai perdu le fil, de nos soupirs et nos gestes
et de ma langue qui t’enveloppe comme au creux
d’un coquillage, il n’y aurait vraiment rien à en dire
si ce n’est…
Le monde étant ce qu’il est, goûtons ces instants
de pure
vie…
15.1.2021
*
Au détour de ces jours, de ces nuits aussi,
de fantasme en rêverie, douce perversité
au clair de nos yeux en croissants de lune
nos voix et nos désirs en écho répondant,
de nouvelles connexions de nos synapses
ont tout chamboulé dans nos cerveaux…
Qu’importe, cet organe est plastique
par essence et par libre arbitre,
nous voilà réaménagés à neuf,
nos circuits ont soif de folies…
De nouvelles connexions de nos synapses
ont devancé les frôlements de peaux
et les tiédeurs rapprochées,
échanges de sèves et de saveurs,
je mors mon oreiller dans le silence
de la nuit, le drap est complaisant…
10.1.2021
*
Mes mots s’enfuiront, s’enfuient déjà,
le papier parfois leur offre
un abri contre le temps,
l’écran devient écrin
lumineux, distant,
nos pieds côte à côte
tracent leur chemin
dans le sable,
s’écartant, se rapprochant,
s’entrecroisant,
viens vivre cet instant
d’éternité suspendu
dans l’infini vertigineux,
nous serons
cette étincelle pugnace
dans un coin du ciel,
là-haut
tu nous vois ?…
Nous brillons.
10.1.2021
*
Les entrailles froissées
sensations de brûlure
intérieure,
le front percé au centre
par un foret imaginaire,
vertiges et fièvres
langueurs et lenteur,
rien, non rien ne peut
m’empêcher de rêver.
Il neige
encore,
je délire,
je cherche
la sortie…
Rien n’est grave,
les heures bavent
sur le papier buvard,
je me laisse flotter.
A nous…
4.1.2021
*
Fragile
invulnérable
sauvage
tendre
grave
réelle
sentiente
consentante
rieuse
folle
ivre
sereine
livrée
certaine
retrouvée
une.
Tu m’as
rendue
tout ça.
19.12.2020
*
Il y aura des forêts irréelles
que nous foulerons de nos pieds nus,
divin pavement de vivants palais,
émaux et incrustations de velours,
vulves végétales et volutes vibrantes…
Regarde le sol
caresse-le de la paume,
il nous porte volontiers
et embrasse nos plantes
de pieds.
Regarde le mur bleu
droit devant nous,
il accueille nos corps
l’un dans l’autre
encastrés.
Il y aura des forêts irréelles
que nous foulerons de nos pieds nus,
divin pavement de vivants palais,
émaux et incrustations de velours,
vulves végétales et vibrantes volutes.
19.12.2020
*
Dans la cambrure de mes reins, là où tes mains
explorent plus qu’un monde, un petit multivers
de songes et d’efflorescences hyprasensibles,
dépose un long murmure humide de tes lèvres,
une supplique tiède : dépose un acte érogène.
16.12.2020
*
Murmurer, imaginer
sans entrave intérieure
t’effleurer,
souffler quelques mots
légers comme plumes
au tiède de ton oreille,
glisser ma main
sur ta soie,
ne rien retenir…
13.12.2020
*
Viens par les routes discordantes, viens libre,
prends une profonde inspiration, oublie tout,
ne te fie qu’à ce que tu sais au plus intime de toi,
tu seras seul, toujours, mais tu rencontreras
la petite lumière d’une autre solitude, résolue.
On a passé le cap des peurs, des incertitudes,
calmes et rassurantes comme des édredons,
et l’on se trouve face à face avec les décisions
qui curieusement sont les mêmes qu’au début,
et tout semble venir vers l’accomplissement.
Viens par les routes discordantes, viens libre,
le temps qui s’écoule inexorable a joué pour toi,
les corps ont mûri leurs désirs de voluptés,
les rêves se sont imposés sans rien ménager,
et la route se présente, douce et toute tracée.
Prends une profonde inspiration, oublie tout,
la petite musique secrète a déjà commencé…
13.12.2020
*
On a dévalé quatre à quatre les désirs de la nuit
il n’était plus besoin de se retenir aux branches
les éléments gardaient une distance bienveillante
et nous ne savions même plus où nous étions.
Tout bonheur rêvé
sera enregistré
au catalogue des
bonheurs effectifs.
Toute rencontre
faite en songe
sera réputée
aussi essentielle.
Jusqu’à nouvel ordre…
9.12.2020
*
Le noir bleuté de l’aile du corbeau
me faisait de l’œil depuis un moment,
le volatile amical guettait du haut
de la cheminée mes allées et venues
pendant que l’arbre devant la maison
balançait au vent d’hiver sa rame…
Je leur ai dit de bien profiter
de l’instant, de ce temps et de tout
car d’ici quelques ans, ou siècles,
où diable seront partis les corbeaux
les lilas et les doux vents d’hiver
quand tout sera rendu à la sécheresse ?
Alors on pourra toujours ramer
et se lamenter comme des pleutres
impuissants, rien n’y pourra rien,
et nous serons rendus, si vivants
encore, à l’os et au tendon sec
de notre pauvre drame humain…
4.12.2020
(Pour répondre au thème de Naïma)
*
La montagne tombait dans la mer
et les étoiles tombaient en avalanche…
L’aurore boréale aux lueurs émeraude
est venue tout enchanter,
une musique est sortie
des profondeurs du ciel.
Avec la conscience aigüe que c’était
peut-être la dernière nuit du monde,
et la dernière chance pour nous,
nous avons couru sur le chemin
l’un vers l’autre, au ralenti,
et la poussière des étoiles
tintait et scintillait sous nos pieds…
2.12.2020
(Un rêve)
*
J’ai encore le goût des lacrymos
incrusté au fond de la gorge,
j’ai encore cette tache aveugle
là où un éclat m’a touché l’œil,
j’ai encore toutes ces cicatrices
sur le corps et dans le cœur,
et je sais d’avance ce que tu diras
qu’il ne sert à rien de manifester,
mais au moins
je ne me suis
pas tue…
1er.12.2020
*
Ils ont échoué
parce que c’était l’unique possibilité
même si du contraire ils furent persuadés
même si certains firent des efforts insensés
et le payèrent de leur vie
inutilement.
Ils ont échoué
parce que l’espoir était au bout de l’échec
ils n’ont pas compris que tout les entraînait
malgré eux dans ce courant tumultueux
qui crée les âges,
les destinées.
Ils ont échoué
pour mieux
recommencer.
Car les suivants
auront tout
oublié…
30.11.2020
(Écriture aléatoire après tirage de tarot)
*
Je serais venue, subreptice,
pour goûter à tes délices
au puissant goût de réglisse,
et puis le temps s’écoulant
j’aurais rejoint le doux néant
des plaisirs désarmants…
Conditionnel passé
et peut-être aussi
futur antérieur
où nous conjuguer.
27.11.2020
*
Le grain de ta voix me désagrège
le timbre de ta peau m’intimide
mais je ne me sens plus exilée
et j’avance d’un pas tranquille.
Nos peurs, nos doutes, nos orages
nous ornent et nous font
depuis l’ouverture
de nous paupières,
mais nos peurs peuvent s’apaiser
nos doutes peuvent se partager
et nos orages nous faire danser.
