Rêves

Cauchemar à exorciser
Une campagne verte et riante, des vallons et des bois, un village dans un creux auprès d’un ruisseau, une hostellerie animée bruissante d’allées et venues.
Il semble que je sois logée dans cette hostellerie, parmi beaucoup d’autres voyageuses et voyageurs.
Je fais quelques pas dans la cour, qui ressemble à une cour de ferme.
Soudain je me fige. J’ai aperçu un visage que je connais très bien, c’est mon agresseur. Pourtant c’est impossible, puisqu’il est mort. Et s’il n’était pas mort ?
Instant de panique.
Il ne m’a pas vue, je peux l’observer. Il est accompagné de sa fille, à qui il s’adresse en l’appelant « chérie ». Les gestes entre eux trahissent une relation incestueuse.
Je décide de partir immédiatement.
J’ai loué une petite voiture décapotable rouge et je file sur la route. Au bout d’une heure ou deux, je m’arrête dans un petit village et vais prendre un café.
Regardant vers la rue, je vois alors passer le même individu flanqué de sa fille.
Ce n’est pas possible, comment a-t-il fait ?
À cet instant il m’aperçoit et me fait un grand sourire carnassier. Il s’apprête à entrer dans le café.
Mais le garçon à ce moment me rend la monnaie. Voyant mon air terrifié, il me dit : N’ayez pas peur, il est vraiment mort ; et d’ailleurs c’est vous qui l’avez tué…
14.10.2024

Au fur et à mesure que la montgolfière s’élevait, je découvrais dans la lumière matinale les collines se succédant jusqu’à la mer, escarpées et arides, habillées d’herbe sèche, d’arbustes étiques, de souffles chauds et sans parfums.
Où était passée la verdure ?
La vie végétale pouvait-elle griller en l’espace d’une nuit ?
Tout était sec et vide, jusqu’aux horizons…
29.08.2024

Sur une plage au soleil couchant, allongée sur le sable avec un bouquin à la main.
Mes frères sont là aussi, un peu plus loin, étalés dans la tiédeur.
Une vague se forme au large. Je la devine redoutable.
J’essaie d’appeler, de prévenir, mais ma voix se perd dans le vent et le grondement de l’océan.
La vague s’écrase sur la grève. Ses rouleaux d’écume arrivent sur nous à toute allure, un de mes frères et toutes ses affaires sont submergés, je me suis levée prête à aider.
J’ai de l’eau jusqu’aux genoux.
Le parasol est emporté en une seconde.
Rêve récurrent, 28.05.2024.

Dans le train.
Il y a du monde, de nombreux passagers sont debout dans le couloir, dont moi.
On arrive en gare.
Un homme s’approche de la portière pour ouvrir, mais je lui fais signe que le quai est de l’autre côté.
Il me remercie d’un geste.
Me voici devant la portière grande ouverte, et je vois alors que le train s’est arrêté non pas le long du quai, mais qu’une autre voie nous sépare de celui-ci.
Des cheminots en grand nombre s’affairent sur le quai et sur cette voie qui nous en sépare.
Frayeur.
Là, entre les rails de la voie, un corps sans vie allongé sur le ventre, disloqué. Du sang.
J’ai un mouvement de recul.
Mais les cheminots nous encouragent de la parole et du geste à sauter du train, traverser la voie et remonter sur le quai. Et tout ça le plus vite possible, car un train pourrait arriver…
Terrifiée.
Je saute pourtant du train sans regarder autour de moi, je traverse les rails, je monte d’un bond sur le quai.
Et je vais vomir dans un massif de fleurs.
Je me réveille en sursaut. Il est 6h28.
08.05.2024

Nous cherchons.
Quoi, je l’ai oublié. Mais cela doit être quelque chose de très important, de vital.
Nous avons pris une voiture et parcourons les routes au hasard. Au hasard ?
Autour de nous, des collines et des arbres, du vert éclatant à profusion, l’herbe printanière humide, des haies vives, des ruisseaux dans les creux, des oiseaux qui chantent.
Après un coude de la route, la branche très basse d’un arbre vient nous frôler la tête et les épaules, elle est surchargée de fleurs odorantes roses et violettes. Je crois n’avoir encore jamais vu une floraison aussi dense, et d’une couleur aussi intense. La voiture a du ralentir, je repousse doucement la branche.
Un peu plus loin la route devient un chemin sinueux entre les prairies.
En bordure du pré un buisson luxuriant de fleurs mauves retient notre attention. Et si nous avions trouvé ce que nous cherchions ?

