Poèmes 2022-2023

Rabougrie, fracassée aux étamines
il faut louvoyer encore et toujours
entre les peurs et les non-sens
de la vie
Tu sais je suis très forte pour ça
entre élation
et déréliction
tu te souviens ?
Ça fait mal
de vivre, oui,
dès le premier instant où on t’extirpe
par la force de ton nid douillet et rose,
on te flanque une baffe
pour que tu pleures,
pour que tu comprennes bien
une fois pour toutes
qu’ici ça marche comme ça…
Tu découvres le froid
y’a plus rien de chaud autour de toi,
on te fourre deux doigts
dans la bouche
sinon tu t’étouffes, paraît-il…
On te force à marcher
dès les premiers moments
même si t’as pas envie,
ça commence mal avec le sport !
Et avec un peu de chance
tu échappes à la grande pince
métallique ou à la ventouse
géante pour te tirer de là.
Oui, ça commence fort
je te préviens.
Après ça, les années se succéderont
couci couça, pas pareilles pour tout
le monde, la loterie quoi.
Et parfois tu te diras encore
que ça fait mal de vivre.
Mais parfois aussi, tu verras
il y aura du bonheur
il y aura du désir
de l’amour et de la poésie,
et là y’aura pas de mots
pour décrire ce que tu ressens
et tu cligneras des yeux
comme les chats heureux,
et tu te diras
finalement oui,
la vie c’est comme ça.
7.12.2023

*

Le vent secoue
les arbres
comme une laitue
dans l’essoreuse

Je n’allume
pas le chauffage
je compte sur mes
chaleurs innées

L’odeur du café
me fait éternuer
depuis le covid
je lui pardonne

Les corneilles ont
rendez-vous sur le toit
et moi avec toi
24.11.2023

*

Black friday
j’entame un nouveau tube
de dentifrice

Black friday
je n’ai pas reçu ma paye
mon compte dans le rouge

Black friday
voir la mer d’orage dans tes yeux
chasser les idées noires

Et un jour le free day…
24.11.2023

*

Sur le mur
la trace baveuse laissée
par un escargot

Sur le mur
le chat immobile surveille
la frontière

Sur le mur
la vigne vierge déplumée
regrette ses feux
23.11.2023

*

Je peins,
dehors la pluie aquarelle
mes vitres.

Je peins,
les couleurs synthétiques
miment la vie sur la toile
et bavent sur mes doigts.
La matière
a cette force
toute simple,
notre geste
se rejoint.

Je peins
et il ne reste plus rien
que l’essentiel.
19.11.2023

*

La toile d’araignée
perlée de gouttes de pluie
comme les cils
après une peine

Les gouttes de pluie
arrêtées dans leur élan par la vitre

Les cils au bord des yeux
ombrages de tes deux iris
lisière du lac
où je viens nager
16.11.2023

*

Adossée à la terre
là où la vie est toute tragédie sans théâtre
une voix étrange me réveille
je me tais, méfiante
Une raison obscure m’engourdit
je pense aux innombrables dieux terrestres
adorés, craints, détestés, défiés, ignorés
Ni bonheur ni extase
mais oubli de la mort hideuse
qu’on n’évoque qu’en plaisantant,
comme si elle ne nous concernait pas,
les enfants sont toujours les premières
victimes
Un petit nuage en forme d’ange
se rit de moi là-haut
et d’un coup je me sens misérable,
paralysée, les yeux baissés sur mes cuisses
trop blanches
Tu appelles,
tu me fais sourire le cœur
D’une pâleur lunaire
ayant perdu du sang toute la nuit
je contemple les couleurs sur la toile
ce ne sont pas celles du monde
ce sont les couleurs de ton âme
Folle gaité ou humeur massacrante,
au gré des nouvelles épouvantables
ou du ressac de tendresse
Je pose la passion là devant moi
pour y vriller mes yeux
Tu appelles,
tu me fais sourire le cœur
Au désir des âmes,
aux corps qui s’entremêlent inassouvis
à nos étreintes impudiques.
25.10.2023

*

Velours et métal
tu peux être seul
sans te sentir seul
un seul instant,
caresse de l’aube
et crash hurlant
tu peux être entouré
et avoir mal partout
à ta pauvre solitude.
Elle n’est pas un état
elle est juste en toi
ou pas.
Un vécu, qu’ils disent.
Un choix même, parfois.
Mais toi et moi on sait.
Elle débarque en toi
sans crier gare,
elle arrache la porte
au passage
et te secoue les tripes,
et te persuade que tu
n’es qu’une loque.
Regarde bien
on va la dézinguer
la sale garce.
Ensemble.
Elle ne sera plus rien
si on est seuls
ensemble.
Velours et métal…
Tu veux un café ?
1.10.2023

*

On fouillait dans les vieilles photos et les vieilles nippes,
on respirait des odeurs de café croissant ou de cannabis,
on avait un peu froid quand on jouait au strip poker
à la cave,
mais le grand-père a un jour de printemps cassé
sa pipe,
et la maison de grand-mère a été détruite, emportés
les souvenirs tendres,
une copine de classe a disparu dans la dite traite des
blanches,
pour une autre on s’est toutes cotisées pour qu’elle se
fasse avorter,
c’était un temps de grands bouleversements et de
déchirures,
on savait déjà que la vie serait chienne, mais on la bouffait déjà par tous les bouts, on voulait tout,
on était prêts à peu près à tout,
mais surtout à aimer…aimer…aimer…
29.9.2023