Laissons nos colères de côté
juste pour ce soir,
et nos douleurs en récépissés…
25.11.2020
*
J’ai revêtu mon doux manteau de visions
et je suis sortie ainsi dans la rue
en-dessous j’étais toute nue
et le monde me parlait
accroché à l’ourlet…
23.11.2020
*
En d’indicibles désirs, d’insondables rouages,
est advenu ce que nul ne prévoyait
et soudain le monde s’est mis à pulser
selon un nouveau rythme,
celui de la vie qui s’écoule de toi
quand tu atteins la jouissance.
Il y a ce fait, entre douceur et violence,
qui s’insère parfaitement dans les contours
ébréchés du monde qui nous enserre,
et il y a tout le reste qui n’y prend
aucune part et poursuit son chemin,
Indifférent à tout ce qui ne l’abreuve.
22.11.2020
*
Ferme les yeux
et pense à ce que tu étais
bien avant ta conception
puis remonte le temps
à l’infini, de cellule en cellule,
laisse toi porter par ce vertige
cette chair vivante
à la mémoire en abyme,
tu as là l’exacte sensation
que donne l’infini
20.11.2020
*
Je suis à la fois le mineur qui creuse la galerie
et la fenêtre qui ouvre ses chairs à la lumière,
j’attends les noces légères et ultimes.
J’ai connu la connaissance
et ses conséquences,
j’ai connu l’origine et la fin
j’ai connu l’origine et la faim
et je sais déjà les épreuves
qui nous modifieront, de gré
ou malgré nous.
N’ai-je pas suivi les traces,
souffle coupé,
me riant des prédateurs ?
Ne vous ai-je pas finalement
entendues,
vous les voix cruelles
ou cyniques,
et n’ai-je pas préféré
laisser couler mon sang ?
Cet univers que nous pensons
voir et sentir autour de nous,
cet univers n’est que mon rêve…
19.11.2020
(En mode poésie aléatoire)
*
Tu l’entends aussi
ce sifflement continu
au-delà des bruits
de la ville qui s’éveille ?
Il est ténu et insaisissable
parfois on croit qu’il n’est
plus là, et puis soudain
on l’entend à nouveau…
Il est comme une présence
à laquelle tu ne peux
échapper, il est réel
et joue avec tes sens.
Ne cherche pas à fixer
tes idées sur lui,
il n’est que l’apocalypse
qui accourt…
15.11.2020
*
Loin derrière le vert sombre des lauriers,
le vert plus tendre des feuilles de figuiers
et le frissonnement d’une brève pluie d’été.
La rivière déroulait ses rubans
et chantonnait à voix basse,
ma longue robe froissait l’herbe sèche.
Je repensais malgré moi aux charniers,
aux corps qui se tordent et s’amassent,
aux giclures de sang et de cervelle
et à mes efforts pour ne pas marcher
sur ces restes humains, – en vain…
J’ai songé un moment me jeter
dans la rivière, pour en finir.
Échapper aux visions.
Mais je sais trop bien nager.
15.11.2020
*
Étonnés d’être encore émerveillables
nous affrontons le temps
suspendu comme des enfants,
reclus, gouvernés, hibernés,
nous oublions souvent les formes
de nos vies d’avant
et apprenons les mille patiences
de qui attend.
Nous pourrions profiter de ces jours
pour réfléchir
à nos vies d’après, à nos destinées,
redessiner ce que nous voudrions
faire ou refaire
et considérer plus calmement
le fait qu’il suffit toujours
de se savoir aimé.
Alors tout vient simplement
et sans effort.
Même la révolte.
12.11.2020
*
Ravage-moi
ne me laisse pas respirer
fais-moi tienne
jusqu’à la dernière muqueuse,
et après ces ravages et ces incendies
après les désirs insoutenables
les asphyxies fugitives
et nos jouissances
divines fulgurances,
je t’attacherai.
8.11.2020
(mon sexto)
*
Me caresser en pensant à toi… le matin, dans la brume du demi sommeil
Et m’élancer, empoignant les draps, entre nos nuits et le soleil
Pour rêvasser ma joue sur tes bas… et nos peaux gorgées de vermeil
Je promènerai ma langue et mes lèvres… demi rêve, demi réveil…
30.10.2020
*
Le rictus mortel d’octobre finissant
a commencé bien tôt cette année
sept mois passés sous le couperet
la mort et la vie s’en vont, tourbillonnant…
Ce fut un terreau fertile
pour nos œuvres d’imagination
et nos désirs charnels
se sont enflés de cette
impossibilité momentanée,
c’est ainsi que la noirceur
du vrai romantisme
a étendu ses dentelles,
acceptant la morbidité du temps
en ses libidinales magnificences…
29.10.2020
*
Nous avons traversé des massifs où les verts s’ombraient de violets, où les creux s’habillaient de velours, où l’air était plus léger et plus frais qu’en nos enfances.
Nous avons plissé les paupières pour admirer l’éclat infaillible des glaciers, couronnes cristallines et bleutées saturées de blancheur improbable.
Nous avons descendu les escarpements sans peine, traversé les dernières forêts avant le monde minéral, remonté les parois verticales avec le bleu intense sur nos têtes.
Nous nous sommes laissé porter par l’avalanche et son fracas, et nous sommes retrouvés au premier verrou de la vallée, heureux comme des épaves indemnes.
Nous avons ri sous la tiédeur inattendue d’une source d’eau chaude, et avons ôté tous nos vêtements pour nous imaginer aux premiers jours du monde.
Et tout cela cette nuit…
21.10.2020
(Un rêve)
*
Ambres improbables, pourrissantes orgies,
l’humide qui s’infiltre rhabille les branches
des ocres ternes de nos orobanches,
et le temps s’engouffre sans aucun bruit.
Te souviens-tu de nos émerveillements
et des désirs qui nous venaient aux lèvres ?
Nous avions décidé de vivre nus et libres
et nous garderons cette lumière aux yeux.
Ambres improbables, pourrissantes orgies,
l’humide qui s’infiltre nous déshabille
nos tendres pâleurs se font concurrence
et le temps n’est plus rien devant la vie.
4.10.2020
*
Nous sommes seuls, et nous sommes nus.
Équarrissage de nos pensées les plus profondes
elles iront se perdre pour toujours
dans les anfractuosités du temps
et nul ne saura jamais qui les a
pensées, qui les a chéries.
Nous sommes si seuls sur la courbe
amère de l’espace-temps
qu’un vertige nous prend.
C’est pour cela, oui, bien sûr.
Pour cela qu’on ment et qu’on se ment
pour cela qu’on fait semblant de vivre
quand il faudrait juste aimer…
29.9.2020
*
Les matins et leurs saveurs calmes
on ne voudrait que des matins
contenant en eux-mêmes leurs
innombrables possibilités…
Je n’ai pas vu passer
ces douze mille matins
je serai plus attentive
pour les prochains
douze mille, promis.
Les rêves de la nuit
encore insistants
avant leur défaite,
les derniers mots
écrits ou prononcés
avant le sommeil…
Quiétude, douceur,
le drap épouse encore
mon corps
mimant tes mains,
le matin est la mousse
restant
du jour d’avant…
20.9.2020
*
On s’offre en animal dissimulé,
on chevauche les êtres.
C’est vrai, dissimulé
on a l’illusion d’être libre.
Percé à jour
on ne peut plus rien éviter.
En moi trois soupirs
qui sont mon univers.
Le premier est révolte
le second est amour
le troisième poésie.
Même sous la tempête de sable
on peut se sevrer des souvenirs,
et puis vivre et bondir d’ivresse.
Dans l’infinie distance,
on peut encore rêver
du mouvement qui crée…
Mais prendre des risques sans révolte,
se réaliser sans amour,
franchir les déserts sans poésie,
c’est comme accepter la mort.
L’enfant tapi en toi
a besoin que tu restes en vie.