Arrivés en ville, nous nous installons à une terrasse de café sous un doux soleil.
Je te dis : » Regarde, il y a écrit BY sur la carte.
Tu me réponds :  » Normal c’est nos initiales.
Le café cependant s’appelle « Au rendez-vous des amoureux de recherche de mystères ».
J’ouvre la carte, qui ne propose en fait que des titres de livres.
Je demande : » C’est peut-être des noms de cocktails ? »
Rêve en deux parties, fait cette nuit 21.02.2024

Quelqu’un frappe à ma porte, avec une force qui me met mal à l’aise.
Et ce n’est pas la porte d’entrée, mais la petite porte de service qui permet d’accéder au jardin.
Je me lève et vais ouvrir.
Plusieurs personnes sont là, peut être 4 ou 5, dans le jardin. Tous habillés en noir, avec des vêtements d’une élégance exceptionnelle. Deux hommes sont juste au seuil de la porte.
Je ne comprends pas comment ils ont pu entrer dans le jardin qui est enclavé. D’où viennent-ils ?
Je leur pose la question : Que voulez-vous ? Qu’est ce que vous faites là ?…
L’un d’eux parle : Vous savez, cela fait longtemps que nous vous surveillons. Vous devriez vous tenir prête. Nous savons tout de vous, nous vous scrutons.

Je réponds : Ok, mais j’ai l’habitude, ma voisine passe son temps à me scruter aussi. Et franchement, j’en ai rien à faire.
Il rétorque : Il y a scruter et scruter. Vous n’avez même pas idée de ce qui va se passer. Tenez vous prête, c’est le seul message que nous avons.
J’hésite à leur claquer la porte au nez.
Avant de le faire, j’ajoute : Vous avez vraiment des looks de maffiosi, c’est dommage, si ça n’avait pas été le cas j’aurais pu vous prendre au sérieux. Bon, tirez-vous maintenant.
30.01.2024

J’ai marché longtemps au bord de la rivière.
Il faisait beau, c’était agréable.
J’ignorais où j’allais et pourquoi.
Par moments je me sentais comme poursuivie, l’urgence de fuir me tenaillait, et puis non… personne ne se montrait derrière moi.
Les rives étaient en pente douce, herbeuses.
À un moment je me suis déchaussée, pour sentir l’herbe me chatouiller les pieds.
En remontant un peu, j’ai vu de loin un troupeau avec tous les yeux braqués vers moi, paisibles.
Je me suis approchée, je n’aurais su dire si c’était des zèbres, des tigres, ou un quelconque animal domestique.
J’ai caressé l’encolure du plus proche. Sa fourrure était dense et douce.
À bien y regarder, tous ces animaux étaient certes rayés de noir, mais surtout ils étaient tous d’un vert éclatant…
28.12.2023

Dans ma salle de bains face au miroir, je remarque sur le côté droit de mon cou un petit poil indésirable, qui dépasse d’un ou deux millimètres.
Je tente de l’attraper du bout des ongles, de tirer dessus ; sans succès.
Alors je demande à quelqu’un (que je ne vois pas) de prendre une pince à épiler et de me l’arracher.
La personne le fait bien volontiers…
Mais au lieu de s’arracher simplement, le poil s’avère être interminable : tiré par la pince à épiler, il sort de ma peau, iridescent dans la lumière, de plus en plus long et emberlificoté, épais de quelques millimètres maintenant, fait d’une matière organique vivante, ruisselant de sang bientôt, il fait plusieurs mètres de long à présent, il est d’une teinte pourprée magnifique, un peu effrayant mais aussi assez beau, sa présence en moi est incompréhensible tout comme sa longueur qu’on croirait sans fin, mais en tous cas je me sens bien, l’étrangeté et la beauté me submergent…
29.11.2023

Il y a quelque chose à célébrer, mais j’ignore ce que c’est.
Les pièces sont innombrables dans cet immense palais, et les motifs des pavements au sol sont d’une beauté stupéfiante.
J’erre de pièce en pièce, et je croise des foules de gens que j’ai connus autrefois. Tous très souriants, ils ont l’air d’être contents de me voir.
On me demande ce que je viens faire là.
Alors je me rends compte que je tiens dans mes mains une pelle et une pioche.
Une matrone tout sourire me demande si je viens enterrer quelqu’un. S’il y a un cadavre dans le coin, qu’il faudrait enterrer.
Je réponds que non, je ne viens enterrer personne. Plutôt quelque chose. Et j’ajoute, mystérieuse et souriante moi aussi :
– Et qui sait ? Peut-être que ce quelque chose, une fois enterré, deviendra un trésor…
08.11.2023