*

Je me souviens
de cette maison aux murs bleutés
et aux ombres fraîches,
de grands arbres la suivaient
dans les rues tranquilles
et on y était bien,
tu t’en souviens aussi ?…
C’est notre maison future
qui s’annonce en nous
comme un souvenir.
15.8.2023

*

J’aurais pas su dire
si c’était ta peau
sous mes doigts
ou la mienne
J’aurais même pas su dire
où mon corps s’arrêtait
et où mes tressaillements
étaient les tiens
Mes songes s’écoulaient
dans nos interstices
rosées ondoyantes
musiques de la chair
pour un laps rassasiée…
9.7.2023

*

Je replierai la soie du ciel
en rouleaux infinis,
les nuages y divagueront,
insouciants et libres
comme nous voudrions
l’être,
je poserai mes lèvres
là où tu tressailles,
et te serrerai entre
mes draps
pour sentir jusqu’où
aller trop loin.
12.6.2023

*

Je me suis souvenue
que les pétales des coquelicots
étalés et séchés en transparence
entre les pages d’un vieil herbier
révélaient leur vraie nature
de jupons de fées
et ayant abandonné leur couleur
au fil des années
montraient désormais
leur rouge sanguin
ombré de carmin
comme des lèvres
entrouvertes
pour un baiser
sans fin
25.4.2023

*

D’autres mots.
Nous nous endormirons dans une révolte de draps.
Nous aurons eu rendez-vous, un soir ou un matin,
près de la boutique des douceurs
et nos langues auront eu du mal à suivre
nos libres arbitres, et la nuit sera tombée très vite
enveloppant nos gestes, nos regards, nos lèvres
balbutiantes. On ne la verra même pas.
Nous oublierons le temps et les noms du temps.
Seul le présent sans nom n’aura pas disparu.
D’autres saveurs naîtront de nos tâtonnements,
d’autres sourires, d’autres larmes sans chagrin,
d’autres mots bus à nos bouches.
Tout sera neuf, et ce sera un monde
qui recommence.
07.04.2023

*

Esplanade de la Philharmonie
toute l’année quelques sans abri
en plein vent

Esplanade de la Philharmonie
les arbres étouffés par le béton
fleurissent quand même

Esplanade de la Philharmonie
dans le gris urbain un rendez-vous
pour les amoureux
11.3.2023

*

Chair de poule
à la vue des glaciers
de l’Antarctique

Chair de poule
quand ta voix au téléphone
évoque mes cuisses

Chair de poule
la tasse de café fumant
apportée au jardin

Chair de poule
là-bas une fillette que personne
ne cherchera plus…
21.02.2023

*

La statue du jardin public
n’a pas froid aux fesses
sa peau de marbre blanc
n’a pas la chair de poule,
elle passe l’hiver nue
en plein vent, pourtant.

La statue du jardin public
passe l’année à contempler
les grands arbres et la ville,
d’un air pince-sans-rire
une main nonchalamment
posée sur la hanche gauche.

La statue du jardin public
me surveille du coin de l’œil
quand je passe par cette allée,
je lui fais un coucou intérieur
quand j’aperçois la corneille
noire agrippée à son postérieur.
C’est un Apollon, il me semble.
18.02.2023

*

En tous cas, dans cet instant, il n’était pas
à côté de sa vie.
En plein dedans, jusqu’au cou.
L’image finale de sa déchéance, il l’avait fuie.
Au bout du monde s’il le fallait.
A vrai dire il acceptait l’idée de sa fin,
mais pas sa fin en tant qu’être humain.
Une souffrance de chaque instant l’avait tenu
éveillé et pantelant,
songeant à tout ce qu’il aurait dû faire,
et qu’il n’avait pas fait.
Voilà ce qui l’avait poussé
à partir à travers toutes les frontières,
ces lignes inexistantes sauf si l’on y croit
dur comme fer. Fils de fer barbelés.
Ils étaient tous, partout, ses frères et sœurs.
Mais ils ne voulaient pas de lui comme frère.
Partout il était orphelin de fratrie.
Pourtant son enfance avait été si pleine
de lumière et d’énergie. Ses yeux intérieurs
la voyaient encore chaque nuit.
Et puis un jour les frontières avaient bougé
dans un grand fracas de bombes, de tanks,
de sang en gabegie.
Et la lumière était finie.
Il y eut des années de colère et de perdition.
On lui fit faire des choses qu’il ne voulait pas.
Il refusait tous les cultes,
toutes les fausses compagnies,
camaraderies imposées sous peine de mort,
c’était la mort de toute façon.
Il eut préféré une solitude complète.
Introuvable.
Maintenant, après avoir franchi ces terres, ces mers,
ces frontières, ces obstacles, il l’avait trouvée
enfin. La solitude. Dans une grande ville grise
où tout devient démarche administrative.
Il a faim.
Il voudrait manger de la viande.
Grillée, rôtie, en ragoût, boucanée ou séchée.
Même crue désormais, il la mangerait.
Mais sur les marchés, quand les commerçants
remballent, il ne trouve que des fruits, des légumes.
Parfois du pain, un œuf fêlé, un fromage
qui dégouline et que personne n’a voulu.
Il lui arrive de mâchonner du carton imprégné
du jus d’un fruit écrasé.
En tous cas, dans cet instant, il n’était pas
à côté de sa vie.
Peut-être au bout.
Peut-être pas.
Cette fuite, il l’avait voulue.
Au bout du monde.
Tout seul contre le monde.
15.2.2023
(Contribution pour le Printemps des poètes 2023)