17.9.2020
*
On écrit pour fixer quelque part
tout ce qu’on ne peut dire,
c’est parfois comme hurler
et parfois comme caresser,
mais surtout on écrit
pour pas crever.
15.9.2020
*
Le temps glisse et la nuit se déshabille,
quelques lueurs aux interstices des volets
une poussière d’or flotte dans l’air frais,
ma main encore assoupie s’approche
de ta tiédeur et de ton simple appareil.
Tu balbuties quelques mots lascifs
que j’entends à peine, je me retourne
en m’étirant, fesses offertes un instant,
nos douceurs de peaux s’accordent,
je suis plus rose que toi, – paraît-il…
La nuit se déshabille et moi aussi.
14.9.2020
*
Le crépuscule avait mis des ombres violettes
au creux des vallées, sur les mousses
et à grands coups de pinceau inspiré
au travers des forêts denses de conifères
encore ourlées de lueurs émeraudes.
La solitude en pleine montagne
m’allait plutôt bien ce soir-là
loin de tout, loin de la ville, loin de ma vie,
les ombres violettes sous mes yeux
n’étaient que cernes et délectation…
Un si grand calme alentour
un si grand tumulte intérieur
le chemin m’avait semblé difficile
mais j’étais arrivée jusque là
et le chemin continuait, loin…
11.9.2020
*
Contempler encore une fois cette peinture
après l’avoir si souvent contemplée,
comme vouloir n’en laisser échapper
aucune miette, aucune émotion,
aucune subtilité de couleur
aucune intention du peintre…
Entrer à l’intérieur, me laisser habiter,
être absorbée par son univers,
entendre les chuchotements, les cris,
les bruits, les musiques qui semblent
faire vivre les images sur la toile,
entendre au fond la voix du peintre.
Et me laisser porter par
cette expérience
sensorielle.
*
Réveillée bien trop tôt
les pensées en dentelle déchirée
ou peut-être en crépine,
jetant des morceaux d’impatience
dans ma douce patience
comme étincelles hameçonnantes,
ma noirceur se révèle
au grand jour.
Se juger telle qu’on est
est salutaire
mais comment changer ?
Ligotée par ma seule faute
je souffrirai
et ferai souffrir.
Disparaître ou continuer ?
Éternel dilemme.
Pour l’heure continuons
aimons et risquons.
Quelle est cette clameur
dans ma tête ?
Ah diantre ! Je dormais
encore,
et tout ceci n’était que
divagations
du sommeil matinal…
Je préfère.
2.9.2020
*
Sous la lune voyeuse, attendant d’être pleine,
tu m’envelopperais de tes bras et de tes jambes
et moi saisie par les délices pressentis
je me laisserais faire, toute en soupirs.
Un rythme serait trouvé, et puis un autre,
nos mains et nos langues seraient en quête
des plus suaves sensations, acmé et zéphyr,
et nos deux soies s’appareilleraient…
Ton archet pourrait trouver l’accord
qui mettrait l’extase à notre portée,
et les deux fées seraient de notre côté
ces chères sérendipité et synchronicité…
*
On se souviendra de ces jours languides
comme d’une pause interminée
leur saveur aura laissé sa trace rêveuse
dans nos esprits torturés
et l’on voudra revivre indéfiniment
leur libido libérée.
30.8.2020
*
Au fond du cartable, des taillures de crayon
coincées dans un pli, et la bonne odeur
du bois du crayon, des mines de graphite
égarées, éparpillées, un taille-crayon cassé.
Les cahiers neufs aux couvertures colorées,
le contact doux et frais des pages intactes
pour quelques jours encore, les spirales,
la bonne odeur des nouveaux cahiers…
Voilà qui aurait pu ravir mes sens à l’affût,
et la joie réelle de revoir les amis et amies,
mais la conscience plombante de me dire
c’est la rentrée…me déchirait l’intérieur,
me faisait verser des larmes sur les vacances
si tôt finies, me poussait vers des révoltes
encore en germe, me faisait haïr l’école,
et sans me soucier de message subliminal
m’arrachait jurons enfantins et grimaces…
29.8.2020
*
Pas de stimulant vague, de désert incertain,
ni de nombril, de raison nouvelle
pour dénoncer la parole des légendes patientes.
Je suis la tribu, je suis le sel,
l’épice dorée toujours redécouverte
au goût de révolte.
Juste un battement de cils, et me voici !
Les silences aux pieds nus,
le souffle à ton oreille
stimulent ton calme jusqu’à l’épuisement.
Au bord du regard et de la vie,
loin des planètes et des hordes,
empreinte profonde,
poison subtil mais
sans hostilité,
la marée nous dit tout
des dangers comme des plaisirs,
oracle, prophétie, rêve, diablerie…
Je suis restée l’enfant
qui tirait la langue,
tu es resté l’enfant
devenu adolescent.
Regarde au loin passer les amoureux
ils ont des regards étranges
et leurs vies semblent en suspend…
On va traverser à pied sec
ce petit fleuve tumultueux
qui nous sépare d’eux
et on n’aura pas peur
et puis on s’envolera…
26.8.2020
*
Ce n’est pas un jour faste, celui de l’absence,
celui du délitement et du manque
celui de la boule à l’estomac
comme tout semble fade, tout perd son sens,
et l’on voudrait remonter le temps… pour un temps
et une fois encore, juste une fois, goûter aux tendres
délices de l’ensemble et des insouciances.
Ce n’est pas un jour faste, non
mais si le faste revient un jour
je saurai m’y arrimer, le retenir,
le convaincre de s’arrêter
un peu plus longtemps,
encore un peu…
19.8.2020
*
Je veux bien que, sans culotte
tu montes à l’assaut de ma bastille
je veux bien rendre les armes
et me laisser aller, subversive
et néanmoins vaincue.
Mais je n’ai pas besoin de tes
avions de chasse ni de ta nation,
tu m’auras mieux en douceur
mon cœur…
14.7.2020
*
J’hypnotise avec des mots
et je fais reculer l’ombre lourde
je tisse mes histoires sans fin
et tout le monde veut y croire,
une petite fille court là-bas
à perdre haleine vers l’ensuite
et je te la montre du doigt
et il n’y a plus de larmes ni de cris,
elle fait reculer la mort et la peur
jusqu’aux derniers confins,
elle t’attend aux frontières du rêve
et s’efface sans cesse aux marges
pour que tu continues le chemin,
je te la raconte, je te la conte,
et les nuits et les années n’ont
plus ni importance ni doute,
car vois-tu, je suis Shéhérazade…
11.7.2020
*
Au détour de l’été mes rêves s’accrochent à ta lumière.
Une brise tiède berce la nuit et crée l’insomnie
chez nous pauvres humains,
pour un moment, juste un moment, oublions
l’immonde et le corruptible
il n’est plus temps de rien, d’ailleurs le temps
implose et se contracte
comme un univers fatigué,
reprenons cette page mille fois commencée
et osons tous les mots qui dérangent
ceux qui saignent et qui font mal
et ceux qui crient les corps exultants,
le monde a un infini besoin de notre folie.
8.7.2020
*
Combien de fois peut-on renaître, au cours d’une vie ?
Combien de fois te relever et repartir après les coups
combien de serments et de serrements de gorge
combien de lèvres éclatées ou de fronts fendus
combien de cicatrices et combien de sacrifices…
Tiens, donne ta main et allons marcher sous la pluie
toi qui fus ce petit enfant mal-aimé et cabossé,
on a des choses à se dire et devant nous la nuit…
7.7.2020
*
J’ai attendu que tu dormes, mes doigts effleurant tes lèvres
et je t’ai regardé dormir, la nuit était mon alliée
tu n’en as rien su, ou peut-être que oui un peu,
et je t’ai simplement dit : tu es aimé.