On se promène dans une grande forêt de conifères.
Là haut entre les cimes des arbres, le ciel est bleu.
La terre humide et les mousses sentent bon.
Soudain nous levons la tête et nous voyons la crête déferlante d’une immense vague, plus haute que les arbres, qui se rapproche.
Tu dis en me prenant la main : – Ah oui, quand même…
Et puis plus rien.
1er novembre 2023

C’est la nuit.
Le clair de lune éclaire vaguement les lieux.
Je suis dans un cimetière je le vois maintenant, de nombreuses stèles de pierre, visiblement anciennes, émergent de l’herbe humide.
Au fond vers les arbres, je vois des silhouettes en conciliabule.
Tout me semble normal et paisible.
Et puis j’aperçois une tombe béante. Le trou dans la terre est bien rectangulaire, pas très profond.
Les silhouettes au fond se rapprochent, et je vois qu’elles sont armées d’épées.
C’est alors que quelqu’un, du fond de la tombe béante, brandit un énorme glaive.
Et la lutte s’engage entre le glaive et les silhouettes armées d’épées, au son métallique des lames qui s’entrechoquent.
Je reste là, à contempler ce combat qui me paraît sans fin.
13.10.2023

Des rêves de méduses échouées
sur le rivage,
de grandes méduses mi-humaines,
une apparition de mon père
tel qu’il était quand j’étais enfant,
un fleuve tumultueux prêt
à déborder de son lit,
la maison de mes parents
telle qu’elle sera peut-être
dans le futur,
aménagée différemment,
avec des meubles autres,
le sauvetage difficile
d’un grand chat blessé
et de quatre chatons
tous posés sur un carton
au milieu du fleuve en furie,
et moi dans l’eau bouillonnante
les ramenant à grand peine
sur la terre ferme…
07.09.2023

Rêvé que je marchais dans Paris, près des quais en face du Louvre.
Il pleuvait et il faisait gris et froid.
Beaucoup de circulation automobile.
De la foule sur les trottoirs.
Un sentiment diffus de rendez-vous manqué.
Et puis j’ai vu s’avancer au milieu de la chaussée, coincée entre plein d’autres voitures, cette grande monospace remplie de passagers. Et j’ai su que c’était eux que j’attendais, qu’on avait rendez-vous précisément à cet endroit et qu’ils devaient absolument me prendre à bord.
Malgré le danger, j’ai commencé à me diriger vers eux en esquivant les autres voitures, en appelant pour qu’ils m’entendent et me voient…
Je voyais distinctement qu’il restait une place libre dans l’habitacle. Et je reconnaissais quelques passagers.
Myriam que j’entendais crier au conducteur de s’arrêter pour me laisser monter.
Et puis Pierre Audin qui me regardait fixement de derrière sa vitre, avec un air effaré.
Le conducteur ne s’est pas arrêté. Il a même accéléré et j’ai vu le véhicule traverser le carrefour un peu plus loin, à tombeau ouvert.
J’ai essayé de courir derrière eux, au milieu de la chaussée trempée et des bagnoles qui klaxonnaient furieusement.
Peine perdue.
J’avais vraiment loupé ce rendez-vous.
Ou plutôt, on me l’avait refusé.
1er juin 2023

Court vêtue d’une petite robe d’été, je me balade dans les petites rues pavées d’une vieille ville.
C’est la fin de journée, il fait chaud.
Soudain il se met à pleuvoir à grosses gouttes, les autres passants courent pour se mettre à l’abri.
Mais je préfère rester sous la pluie, qui est tiède et douce.
Des personnes qui s’abritent sous une énorme glycine me font signe de les rejoindre. Mais je n’en ai pas envie.
C’est alors que la pluie se transforme en grêle, puis en neige. Cette fois j’aimerais trouver un abri.
Mais les rafales sont si violentes que je n’arrive pas à avancer.
Je suis trempée et glacée.
Je fais alors demi-tour, et tu es là devant moi, souriant.
Tu me prends par la main.
15.01.2023