*

Tu vivras entre des murs
invisibles mais réels
pas comme ceux de ta chambre
mais de ceux qui incisent la terre.
Les choses n’en ont nul besoin
elles sont inertes et sans péril…
Les végétaux sont migrateurs
tolérables, ingérables et doux.
Les animaux, humains surtout
doivent être tenus en laisse
parqués, sommés, frappés.
Pas assez inertes ni sans péril.
Quant aux virus et autres petits,
ils font ce qu’ils veulent,
eux sont vraiment libres…
08.02.2023

*

Parfois je rêve les nuages
mais des enfants meurent au coin des rues
mes nerfs, ma peau, mon sang
résistent pourtant
le cerveau s’accommode et veut vivre
j’ai parlé cent langues volcaniques
c’est tout ce qui importe
j’aurai traversé les franges
et les bonheurs,
reconstituée.
26.01.2023

*

Jardin en hiver
les mésanges bleues s’approchent
de ma fenêtre

Jardin en hiver
seules les graines de l’iris
rouge vif dans la grisaille

Jardin en hiver
les arbres m’apprennent
la patience
24.01.2023

*

Lundi matin
le bruit des voitures balais
dans l’avenue voisine

Lundi matin
l’impression d’être en
weekend prolongé

Lundi matin
les enfants reprennent l’école
pas moi
23.01.2023

*

Des jours de l’an hésitants
d’abord chez les parents,
puis chez les amis, assortis
d’audace, de transgressif.
Puis des jours de l’an étudiants
en Cité U, dans des mansardes
où l’on se tassait par vingtaine
où l’on testait un peu de tout.
Au moins on pouvait danser
sono à fond, plancher branlant,
on tient moins de place debout,
pareil pour baiser dans la douche.
Des jours de l’an de solitude
pas tristes, juste indifférents,
des jours de l’an ailleurs, loin,
Venise, Londres, Amsterdam…
Des jours de l’an insolites,
coincés dans la nacelle d’une
grande roue de fête foraine
tout là haut dans le froid glacial…
Des jours de l’an sous la couette
avec un chat, un amour, un rêve,
et des jours de l’an dans la lutte
aux côtés des plus oubliés…
et de cette petite fille née
au fond d’une ruelle, la nuit…
Les images affluent et refluent
et ne reste que ton espoir.
3.1.2023

*

Jours de l’an enfant
la surprise d’être toujours
en vie

Jours de l’an
parfois des fêtes jusqu’au matin
parfois seule

Jours de l’an
des restes qui traînent et
moi qui traîne…
1.1.2023

*

Arbre en bois sur herbe en herbe
sur fond de forêt en arbres en bois.
Givre en eau gelée, nuages et brouillard
en eau sous forme gazeuse,
condensation en eau liquide.
Lumière solaire à base de photons,
produite par réactions nucléaires.
Cellules vivantes en forme d’oiseaux,
corbeaux, tourterelles, moineaux,
et puis d’autres cellules vivantes
en formes de nous. Nous en vie.
27.12.2022

*

La terre
elle tourne en trois girations
superposées,
à toute vitesse dans le cosmos
de tes yeux,
quel vertige mes aïeux !
La terre
ça me virevolte ma robe
surtout dans les virages
pour négocier le solstice,
ça me tourneboule la tête
mes yeux se cramponnent
ferme aux paupières
qui battent des cils
pour faciliter le mouvement,
ma langue ne sait plus bien
où donner de la tête
et mon cœur se cogne
aux quatre coins de mes
capitons intérieurs,
le petit bonbon rose
se sent chavirer
dans le vide sidéral.
La terre…
ah non c’était toi.
26.12.2022

*

L’automne se termine
le chat dépité reluque
les toits verglacés

L’automne se termine
la gouttière est prise en glace
un pigeon fait la gueule

L’automne se termine
le rouge se rétracte partout
même le thermomètre…
12.12.22

*

Les dernières roses, imprudentes,
ont gelé avant que d’éclore,
on pourrait les détacher doucement
et les plonger dans un sirop,
pour en faire des délices sucrés…
Les rouge-gorges
font une razzia
sur la vigne-vierge,
de grains encore
noirs.
Au coin de la rue
les poubelles du restau
débordent dégueulent
du pain jeté aux ordures
des laitues et des fruits
perdus.
Plus loin le campement
de ceux qui n’ont pas de maison,
une mince toile les sépare
des degrés négatifs,
j’entends un enfant
qui pleure…
9.12.2022

*

Bizarre escarre de l’âme
trop tard pour l’agar-agar
les plaies béantes dament
le pion à tous les hasards.
Raccroche-toi au sémaphore
il peut être d’une grande aide
encore dans le sombre alors,
trouve tes baumes et tes ors.
Or donc, le refuge est bien là
mais trop souvent tu ne le vois
et dans des mots te fourvoies
lassant ainsi trop de passants.
Bizarre escarre de l’âme
s’épancher toujours en ce lieu
et n’y rien donner que du vieux
alors que la vie toque dehors.
24.11.2022