Tu m’as demandé rempli d’inquiétude
si je n’avais pas peur de cette attente
et du temps qui se déroule et s’enroule.
Je t’ai souri dans la douceur de l’ombre
et j’ai dit : avec toi je n’ai peur de rien.
J’ai attendu que tu dormes, tes lèvres balbutiant encore dans le sommeil…
28.6.2020
(Douceur d’un rêve nocturne)
*
Il y a eu des hiers, il y aura des demains
mes rêves ont suivi la courbe des orages
la foudre est tombée tout près de moi
pour me rappeler qu’elle est maîtresse
et distribue toutes les cartes du tarot,
je guette les après, les matins, les mots
Il y a eu des hiers, il y aura des demains
le sable s’écoule doux entre mes doigts
la pluie fait sa gentille pour m’endormir,
plus tard je me retournerai et je saurai
nommer ce qui construit les promesses
de l’aujourd’hui, les aurores ténébreuses
et les soirs purs de toute inquiétude…
27.6.2020
*
Je flotte dans une brume
il fait doux et frais
un tambourin rythme
au loin les pulsations
du sang dans mes veines.
Dans une lueur soudaine
un grand druide s’impose
et me tend un livre ouvert,
sur la première page
le titre écrit à la main
m’apparaît :
Avant-poème du visiteur.
21.6.2020
(Rêve nocturne)
*
En dépit des noirceurs et des horreurs,
l’amour et le désir ont étendu leur velours
sur les heures à venir, et les jours…
Étranges étreintes, fantasmes enfantés,
les corps se dissolvent, éreintés.
Vois la braise toujours vivante,
entretenue, choyée comme joyau.
De nous, des ondes et des rêves
courent à la surface et dans les airs,
nouant un filet incessamment créé.
Je m’assieds sur ce siège et je pense
que ses pieds sont tes pieds et que
tu es ce siège, sous mes cuisses.
Tu t’allonges sur ce lit et tu penses
à un lit d’argile où nos deux corps
laissent leurs empreintes emboîtées.
J’enlève mes chaussures et mon pied
nu sur le sol froid cherche ton pied nu
et mes jambes cherchent tes jambes.
Mes vêtements traînent encore par terre
et les inflexions de ta voix traînent
encore dans les méandres de mon oreille.
Les larmes sont mortes
si ce n’est d’émotion…
18.6.2020
*
Y’a du Nirvana en musique de fond
Allongée nue sur mon lit
comme je fais souvent
les jambes relevées contre le mur,
je note la disparition du tableau
habituellement accroché là.
Y’a du Nirvana en musique de fond
Je cherche une bière à tâtons
et je remarque que ce mur
au lieu d’être tout blanc
est recouvert d’un papier peint
à fleurs atroce…ah bon.
Y’a du Nirvana en musique de fond
et soudain de ce papier peint
des animaux sortent
et avancent par couples
le long de la cloison
vers une arche invisible.
Je les suis des yeux
dans leur périple lent,
y’a des salamandres
noires et jaunes, très belles,
des lézards verts et
des araignées velues…
Et toujours Nirvana en musique de fond…
17.6.2020
(Rêve nocturne)
*
C’est un beau jardin
mais je sais qu’il est né
sur les ruines décomposées
de ce qui fut jadis…
Des étendues d’eau
là où des maisons vivaient,
de jeunes arbres en fleurs
au milieu des rues.
Les animaux du zoo
se sont libérés et reproduits,
des bébés tigres jouent
tout autour de moi.
Une fillette joyeuse
vient vers moi en courant
et réclame d’être prise
dans mes bras…
Nous allons toutes
les deux sur les chemins
sableux entourées par
les tigres, les fleurs…
Mon téléphone sonne
dans ma poche, je réponds
avec difficulté en pensant
que ma mère m’appelle.
Et puis avec surprise
je reconnais ta voix qui
dit doucement » C’est Yann »
il y a des siècles que
je ne t’ai entendu
me semble-t-il…
Tu me demandes si
je suis prête, je ne sais pas
à quoi mais je dis oui,
tu ajoutes « j’arrive ».
Alors je te préviens :
« je suis avec ta fille »,
je t’entends sourire…
14.6.2020
(Rêve nocturne)
*
Qu’es-tu venu murmurer toute la nuit
à mon oreille, dans mes rêves agités
et peut-être bien dans les tiens ?
Les murs de la maison s’effondraient
sans bruit autour de moi
film au ralenti d’un cataclysme,
tous les oiseaux s’envolaient
et seul mon lit demeurait là
intact au milieu des jardins
dévastés, douillet encore,
et moi bien calée dedans.
Puis un tronc d’arbre a pris feu
et le brasier s’est propagé…
J’entendais et n’entendais pas
tes mots, tu parlais d’épidémie,
de point de non retour, d’incendie,
de trains qui restent en gare,
de libertés bafouées
et d’apocalypses.
Qu’es-tu venu murmurer toute la nuit
à mon oreille, à m’en faire frissonner ?
11.6.2020
*
Souvenirs de mai en bandoulière
on s’accrochait partout les cerises
jumelles, aux oreilles ou sur le nez
et il fallait aller chiper du bout des
lèvres et sans rien faire tomber,
une cerise sur le nez de l’autre ou
à l’oreille de qui nous plaisait…
Des années plus tard en buissonnière
on recherchait toujours les fruits
rouges de ceux ou celles qui
mettaient le mois de mai dans nos yeux
on y goûtait comme dans l’Eden
on s’y laissait tomber en entier
nos corps livrés au printemps…
31.5.2020
*
Excoriée mais non vaincue, – faudrait pas déconner -,
j’ai joué au phœnix au risque d’être bien désuète…
un ramassis de fachos refaisant surface une fois de plus
ils m’ont menacée de m’attendre avec leurs battes
de base-ball, j’ai risqué un jeu de mots à la con
à propos de baise et de leurs balls à la dérive,
heureusement ils n’ont pas très bien compris
mon propos et c’est peut-être bien ce qui m’a sauvée,
ils sont repartis assez vite en ruminant leur haine
entre leurs dents, normal y’avait trop de bagnoles
dans la rue qui circulaient et c’était en plein jour.
En rentrant chez moi j’ai vu la marque de leurs gros
doigts sur mon bras, en bleu violet, – bel effet…
Au bout de la rue j’ai retrouvé mes potes et voisins
Tony le gitan, Latifa aux yeux verts, Erwan le colosse
ils avaient tout vu tout entendu et voulaient aller
leur démonter la tête sans attendre une seconde,
je leur ai dit non, d’abord on va causer, et on va
rigoler autour du verre de l’amitié, et puis après,
après… on verra bien, les fachos y’en aura toujours.
29.5.2020
(Souvenir – écrit en 2013)
*
Nos ellipses se sont croisées
et ce sont les mots écrits qui ont d’abord osé
c’était troublant et déroutant
j’aurais pû fuir dix fois, vingt fois,
mais je sentais qu’il ne fallait pas
parce que c’était toi.
Nos ellipses s’étaient croisées
et ce sont nos voix qui ont continué
le trouble a peut-être augmenté
et le temps qui coule
nous a portés
jusque là.
Des images, des mots, des sons
nous ont habités et dessillés
les désirs en cohue sont nés,
les hésitations
balayées,
et il ne restait que nous.
29.5.2020
*
À trop rêver d’autres rivages, à trop vouloir
franchir la ligne invisible qui te fait croire
dur comme fer qu’il existe des frontières
et qu’au-delà ce sera le domaine de la liberté
tu risques de t’écrabouiller, de te crasher
en plein vol ou même d’y perdre la raison
oui c’est vrai, mais aussi tu risques de vivre…
A trop réfléchir avant, tu ne le feras pas.
26.5.2020
*
Y’a des oiseaux qui entrent chez moi
quand les fenêtres sont ouvertes
j’les entends siffloter dans la cuisine,
y’a des chats qui entrent la nuit
dans ma chambre et me regardent
dormir puis miaulent pour du lait,
y’a des araignées aux plafonds
qui sont des artistes en résidence
leurs toiles décorent les angles,
y’a des abeilles et des bourdons
qui après avoir butiné au jardin
se risquent dans les ombres,
et puis y’a toi quand tu viendras
et y’aura d’un coup toi et moi
comme par magie y’aura nous.
22.5.2020
*
Suis-je ?
C’est la mère de toutes les questions
métaphysiques
celle qui m’aura tenaillée
jusqu’à ce qu’elle ne se pose plus,
jusqu’à la fin…
Il n’y a pas vraiment de réponse.
Il y a des réponses fluides et changeantes…
18.5.2020
*
J’ai fait glisser mon bas résille vers ma cheville
et sur ma peau blanche et lisse j’ai imaginé
les traces que tu aurais pu y laisser
une légère morsure en haut de ma cuisse
un baiser vampire à la saignée du genou
les empreintes de tes doigts un peu partout
des paillettes irisées oubliées sur ma chair…
17.5.2020
(rêves de confinement)
*
Il y a des mots plus violents que des bombes
plus destructeurs que toutes les armes
le monde des humains en est saturé
on ne les voit pas, on ne les entend plus,
mais ils poursuivent leur chemin de mort
aussi loin que des mots peuvent aller.
Parce que les mots sont autre chose
que de simples mots, ils sont des actes,
ils sont des intentions, ils sont vivants.
Nous avons beaucoup de chance,
il y a aussi des mots plus suaves
que le miel et la pluie de printemps…
16.5.2020
*
Il est des terres mourantes et des rivages obsédants
comme des amours informulées
je les regarde s’accomplir
il est bien trop tard pour renoncer
l’essentiel est d’être debout et les yeux grands ouverts.
Tu es venu autrefois aux marges de ces contrées
tu fais mine de l’avoir oublié
mais la vie ne t’oublie pas
et ne te lâchera pas la main
il n’est plus temps de détourner les yeux, tu le sais.
Il est des terres mourantes et des rivages obsédants
comme des amours informulées
j’ai choisi les terres vivantes
et les rivages obsédants d’aurores
pour les murmurer chaque jour, et puis t’écouter.
12.5.2020
*
Comment écrire le bruit que fait la pluie sur le toit ?
Elle m’a réveillée ce matin, j’ai émergé lentement
et j’ai repensé à ce rêve de la nuit où ensemble
nous découvrions des fleurs séchées entre les
pages d’innombrables journaux, dans un grenier.
Parmi toutes ces fleurs aux parfums persistants
il en était une plus belle et plus fraîche que les
autres, d’un rouge encore flamboyant, vivant…
Nous l’avons admirée ensemble et avons décidé
de la garder, de la choyer, d’en faire notre feu
incandescent de chaque instant , notre vie.
Et par nos soins elle s’est mise à revivre.
Comment écrire le bruit que fait la pluie sur le toit ?
5.4.2020
*
La pluie me parle de toi
et elle m’a parlé tout le jour
j’avais tant à entendre
et elle avait tant à me dire
Ce printemps étrange
laissera des traces
tout recommencera
en dépit des cadavres
La pluie me parle de toi
elle imprègne la terre
et irrigue mes désirs
j’ai effacé no futur…
30.4.2020
*
Les pétales rouge sang
éparpillés par la bourrasque
personne pour admirer
leur beauté
le jardin public est fermé
sa grille rouillée masque
oublié par terre, un gant…
28.4.2020
*
Nouvelles apocalypses
emmurées vivantes
dans nos prisons intimes
en résidence surveillée
par la mort et sa faux…
Nouveaux romantismes
des ténèbres surgit
l’émotion de l’instant
de morbide non exempte,
peste et amour font la noce.
Nouvelles apocalypses
si nous survivons à cela
nous pourrons nous aimer
oublieux des pourritures
savourant nos noirceurs…
27.4.2020
*
Je m’autorise moi-même à sortir
je m’autorise à vivre à jouir
cela doit se faire avec signature
et de préférence sans rature,
je n’oublie pas mon ordonnance
pendant que d’autres là en haut
édictent leurs ordonnances,
et je n’oublie pas ma carte virale
contrainte d’ordonner ma vie
autour de ce qui est pour moi vital.
Je m’autorise moi-même à sortir
en imaginant à l’avance la sortie
la vraie la belle la libre, – avec toi.
22.4.2020
*
C’est comme une prison à ciel ouvert
avec des cellules tout confort parfois
et d’autres qui sont des trous infâmes.
C’est comme si on était tous d’accord
pour subir cette séquestration
et cette dilution de toutes nos libertés.
C’est comme…un temps pour le rêve
rêve d’une planète libérée de nous
rêve de nous retrouver enfin, à la fin.
21.4.2020
*
Danser nue la nuit chez soi
toutes bougies allumées
pour faire la nique à la
séquestration organisée,
danser nue en rêvant de toi
pour vivre avec l’intensité
de l’après présent déjà
onduler et rêver, et rêver…
19.4.2020
*
Dans les interstices du présent
nous pouvons nous glisser
et réveiller les saveurs de l’instant,
quelle somme de liberté
tient dans une seule seconde ?
18.4.2020
*
Amazone sans Amazonie
j’ai rompu mes amarres
pour me sentir exister,
depuis je dérive la nuit
je me moque des courants
contraires, enfin je vis…
Mon corset trop serré
je l’ai jeté par-dessus bord
mes seins sont libres,
mon écriture est ma voilure
et quant à mon ancre
c’est toi qui l’as retenue…
12.4.2020
*
Carbonisée des pieds jusqu’aux reins
je suis restée figée pendant longtemps,
les parasites de mon âme
m’ont forcée à une manœuvre inverse.
Tout juste risqué un regard en arrière…
Anéantie de voir tant de vice sournois
j’ai attendu de m’éveiller au matin,
triomphe fragile et pur,
je me suis sentie si nue et si blanche
je ne voulais plus jamais aller là-bas.
On peut avoir le cerveau douloureux
et les yeux qui se barricadent
derrière les cils,
mais la vie est là autour de nous
attendant qu’on plonge en elle…
11.4.2020
(Rêve de changement de vie)
*
La nuit nappe tes tensions
d’un sirop suave,
ton corps se retourne vers
son intériorité,
tu sais que l’agonie laide
du monde autour
se poursuit continûment
mais que faire…
La révolte serait de tous
sortir comme des fous
sans souci du virus
ni de ses polices.
Nous ne le ferons pas,
pas encore…
10.4.2020
*
Le fracas du ressac
la vague qui se retire en égrenant les galets,
les trilles de gorge
des oiseaux aux premiers rayons du matin,
les doigts glissant
sur les cordes apprivoisées d’une guitare,
tous ces sons qui
viennent parfois peupler mes rêves la nuit,
et puis ta voix
qui a investi mon oreille avant même de te
connaître…
9.4.2020
*
Vous ne confinerez que mon corps, qui en a vu d’autres…
mais mon imagination, mes désirs, mes soupirs,
mes murmures, mes songes, mes ivresses intérieures,
font leur lent travail souterrain et répandent leurs feux
aux quatre points cardinaux de mon véhicule terrestre.