*

J’ai déchiré en petits morceaux
des pans entiers de ce monde
qui sonnait laid à mon oreille
et j’en ai fait des pliages tendres
pour que tu t’en émerveilles

Là -bas les plus hauts arbres
prenaient des airs de forteresse
leurs créneaux émergeaient
de la brume en mouvement
c’était juste pour faire semblant

Le ciel s’est déchiré comme
depuis des milliards d’années
nos folies destructrices
ne pourront rien y changer
mais nos chemins en seront
bien plus abîmés. Viens, la vie…
4.11.2022

*

On dirait
que le jour n’arrive pas à se lever
il fait sombre
et le monde
supporte son couvercle de pluie.
Rumeur
de l’eau qui ruisselle sur le toit
picotis
distrait
des gouttes mourant sur les vitres.
Rien
n’a changé
nous sommes toujours les mêmes
nos erreurs accumulées
seront-elles compensées
par les belles choses que
nous avons créées ?
21.10.2022

*

Senteur de feux de bois
finis ceux de la canicule
voici ceux de l’automne

Senteur de feux de bois
les cheminées et les poêles
font leur rentrée

Senteur de feux de bois
faire pétiller la sobriété
au fond de l’âtre
17.10.2022

*

Première brume
un voile de gaze entre
le matin et moi

Première brume
la couette soudain plus
amicale

Première brume
des taches rouges dans le vert
graines de l’iris

Première brume
le quartier plus silencieux
cède la place à
la vie intérieure
13.10.2022

*

Nouveau matin frais
peu à peu on s’habitue
douceur de l’automne

Nouveau matin frais
café chaud et pain d’épices
les oiseaux discutent

Nouveau matin frais
souvenir de toi en rêve
ta main sur ma cuisse
4.10.2022

*

INSOMNIE
Le sang a éclaboussé
les deux battants
de la fenêtre fermée,
le rouge si rouge
masque totalement
le vert du jardin,
le silence s’est fait
après les hurlements
et j’ai lâché mon arme,
l’horreur ne m’a pas
encore atteinte mais
je la sens monter,
ni honte ni regret
je le mets par écrit
pour n’y plus penser,
et vivre.
29.09.2022

*

Bientôt l’automne
l’été excessif cède la place
aux nuits plus douces
aux couleurs plus chaudes
Les oiseaux dans les arbres
sont bien plus calmes
ils y trouvent enfin des fruits
en abondance
Aurons-nous pluie ou soleil
aujourd’hui ?
Tout s’achemine vers
les saisons prochaines
imperturbablement,
conforme au connu,
rassurant malgré la
folie des hommes
Il paraît que la terre
tourne de plus en plus
vite sur elle même
on ne s’en rend pas compte…

Au fond du jardin
la fougère a reverdi
l’été oublié

Au fond du jardin
les parasols repliés
jusqu’au prochain été

Au fond du jardin
j’ai semé des graines d’espoir
pour l’année prochaine
13.9.2022

*

Fin d’été
pluie nocturne
sur le jardin tiède
une senteur de gâteau
sorti du four

Fin d’été
une abeille retardataire
butine les hibiscus
le pollen sur elle
comme un cartable

Fin d’été
les jardins bruissent
encore des rires d’enfants
ceux là même qui
vont à l’école

Fin d’été
j’ai rêvé de grandes dunes
blanches et vaporeuses
tu me tenais la main
et on les gravissait
5.9.2022

*

Toute la nuit
elles ont filé sans moi
les étoiles…
13.8.2022

*

Lack
négocier avec le manque
le regarder en face
l’amadouer
le séduire
le vivre

Lac
traverser en brasse coulée
selon un rythme régulier
lutter contre le courant
puis se laisser porter
les yeux vers le ciel

Laque
de Chine ou de fantaisie
des rouges sang
des noirs d’encre
sur tous mes ongles
de pieds
5.8.2022

*

Fièvre
du mardi soir
je danse dans ma tête

Fièvre
au même niveau
que la canicule

Fièvre
je réchauffe
l’eau froide
3.8.2022

*

Citadelle
de silence, d’immobilité
pour me protéger

Citadelle
pour jeter de l’huile bouillante
sur tout assaillant

Citadelle
que le sommeil construit
au détour d’une nuit
24.7.2022

*

L’eau
que mon corps exsude
les nuits de touffeur
extrême

L’eau
que je verse pour le café
me réveillant
tout à fait

L’eau
dont je suis faite
dont tu es fait aussi
qui veut s’écouler
comme une arche de pont
liquide
de l’un à l’autre
faisant de nous malgré nous
un seul fleuve
un doux clapotis.
18.7.2022

*

Ouvrir les yeux
se demander où l’on est
et qui

Ouvrir les yeux
parce que animal diurne
suivre le rythme

Ouvrir les yeux
encore occupés des rêves
de la nuit

Ouvrir les yeux
accepter d’être ce corps
émotif
17.7.2022

*

Soif
les chats et les humains
se désaltèrent le matin

Soif
les plantes hurlent vers moi
de tout leur bruissement

Soif
le monde condamné d’avance
à une éternelle soif

Soif
de tes sèves, de tes liqueurs
et d’eau fraîche
15.7.2022

*

Le silence avant le bruit
la grâce du matin
temps en suspend

Le silence avant le bruit
même les animaux
savent le respecter

Le silence avant le bruit
un contraste attendu
la sensation nue
14.7.2022

*

Au creux de mes reins
le jet d’eau froide de la douche
frisson délicieux

Au creux de mes reins
une légère brise cette nuit
a caressé mes rêves

Au creux de mes reins
une soudaine chair de poule
à l’idée de ta main
12.7.2022

*

Bavardage
des oiseaux chaque matin
que se disent-ils ?