7.4.2020
*
Il me reste toutes mes nuits et tout le jour
pour me caresser en pensant à tes mains
pour entendre l’écho de tes paroles
pour m’enjoindre la patience tous les jours…
Il me reste d’imaginer encore ton odeur
et nous revoir marchant librement
discutant liberté égalité des heures,
il me reste le temps du confinement…
6.4.2020
*
Légère, linéament qui s’élance
comme plante grimpante
je m’enroule et rêve d’espace
ma peau devient tégument
mon sang pulse là en bas
la vie passe à travers moi
et rien ne peut l’arrêter
cette forme que tu vois
n’est qu’une de toutes celles
innombrables, qu’elle mime
j’y participe, je suis le flux,
je remplis ma part infime,
brin d’herbe ou poussière
d’étoile je suis l’infiniment
petit morceau de vie…
tenace, obstiné, vivant.
4.4.2020
*
Elle est advenue, la dictature du minuscule
quand tout un chacun retient son souffle
dans l’attente longue d’un dénouement…
les amis, les amoureux ne se voient plus
les chairs et les peaux se font violence
pour accepter la patience et le manque…
pourtant le feu couve au creux de mes reins,
je leur impose un frein, leur fait des serments,
toute chose prend ta forme entre mes mains…
dehors le monde est sur pause
on dirait la seconde qui précède
une catastrophe, au ralenti…
le genre humain vit une interminable apnée.
31.3.2020
*
Cette nuit, pendant que tu dormais
j’ai dessiné sur ta peau tiède
des chemins et des contours
du bout de mes doigts
A la fin, cela te faisait un habit
léger sur presque tout le corps,
résille ou dentelle de traces
qui luisait dans l’obscurité
Tu souriais dans ton sommeil
alors j’ai continué longtemps,
j’y ai mêlé parfois mon souffle
pour ourler tous les bords
Au matin mes doigts affaiblis
et mes yeux étaient brûlants,
et je me suis rendue compte
que tu n’étais là qu’en rêve.
Seul ton costume de traces
et de caresses, arachnéen,
gisait encore à la place
où je t’avais vu en songe…
29.3.2020
*
Le linteau des portes est en fusion
je le vois fondre et se tordre
c’est le bon moment pour une confession
désormais mon cœur est en désordre
mais j’y trouve de l’inspiration…
Les portes elles-mêmes se fissurent
et sortent de leurs gonds en grondant
le feu est intérieur aux murs
et tu vois bien qu’il va tout consumer
au bord de l’abîme je vais m’envoler…
26.3.2020
*
Les fourmis fuient la fourmilière
et suivent leurs propres chemins
au travers de la forêt incendiée…
J’accouche en pleine nature
d’un bébé aux longs cheveux
qui ouvre de grands yeux bleus…
Les épidémies se multiplient
peste bubonique, choléra,
typhus, lèpre et variole…
C’est toi l’accoucheur
de mes mots autant
que de l’enfant…
Il y a mille ans et bien plus
tout était déjà ainsi
les chairs se putréfient…
Cette vie qui nous défie
si petite et si fragile
elle est pourtant forte.
Forte comme un songe
en temps de peste,
en temps d’amour.
26.3.2020
*
C’est la dernière étoile, dirait le petit prince
– et c’est le fléau de la balance,
les sept plaies d’Egypte réunies,
la perversion à grande échelle -,
mais c’est la dernière étoile que tu verras.
Les murmures et les miasmes
peuplent nos nuits qui s’étirent,
des milliers de têtes hurlantes
aux bouches affreusement tordues
affleurent à la surface de mes rêves…
C’est la dernière étoile que tu verras
sur ta gauche en quittant la galaxie,
c’est elle qui te prendra par la main
elle est tous nos vertiges et nos désirs
elle nous apaisera, son nom est Théodora.
Petite lumière qui vacille tout là-bas…
23.3.2020
*
Dans les fumerolles et les vapeurs de soufre
il me semble que je t’ai escaladé, volcan.
Il y a bien des lunes et bien des désespoirs,
j’ai jeté dans ton cratère en rougeoyance
toutes les lettres, tous les écrits, les larmes
des pauvres humains, comme tu le voulais.
Dans les fumerolles et les vapeurs de soufre
je suis redescendue pour être brûlée
à mon tour, parce qu’il le fallait bien
moi sorcière des siècles et des nuits,
pour accomplir mon destin et le tien,
pour être celle qui, pour renaître…
19.3.2020
(Incantation)
*
Puisque tu ne peux sortir, regarde par la fenêtre
et vois ces quelques cavaliers qui sillonnent
les rues de jour comme de nuit, vêtus de noir
il y a des clameurs des larmes et des cris
mais il y a aussi la vie les fleurs l’amour…
puisque tout est perdu, tout est sombre,
alors abandonne-toi à la douceur
goûte les délices, savoure l’ éros
autant qu’il te sera possible, doux ami,
il est grand temps de vivre quand tout s’enfuit…
17.3.2020
*
Méduse nous regarde, de tous ses yeux
qu’elle n’a pas, et nous pétrifie,
nous confine, nous isole les uns des
autres, elle a pris un nom latin
mais elle est toujours la même
qu’autrefois, il y a 3000 ans…
On n’est pas obligés d’être sidéré,
paralysé, effrayé…on peut bouger
quand même, aimer sans stocker,
et puis continuer de vivre et rêver
et cueillir au bord de nos lèvres
les soupirs qui assassinent
l’ennui et parlent d’épices…
14.3.2020
*
Le toboggan était très haut,
haut comme une maison
mais j’ai grimpé sans peur.
Arrivée enfin au sommet
prête à glisser sur la pente
j’ai constaté que ce toboggan
n’était constitué que de fruits :
des bananes, des pamplemousses,
des milliers de fruits accumulés.
Émerveillement. C’était beau,
coloré, et cela sentait bon.
Je me suis élancée
et j’ai senti tous ces fruits
rouler sous mes cuisses nues,
sous mes fesses,
sans un bruit,
dans un vertige de parfums…
13.3.2020
(Rêve nocturne)
*
Les mots me manquent,
à défaut je suis des yeux les stratus
et cet oiseau noir qui me guette
derrière la vitre.
Les épidémies comme déclencheurs,
il y a 100 ans tout juste la dernière
de peste, les pauvres gens
sacrifiés.
On voudrait leur passer un savon
mais on en manque justement,
à défaut les élections,
une bonne raclée.
Les mots d’amour déclencheurs
quand ils te viennent aux lèvres
malgré toi, sans préméditation,
et que ton trouble soudain
te fait trembler
imperceptiblement…
12.3.2020
*
Nuages qui fuient vers le sud…
je n’ai pas été cette enfant
que l’on violente et que l’on tue,
parfois, pour effacer les traces,
je n’ai pas été cette femme
contrainte de se vendre
pour pouvoir se nourrir,
je n’ai pas été ces douleurs
et ces tourments habituels
qui font de ce monde
une multitude d’enfers.
J’ai juste été à leurs côtés.
Nuages qui fuient vers le sud…
9.3.2020
*
Ce n’est qu’en rêve
que la pluie cette nuit est entrée chez moi
par la fenêtre grande ouverte,
qu’une paix profonde s’est installée
sur nos villes silencieuses,
que l’enfance m’accrochait à ses rires
pour me faire encore sourire,
qu’un nouveau-né qui te ressemblait
gazouillait dans mes bras,
que tous ceux à qui on fit un jour du mal
se trouvaient réparés, apaisés.
Ce n’est qu’en rêve…
et tout cela semblait si réel
que des larmes au réveil
baignaient encore mes joues…
4.3.2020
*
Les désirs portés en écharpes
les téguments en apothéose
nous allions de par le monde,
nous ne nous connaissions pas
mais le temps volait pour nous,
nous ne nous accordions
ni trêve ni assoupissement…
L’horizon nous semblait trop
lointain pour nous intéresser,
l’ici et le maintenant formaient
notre credo et notre racine,
nous étions fous et si jeunes
et nous ne savions pas encore
qu’un jour notre révolte se
construirait
de feu
de béton
et de chair…
2.3.2020
*
Je lui ai montré des fraises,
ça lui a fait penser à des
gargouillis dans mon bas-ventre…
Je lui ai épluché une mandarine,
ça lui a fait penser à des
lèvres qui s’entrouvrent…
Je lui ai apporté des leetchis
il m’a regardée en porter
un à ma bouche lentement…
A la rescousse les ananas
les figues et les mangues !
Bienvenus les abricots dodus
les poires juteuses et les bananes…
Les fruits et moi, ce sera
toujours
des histoires d’amour…
29.2.2020
*
Le chien de l’enfer s’est réveillé
le jour où tu m’as appelée
pelée comme un fruit mûr
offerte sans le savoir encore
et fournissant même la lame
pour me laisser éplucher
jusqu’à la dernière dentelle.
24.2.2020
*
Coussin de mandarine, lèvre douce
aux baisers balsamiques,
levrette douce au rythme onirique,
nous avons laissé fondre les bougies
les oreillers sont épuisés,
je ne sais plus si c’est le jour ou la nuit
peut-être bien les deux à la fois
ou successivement,
coussin de mandarine retrouvé écrasé
sous ma hanche
et tous ses parfums répandus
sur nos peaux l’une contre l’autre
arrimées,
mes doigts et mes lèvres
sur ton corps qui palpite encore
après une nouvelle tendre mort,
coussin de mandarine à tes lèvres
veux-tu le dernier ?…
23.2.2020
*
Au fond des prairies inondées
mimant de nouveaux océans
une corne de brume
a traversé tous les temps…
Cernés de machines de métal
et de pauvres plastiques
nous rêvons encore de ces
ères sans modernité
ou ce que nous croyons tel.
Au moment même où j’écris
ces mots sur un clavier fantôme
mon esprit trop humain rêve
de prairies perdues et de
ruines blanchies au fond des bois.
Corne de brume qui a
traversé tous les temps,
illusion romantique
qui nous appelle, nous
pauvres humains décalés…
20.2.2020
*
Une des innombrables formes provisoires
que par amusement ou par hasard, la vie
a adoptée en se laissant traverser par
toutes sortes de courants et de rêves…
c’est ce que je suis et ce que tu es aussi,
les formes provisoires que nous sommes
peuvent par bonheur se rencontrer,
se trouver…
18.2.2020
*
Matériau inflammable
je n’ai pas été ignifugée
l’embrasement me guette
donc à chaque instant
Je veux bien être sage
et rester comme dans la
cheminée, jetant alentour
quelques étincelles rebelles
Je n’ai pas besoin d’être
éteinte car le danger est nul
mais on doit m’endiguer
juste un peu, me caresser
dans le sens des flammes
Matériau inflammable.
18.2.2020
(thème du feu)
*
La tempête ne veut aucun répit
elle te pousse impérieuse
à choisir tes chemins
à fortifier tes remparts
elle te rappelle la faiblesse
de ton souffle vivant
et la force qui t’inspire,
elle te hurle au visage :
regarde, sens, respire,
je suis vents et voyages
je traverse les ciels démontés
les mers salées et les terres
et jamais ne ressens la fatigue
et jamais ne disparais
tout-à-fait…
Aucun répit ni fatigue,
tes chemins,
tes remparts :
tu choisis…
Alors
tu pourras dire peut-être :
je suis tempête.
16.2.2020
*
Mon café n’a aucun goût
et le froid n’a aucune prise
sur moi ce matin
je m’habille machinalement
peut être ai-je oublié
de mettre une culotte
voire pire je ne sais,
je ne vois rien de ce qui
m’entoure,
et le chat n’aura rien
à manger malgré
ses miaulements
désespérés,
je vais même arriver
à être en retard
sans presque rien faire,
tiens mes chaussures
sont dépareillées,
il faut se rendre à l’évidence
je suis amoureuse
15.2.2020
(thème : lendemain de St Valentin)
*
Nappes de brume opalescente
la chambre semble irréelle
les murs blancs sont mouvants
ou c’est moi qui divague encore
J’ai fait des rêves brûlants
à l’érotisme explicite
comment tu n’as rien senti
tant pis moi seule en ai joui.
Nappes de brume opalescente
sur un réveil engourdi et hanté
les murs blancs sont mouvants
comme après l’exta ou l’extase…
13.2.2020
*
Fumer du thé souchong et éviter de penser
c’est pas gagné, les neurones trépignent
à tous les portillons, les volutes odorantes
t’emmènent très loin, tes yeux se troublent
tu voulais des sensations des émotions
et tu en redemandes continuellement
de ce point de vue tu as eu ce que tu voulais
oui mais… dit la petite voix intérieure…
oui mais pourquoi tu te mets en danger
aussi délibérément, au risque de longues
nuits d’insomnie… tu te cherches toi-même
et tu te trouves, certainement, au détour…
tu veux vivre intensément, tu veux que ça
te bouleverse de fond en comble, tu veux
le maximum… y’a un prix à payer il paraît
mais tu t’en fous… alors vas-y savoure
les moments, même ceux qui déchirent,
même ceux qui font mal, et ne viens pas
te plaindre… non je me plains pas, jamais,
c’est juste que je me demande parfois…
si mon p’tit cœur résistera à tout ça…
parce que mise en danger volontaire
ok, mais le cœur romantique en moi
murmure qu’il faudrait pas trop déconner.
9.2.2020
(Substances d’une nuit de pleine lune)
*
La nuit a construit
un balcon suspendu aux émotions du jour.
Nos troubles s’additionnent ,
nos membres se gloutonnent.
J’espère le balcon solide.
Des nuages passent rêveusement
la lune nous observe de loin,
des passants lèvent le nez
vers nos soupirs étreints
et s’arrêtent hypnotisés.
Nous ne nous arrêterons pas
en si bon chemin,
la rambarde est un tremplin.
Mon balconnet suspendu
au-dessus de l’obscurité,
la taille bien calée
contre la barre,
j’hume les senteurs de pinède.
Le temps passera vite
et lentement,
et l’on s’inclinera gourmands
devant nos minuscules
agonies…
7.2.2020
(Un rêve de sensualité)
*
J’ai été
druidesse ou sorcière
cramée sur un bûcher
non par les flammes
mais par la bêtise
la flamme elle était
en moi
et y est
toujours.
J’ai pas
voulu être vestale
le blanc ne m’allait pas
je préfère être en noir
et courir dans les bois
quand j’en ai envie,
je prépare
des philtres
qui ratent,
parfois…
D’autres fois
mes potions et mes sorts
font plus d’effet que prévu
alors la surprise est pour moi
mais tout ça est peu de chose
pas de quoi
fouetter un chat noir
ou fendre des bûches.
C’est juste
qu’on n’a pas
le droit
de défier.
Défier l’ordre.