Bavardage
des voisins n’importe quand
rumeur incessante

Bavardage
des cellules, des neurones, de la vie
dans mon corps
9.7.2022

*

La mémoire
est un lieu secret
qui porte les atours sombres
de nos paroxysmes.
7.7.2022

*

Coucher de soleil
apaisement général
ça s’arrose

Coucher de soleil
les couleurs s’effacent
tout le monde est gris

Coucher de soleil
une sono au fond d’un jardin
des vieux tubes

Coucher de soleil
le romantisme se dissout
dans un nuage
6.7.2022

*

Premier café
le chat lape son premier
lait

Premier café
j’ouvre la porte fenêtre
un reste de rosée

Premier café
le meilleur de la journée
pourtant j’en reprends

Premier café
mon corps a sué cette nuit
rêves érotiques…
5.7.2022

*

Canicule
j’enfile douche sur douche
entre deux cafés

Canicule
jour idéal pour peindre
des fantasmes

Canicule
la sueur dégouline
sur mes chiens

Canicule
je suis comme mes pinceaux
à poil
3.7.2022

*

Solitude
le cerveau en roue libre
le soleil amusé

Solitude
les oiseaux en profitent
pour chahuter

Solitude
la cuisine en désordre
le repas attendra

Solitude factice
mon cœur toujours avec toi
au bout du fil
2.7.2022

*

Laquelle des treize lunes sera la nôtre ?
Celle que tu verras scintiller en bleu
Et tenir la nuit des propos incohérents.
Quelle page de ce livre parlera pour nous ?
Celle qui te livrera quelques pétales
Légers et transparents comme jupon de fée.
Laquelle de ces quatre routes sera mienne ?
Celle qui te conduira exactement au pays
Du nulle part et des merveilleux rêves de feu.
Viens, on peut encore choisir l’ineffable
Et l’incertain, le fragile jusqu’aux larmes
Et aussi le cri, le rire, le hurlement, la joie.
Laquelle de ces nudités préférerais-tu ?
Je les préfère toutes et je les veux toutes,
En cet instant je les choisis pudiquement…
Tu as vu ? La lune est bleue
Et mes propos incohérents.
22.6.2022

*

Troisième nuit d’orages
Aujourd’hui c’est l’été.
Je me souviens de l’été en Norvège
Et des moustiques gros comme des rats,
Des saumons attrapés à main nue…
J’ai parlé à François Hollande
Et vu la Vallée des Rois en Egypte.
J’ai envie de revoir l’océan
Là où les étoiles de mer s’échouent
Au soleil couchant, dans les reflets d’or.
Mais je voudrais y aller avec toi.
J’ai jamais pu obtenir un logement social
Alors je vis ici dans ce petit jardin,
Finalement tout est bien.
J’aimais bien les cours à la Sorbonne
Mais je glandais beaucoup
Ou j’allais plutôt dans les manifs.
On était exigeants avec les profs,
Certains à peine plus âgés que nous.
Il y avait des soirées chez ceux qui avaient
Une chambre en ville et les joints tournaient.
Je crois que j’étais jolie à cette époque,
Allan a voulu m’embrasser un soir et je l’ai repoussé,
Moi je pensais déjà à un grand aux cheveux longs
Qui tractait devant la fac et me faisait les yeux doux.
Ma grand-mère avait été une vraie beauté
Implacable et cruelle avec ceux qui la draguaient.
J’avais des capacités mais peu sûre de moi.
J’ai raté un soir le dernier train pour rentrer,
Et j’ai dormi sur un banc, sur un quai de Seine,
Non loin d’un feu allumé par des sans abri.
Ils avaient promis de veiller sur moi
Pour m’éviter tout gêneur et tout ennui.
Au restau universitaire, pour quelques francs
On pouvait manger une énorme ration de riz
Et du poulet ou du poisson avec une sauce.
Tous ceux qui y venaient n’étaient pas étudiants.
Une copine s’est retrouvée enceinte d’un prof
Et on l’a accompagnée pour se faire avorter.
Ma meilleure pote s’appelait Wagner,
Elle nous faisait des omelettes savoureuses.
J’ai été blessée pendant une manif
Mais je ne m’en suis rendu compte qu’après.
Après deux ans en Sorbonne j’ai fait Nanterre.
Mon premier amoureux sérieux y était
Il jouait de la guitare et lisait les poètes.
On se retrouvait au jardin du Luxembourg
Avant d’aller dans sa chambre en mansarde,
A cette époque on ne mangeait que très peu,
On n’avait pas de fric ni l’un ni l’autre.
J’en avais marre des fachos de Action française
Qui essayaient de racoler, postés à la station
Du métro, près des Thermes de Cluny.
Ils m’avaient un jour trouvée aryenne,
Alors j’ai teint mes cheveux en noir corbeau.
Un jour des gens de LO sont venus et leur ont
Cassé la gueule, comme ça en plein boulevard.
Il y avait un étudiant rwandais réchappé des tueries
Dans son pays, très gentil et très cultivé,
Une grande balafre lui traversait le visage.
Une copine m’avait dit qu’elle ne possédait qu’une
Seule jupe, et que c’était sa seule richesse.
Moi je me demandais quelle était ma richesse.
Un soir dans le métro un homme qui devait avoir
Vingt ou trente ans de plus que moi, m’a draguée
Avec insistance, en me disant qu’il avait toujours
Rêvé d’une fille comme moi. Je me demandais
Ce que c’était qu’une fille comme moi…
Quand j’avais trop peu de thunes je prenais juste
Un café dans toute ma journée, en terrasse ou pas.
L’habitude du café en terrasse m’est restée.
Quelques copines se prostituaient pour vivre,
Je les ramassais à la petite cuillère quand elles
Étaient trop désespérées ou qu’elles souffraient.
J’ai pas réussi à trouver Freud sympathique.
J’ai été soulagée d’arriver au bout de mes études
Et de trouver mon premier emploi, de gagner
Un salaire même petit, pouvoir en faire
Ce que je voulais, me sentir un peu plus libre.
C’est juste une sensation, on la trouve où on peut…
21.6.2022

*

Grand bazar dans les constellations
Sirius est en avance, grande touffeur,
la petite chienne fait des siennes,
de nos corps alanguis qui palpitent
s’élancent des voies lactées vivantes
traces des désirs qui nous habitent…
Les constellations
de la grande touffeur
font des chiennes.
Qui donc palpite ?
Les voies lactées
qui nous habitent,
ce sont elles mon amour, ce sont elles qui nous hantent sans cesse et sans fin, qui nous travaillent aux corps, qui nous réunissent sur ces draps aux senteurs fauves, qui nous laissent épuisés, qui nous inspirent nos paroles et nous font imaginer mille et une extases, mille et une saveurs, mille et un lendemains…
16.6.2022

*

J’aime pas du tout le chocolat
c’est ma déchéance
c’est la faute à pas de chance

Je suis paresseuse, baveuse
et un peu chieuse
c’est la faute aux mauvais gènes

Je suis perverse, dangereuse,
surtout en rêves
c’est la faute à notre mère Ève.
11.6.2022

*

Le veau d’or doit avoir du mal
à marcher, pire à courir
à respirer, à tousser
à rigoler ou à pleurer
pourtant comme dit le poète
un petit veau abandonné
se doit de pleurer
comme un veau abandonné,
en plein cagnard il doit rester
à moins que ses esclaves
décident de l’emporter
à l’ombre des citronniers,
et puis à quoi bon être adoré
quand on ne peut ni aimer
ni être aimé ? se dit-il énervé…
Je ne veux plus être un cube de viandox
je veux batifoler et me rouler dans l’herbe
et sentir une main caresser mon échine.
Tiens, reprends ton or, dieu pervers et
jaloux, moi j’ai un rencart qui me chavire.
Je ne veux figurer dans aucun livre sacré.
10.6.2022

*

Tu fermes les yeux
tu vois sous tes paupières
des cartes de fleuves aux eaux roses
en plein soleil
c’est ta vie qui pulse
au long de tes sentiers
intérieurs.
9.6.2022

*

Lundi de Pentecôte, à peu près
personne ne connaît la signification
ni ne peut affirmer s’il est férié,
la sonnerie des récrés a retenti
ce matin dans l’école à côté,
je n’ai entendu aucun bus circuler.
Les difficultés des pauvres sont niées
monsieur coup de menton s’est gamellé
et toujours pas d’huile à la supérette,
les clients se remettent au beurre
malgré les consignes du docteur,
dans un an explosion de cholestérol.
Et là-bas à l’ Est rien de nouveau,
ni trêve de Pentecôte ni cadeaux.
Seulement la guerre et les peuples
qui tuent et meurent pour un veau.
6.6.2022

*

Les doigts de pied trempant dans les champignons
nonchalamment assise sur ma partie la plus charnue
le nez et les cheveux sous le grand vent mirobolant
je t’attends. Ou plutôt,
je viens vers toi dans cette posture aguicheuse
attendant que tu me suçotes les orteils un à un
admirant en passant la ligne de tes épaules et
le sel de tes lèvres espérant les miennes…
Les doigts de pied trempant dans les champignons
le serpent qui s’enroule à mon doigt fait le guet
ma robe de soie noire, divine arachnéenne,
se délite sur mes cuisses qui tremblent.
Nos langues ont rendez-vous…
30.5.2022

*

Mon pépé a tenté
de s’évader par quatre fois,
la quatrième fois
fut la bonne,
il s’était caché
dans un tas de cadavres.
Il a été chargé
sur un camion
et déversé dans une forêt.
Il était au stalag
de Nuremberg.
J’ai appris tout ça
tard dans ma vie,
quand j’étais p’tite
il voulait pas me dire
comment il avait
réussi à s’évader.
Au stalag il pensait
à son amoureuse
ma future grand mère.
Il a tenu grâce à
cette pensée…
C’est la force de la vie,
parfois.
8.5.2022