Défier la raison ou
l’intelligence
par contre,
on peut…
7.2.2020
*
De défi en défi, tu décores ta vie
mais la vie n’a pas besoin de ça
juste besoin que tu sois sincère
avec toi-même, en accord intérieur
même si ce n’est pas paisible…
Demande-toi ce qui t’étreint
ce qui bouleverse tes cellules
ce qui ne te laisse pas en paix
et quand tu auras trouvé :
c’est là que palpite ton cœur.
Ce ne sera pas un défi
ce ne sera pas une posture
mais là tu peux y aller
carrément, dans la houle
qui mugit : ce sera toi.
4.2.2020
*
Un rêve m’a rêvée de ses fleuves sans delta
de ses tumultes aux reflets d’émeraude
creusant sans fin les ombres du désert
déposant le sel sur les rives de la nuit…
Je veux retrouver ces images inconnues
qui consolent l’enfant qui dort en nous
et qui donnent à notre âme assoiffée
le lait et le miel dont elle a besoin.
Les fleuves sans delta se jettent tout droit
dans les flots amers qui avalent les corps,
comme les rêves s’ouvrent soudain
sur l’univers cruel, au petit matin…
3.2.2020
*
J’avance sans cuirasse sans carapace,
on ne s’en rend pas toujours compte
mes plus tendres chairs sont exposées
dans leur tiédeur vulnérable et muette
c’est pour mieux vous entendre les gens,
c’est aussi pour mieux m’entendre et
mieux me vivre avant qu’il soit trop tard…
J’avance sans cuirasse sans carapace
et oui j’en ai reçu des coups et des bosses
mais ce n’est pas grave, on redémarre
et la révolte s’installe bien plus sûrement,
et je cherche les autres sans cuirasse
pour que l’impact soit moins violent,
que nos vulnérabilités se reconnaissent.
J’avance sans cuirasse sans carapace
y’en avait plus en stock de toute façon,
et j’ai une préférence pour la vie nue…
2.2.2020
*
C’est le soir corrosif, tu crées l’insomnie
avec tes mots hypnotiques, tes allusions
je m’immerge dans leur sensualité
le temps vrillé sera le seul perdant
les heures à venir seront langoureuses
même si seul le sommeil les étreint…
C’est le soir transgressif, un peu étrange
ces moments précieux sont à graver
dans nos synapses en branlebas
la raison crie hors de contrôle mais
nous on n’en à rien à raisonnabler
on recherche et on aime ces soirs
Ces soirs performatifs qui sont la vie…
31.1.2020
*
Je me suis écorché les lèvres
à désirer t’embrasser
je me suis tordu le ventre
usé les veines et les rêves
l’alcool m’a vidé la tête
la weed a fait le reste.
Je me suis écorché les lèvres
le désir a brûlé ma peau
mes cuisses ont tremblé
et mes mains ont caressé
ton absence et tes mots
impatience et patience.
Ces moments sont beaux
au seuil de l’embrasement
de nos chairs vivantes,
j’écorche mon oreille
à vouloir t’entendre
nos murmures, nos souffles
je les recueille avide
pour les déguster ensuite,
ils prendront leur sens…
25.1.2020
*
Nous sommes le désordre
et la désobéissance
nous sommes le flot vivant
que rien ne peut arrêter
nous sommes un et des milliers
impétueux, libres enfin.
La révolte ne vaut
que pour elle-même,
si nous tombons
d’autres poursuivront,
et même si nous échouons
la lutte aura été belle.
Nous sommes le désordre
et la désobéissance
nous sommes le flot vivant
que rien ne peut arrêter
nous sommes un et des milliers
impétueux, libres enfin.
24.1.2020
*
L’hiver et ses bruits silencieux
on criait en se jetant de la neige
on observait les cristaux géométriques
au microscope, avant qu’ils fondent…
Les corneilles nous ont suivis
elles sont vêtues de noir profond
tout comme nous aujourd’hui,
elles cherchent à manger sans fin…
Le sol craque sous mes pas
et sur le scintillement blanc,
rouges les gouttes de mon sang,
froid sur la peau de mes cuisses…
C’est l’hiver merveilleux
et je suis devenue femme.
20.1.2020
*
Tu es le temps
et tu es le passeur,
combien d’années écoulées
à ne vouloir aucun joug
ni dieu ni maître dit-on
combien de tortures intérieures
de jugements de censures
combien d’années de malheur,
combien de matins désespoirs
et de nuits sans sommeil,
combien de renoncements
d’acceptation du terne
et de larmes ravalées…
Maintenant ce sera
tout le contraire, il y aura
la joie et la noirceur
l’élation et le drame,
plus jamais de terne
plus jamais de censures,
on enterre les camisoles
on brûle les ordonnances
on envoie fucker les petits
pouvoirs qui nous cernent,
on renvoie le monde à ses
petites névroses merdiques
et on entre de plain-pied
dans la belle folie.
Et l’on vit…
Tu es le temps
et tu es le passeur.
18.1.2020
*
J’aime les matins pécheurs
les aubes sans faux plis
les crépuscules en couleurs
et les nuits mille fois une…
Sur l’édredon éventré
l’hiver nous offre l’ivresse
et ses somptueux éclats
de glace mêlée à nos feux…
14.1.2020
*
J’ai résilié tous mes contrats
abandonné mes entraves
fait brûler tous mes freins
enterré mes peurs
et oublié tous mes noms,
j’ai contourné les règles
et toutes les convenances
j’ai gardé l’essentiel
le noyau du fruit pour
venir à ta rencontre…
14.1.2020
*
Parce qu’on est seul, seul dans sa tête
seul face à sa destinée et face à la mort,
parce qu’on est faible, trop conscient
de tout, au lieu de gambader insouciant…
le nous dans toutes ses dimensions
dans toutes ses douceurs ou ses forces
peut seul nous apporter le répit, le sel,
la sérénité quand bien même éphémère…
13.1.2020
*
Une fenêtre ouverte sur la nuit
la brise qui caresse les rideaux
et fait frémir les bougies
un oiseau qui palpite et pépie
dans ma poitrine endormie…
La lune est toute pareille
à ce qu’elle fut toujours
et les arbres bienveillants
tendent leurs bras secs
au-dessus de la chambre.
L’air n’est plus tout-à-fait
le même et les musiques
deviennent effrayantes
ce lieu est-il vraiment
celui qui m’est familier ?
Le rêve m’a envahie soudain
et la chambre est inconnue
je ne reconnais plus rien
et je vais errer dorénavant
jusqu’aux confins du sommeil.
Une fenêtre ouverte sur la nuit
et l’étrangeté fait irruption
mon esprit est ici et là-bas
près de toi au bout du pays
le rêve m’empêche de courir…
10.1.2020
*
Cendres et sable sera ce monde
tout est déjà sous nos yeux
mais nous refusons de voir,
cendres et sable entre nos doigts…
Nous aurions dû rester enfants
ne jamais quitter nos jeux
en abolir le point final,
rester enfants volontairement.
Cendres et sable sera ce monde
je n’aime pas être Cassandre
mais tout est déjà là
cendres et sable et cendres…
8.1.2020
*
Tous mes sens à contre-sens
contre sang, dans tous les sens
Arythmie de mon organe
cardiaque, pulsations folles
Fossette au creux de la joue
pour demi-sourire jocondesque
Sèves et sécrétions livrées
à elles-mêmes, raison abdiquée
Silence, soupir, silence encore
quand on ne sait plus que dire
Mes courbes me dérangent moins
pareil pour ma blancheur lactée
De quand datent donc ces signes
et ces involontaires émois ?
Et pendant ce temps le monde
s’effondre continûment…
Mais le corps vit sa propre vie.
7.1.2020