*

Bonsoir tout le monde, le beau monde et le laid,
bonsoir aux brunes, aux Rousses, aux blondes,
bonsoir aussi aux autres sans oublier les rondes,
bonsoir aux détrousseurs de mappemondes
et même aux petites poules qui pondent,
bonsoir aux pelouses qu’il faut que l’on tonde
bonsoir à tous ceux qui parlent avec faconde
bonsoir aux baignoires et aux bains avec bonde,
bonsoir aux soirs et aux nuits où tu m’inondes,
bonsoir aux hirondelles et aux queues d’aronde
et aussi avant d’oublier, bonsoir à l’onde
et à ses flots purs aux confluents de nos hanches
bonsoir nos rondes, nos danses, nos rires
bonsoir nos enfances, on saute dans le vide
tiens moi la main et saute, et riguedonde
riguedondaine et riguedondoux, à nous le monde !
30.4.2022

*

Regarde, mon porte-jarretelles est fichu,
c’est de l’avoir si souvent distendu
quand je l’utilisais comme une fronde
pour dégommer quelques intrus,
ou pour l’avoir ceint sur ma cuisse ronde
quand je fus enceinte du monde…

Regarde, mon porte-jarretelles est fichu,
mais mes bras se pendent à ton cou
et je te murmure des mots défendus…
28.04.2022

*

Tu es ma morphine aux parfums de mûres,
ton sourire accent aigu s’imprime sous mes cils
au revers de la paupière, sevrant toutes les
larmes déjà versées, il y a si longtemps…
Tes mots habillent le silence, le détroussent,
le culbutent, forçant mon oreille paresseuse,
font surgir des images langoureuses,
ne se lassent pas d’explorer, de véhiculer.
Je les reçois cuisses ouvertes, telle Léda,
et mon nombril ne sait plus où il habite,
mes mains froissent les draps sans voir,
j’ai des goûts de fruits nés sur mes lèvres…
Tant pis pour le monde, tant pis pour l’ennui,
ourlés l’un à l’autre on est bien plus forts,
éclabousse-moi encore de tes nacres,
sur ta langue je serai pulpe et noyau…
12.4.2022

*

Il est trois heures du matin
tu as déjà un peu dormi
les premiers oiseaux te réveillent
le printemps leur file l’insomnie…
Tu savoures l’instant calme
tu penses à des fruits, des cerises
sans trop savoir pourquoi
tu imagines une cerise sur ton corps.
Le sommeil a repris ses droits
sur toi, tu sombres doucement
dans ton rêve il est question de
cerises par dizaines de tonnes…
A huit heures le réveil sonne
tu t’étires avec délices
une petite tache rouge cerise
sur le drap te fait un clin d’œil.
24.3.2022
(Réveil de fille)

*

Elle est morte
aux petites heures de la nuit
aux portes de la ville assiégée
elle n’a pas crié
elle n’a même pas pleuré
elle a regardé son sang couler
et elle est tombée
docilement
doucement
sur l’asphalte défoncé
en pensant
qu’elle avait oublié
ce matin
de dire à son amoureux
qu’elle l’aimait
et qu’elle portait son enfant
et elle s’est dit
tant mieux au moins
il ne pleurera pas son enfant
ce sera moins dur pour lui
il ne pleurera que moi
et puis plus rien
elle s’est écroulée
par terre
elle n’a pas vu sa ville éventrée
ni sa maison anéantie
pour toujours
endormie.
C’était
sa dernière nuit…
17.3.2022

*

Des fleurs aux cheveux et le cœur en vitrine
on découvrait le pouvoir hypnotique de la musique
quelques herbes aromatiques en nous riaient.
On avait rêvé de révolutions tendres et gentilles
le monde parfois se laissait transformer à nos grès
et d’autres fois on sortait tous contre la guerre.
Tout nous semblait ouvert, possible, amour,
même les dictatures ne nous faisaient pas peur
on savait déjà qu’on les vaincrait un jour.
Allez viens avec nous
sur les routes, guitare au dos,
on ira écouter ceux qui chantent
et pour le reste on s’arrangera.
Tout sera bien
puisqu’on sera ensemble.
Si on recommençait ?
Des fleurs aux cheveux, nos cœurs ouverts,
il fera toujours beau. Tu viens avec nous ?
14.3.2022
(Thème Trucs de hippies)

*

Vois comme j’ondoie
je frémis en mes écailles de satin
je volute en silence de tout mon teint
vois comme j’ondoie
j’avance à petits souffles et sans mains
j’explore le monde de tous mes pores
Permets que je siffle
l’harmonie du moment me bouleverse
l’épure des sentiments je la ressens
permets que je siffle
le fruit convoité tu le tiens déjà
celui qui dit défendu, ne le crois pas…
1.03.2022

*

Tôt le matin
quand je regarde vers la rue
avec mon café en main,
et que je vois des joggeurs
qui courent dans la grisaille,
je suis contente de pas faire
comme eux
et je retourne sous la couette
avec mon café.
Tu vois
il m’en faut peu…
Flemmarde.
16.2.2022

*

Ma jeunesse je ne la regrette pas
ce qu’il en reste me suffit
quand je regarde des photos
j’étais belle mais je ne le savais pas
des milliers de questions
se bousculaient en moi
et j’aspirais à cette indépendance
que je n’avais pas encore
et que j’appelais liberté.
Tout est passé vite et lentement
à la fois, le bon comme le moins bon,
les amies me disent avec étonnement
que je ne change pas
alors que je les trouve vieillies par la vie
mais au fond moi aussi.
Mes voisins ne sont plus les mêmes
j’ai déménagé 4 ou 5 fois
changé de ville au gré des amours
mais j’ai gardé toujours les amies.
Le monde a changé
mais je me suis battue pour ça
le monde a changé
mais pas souvent comme je le voulais.
Pourtant la lutte continue.
L’amour a été au cœur de ma vie.
Il le reste aujourd’hui.
Je me sens hors des modes des tendances
c’était déjà vrai à 15 ans, à 20 ans
un prof me traitait d’outsider
les copines imitaient mon look étrange
et moi je cherchais mon chemin…
Aimer, lutter, écrire, lire, peindre…
Il paraît que je suis entrée en maturité
mais je sais que la gamine est encore là
à l’intérieur, celle qui tire la langue
et regarde le monde adulte d’un air boudeur.
Tout a changé mais rien n’a changé.
15.2.2022
(imité de MC Craquou)

*

Toute notre vie
on aura attendu des jours meilleurs.
Alors goûtons les quand même
un à un
ces jours contraires, arides, décevants,
injustes, cruels.
Car ils contiennent des parcelles
de meilleur.
3.2.2022

*

À la recherche d’ Uruk et ses noirs secrets
nous irons quelque jour à Ur et Jerimadeth
ce sera toutes les saisons à la fois
les animaux seront costumés en planètes
et nous ferons l’amour, follement,
avec qui nous plaira.
Toutes les armes seront déposées
au pied des murailles du désert,
les nuages passeront très vite
dans l’azur et nous rirons encore
comme les enfants que nous fûmes,
insouciants et ravis.
A la recherche d’Uruk au sombre destin
nous nous roulerons sur l’herbe verte
des jardins de Babylone, excités,
apaisés pourtant, et plus rien ne sera
pareil au goût de cette eau de printemps
prise au bord de ta lèvre.
30.1.2022
(Thème Uruk)

*

Ma p’tite maison à moi
elle fait 3 mètres
de large
le double de ma taille
c’est bien suffisant
Ma p’tite maison à moi
certains s’en moquent
ils me disent
tu vis dans un couloir
non c’est mon terrier
Ma p’tite maison à moi
ne sera jamais un palais
ni une villa
mais c’est où bat mon cœur
et où vit mon espoir.
21.01.2022

*

Il se sussurait au coin du feu
loin des oreilles narquoises :
« Cette tante Herminie, dieu !
Elle était portée sur la chose… »
On s’imaginait, nous enfants,
qu’elle allait sur une chaise
à porteurs, évitant la fatigue
pour ses gambettes jolies,
et on l’enviait presqu’un peu.
Mais pourquoi tant de mystère
autour d’un simple meuble,
quand bien même ce fût
son postérieur qui s’y reposât ?
Plus tard quand nous apprîmes
ce que signifiait ladite chose,
et donc aussi la teneur de la
réputation de tantine Herminie,
nous imaginâmes sans ambages
qu’elle chevauchait tour à tour
chacun des porteurs de sa chose.
Pardon…de sa chaise. À porteurs.
15.1.2022
(Pour Cecilia Inverardi)

*

Le point le plus éloigné de toute mer
comment irais-je ?
le point le plus éloigné de toute mer
un aimant un peu effrayant
un rêve géométrique
où les lignes telluriques
se donnent rendez vous
hautes terres de silence minéral
rareté de l’eau, foules humaines,
et des méandres de fleuves
se jetant les uns dans les autres
pour venir mourir au cœur du désert,
et la vie qui se multiplie et grouille
envers et contre tout,
et les amours qui fleurissent
et répandent leur écume,
au point le plus éloigné de toute mer.
14.1.2022

*

Rêvé dans les arbres,
portiques végétaux
insoucieux de nous,
entrelacs obscurs
et étranges tresses,
écrit sous les voûtes
aux vertes volutes,
putrescences de terre,
le meilleur monde meurt
en silence et en tonnerres…
8.1.2022

*

Il n’est de murs qu’on ne puisse détruire
mais ça prend du temps…
en attendant, rester à califourchon en haut,
ou creuser un tunnel comme les évadés.
Les montagnes ne suffisaient pas
ni les glaciers, ni les fleuves,
ni les mers ni les traîtres marécages,
il a fallu ajouter des murs.
Dans les têtes d’abord.
Greffés de force.
Rêvés, fantasmés.
On a les fantasmes qu’on peut…
Moi je rêvais à ta peau sous ma langue,
d’autres rêvent à des parpaings barbelés…
Les montagnes ne suffisaient pas.
On a fait des sectes, des humanités,
des inhumanités, on a fabriqué
des preuves et des idoles.
Il n’est de murs qu’on ne puisse détruire
mais ça prend du temps…
en attendant, rester à califourchon sur toi.
4.1.2022