Je suis conviée à un genre de réunion, ou de séminaire de travail, où il y aura quelques collègues que j’apprécie et quelques personnalités politiques d’extrême gauche.
Quand j’arrive sur place, je découvre que ça se passe dans la maison de ma grand-mère, largement remaniée et agrandie mais parfaitement reconnaissable.
J’entre et m’assieds à la table de la réunion, où tout le monde discute déjà. Je suppose que je suis un peu en retard. Mais je m’en fiche.
Quelques instants après, comme on nous distribue des coupes de champagne, – j’ignore pourquoi-, j’en profite pour m’éclipser et aller errer dehors.
Le jardin est resté identique, verdoyant et touffu.
La maison a été rafistolée de bric et de broc, mais je reconnais bien les deux grandes fenêtres vers la rue, la descente de cave, la petite cuisine…
Sentiment très doux de nostalgie, sans tristesse.
21.12.2022

J’avais bien aimé la série Dexter, ça avait dû me marquer sans que j’en aie vraiment conscience…
Bref.
J’ai donc tué méthodiquement cet homme, ne lésinant pas sur les giclûres d’hémoglobine, et sans aucune pitié faut-il le préciser.
Puis je l’ai complètement enroulé dans une grande bâche de plastique transparent, que j’ai maintenue en place autour de lui avec du gros scotch marron.
Et je l’ai laissé là, à la cave.
On verrait plus tard qu’en faire.
Quelques jours plus tard, la pitié m’est venue. Je regrettais presque de l’avoir fait.
Je suis descendue à la cave, il était toujours là bien sûr. Je me suis assise par terre, à côté de lui, et je l’ai contemplé.
Que faire de lui ?
C’est alors qu’il m’a semblé voir, au travers du plastique transparent, ses yeux bouger. J’ai eu peur.
J’ai rapproché mon visage de lui pour mieux l’observer. Aucun doute possible : il promenait son regard d’un côté et de l’autre, puis vers moi ; je percevais sa difficulté à respirer sous le plastique, une buée se formait autour de son nez et sa bouche.
Finalement j’étais contente.
Je me suis levée, j’ai saisi un cutter, et en quelques gestes je l’ai libéré des couches de plastique qui l’enserraient.
Il a eu un regard empreint de gratitude.
Il ne subsistait sur lui aucune trace des égorgements et entailles que je lui avais fait subir, ni aucune trace de sang.
Et je me suis réveillée.
14.11.2022

Matin d’automne, je marche dans les rues de Paris où la circulation est déjà très dense.
Le boulevard Saint Michel, la Sorbonne, l’île de la Cité…
J’aborde à peine le pont sur la Seine pour rejoindre la Cité, quand au milieu du flux des voitures, un gros camion brinquebalant débouche sur le bitume comme doué d’une vie propre.
Je me suis arrêtée pour le regarder passer.
Quand il arrive à ma hauteur, je vois par la portière le gros visage du chauffeur, profondément assoupi.
Je comprends aussitôt qu’il ne pourra pas prendre le virage devant lui, et qu’il ira tout droit ; écrasant sans doute au passage des piétons, des cyclistes ; et venant heurter de plein fouet le parapet du pont.
Le camion poursuit sa route, et vient s’encastrer dans un réverbère dans un grand bruit de ferraille.
Il explose presque aussitôt, envoyant partout des débris de tôle et de chair…
08.10.2022

Une ville aux coupoles tordues, aux escaliers innombrables, qui aboutissent on ne sait où.
Elle bruit d’une rumeur de jour de marché, mais de marché je n’en vois pas.
Les rues sont presque désertes, humainement parlant. Mais il y a des oiseaux, des chiens, des chats en nombre. Et cette tortue, tout en bas d’un escalier.
Je jurerais qu’elle me regarde du coin de l’œil.
Un chien passe devant moi et me dit :
– Dépêche toi au lieu de rêvasser !
Je lui réponds en riant :
– Tu te prends pour le lapin blanc ?
Il a l’air vexé.
Il revient vers moi et me dit, laissant traîner sa grande langue rose presque jusqu’à terre :
– Tu ferais mieux de descendre l’escalier avant qu’il disparaisse. Il est là en bas et il t’attend.
Je réfléchis et réponds :
– Est ce qu’il a une grande langue rose comme toi ?
Il se met à rire de son drôle de rire de chien. Et il répond à son tour :
– Bien sûr puisque c’est ce que tu voulais !
Sur ce, il se met à pleuvoir.
Je cours vers l’escalier…
Et je me réveille.
03.06.2022

Nous sommes assis sur l’herbe, au bord d’un étang.
Des canards et des cygnes passent devant nous lentement.
J’en désigne un du doigt, et je te dis :
– Regarde, celui-là c’est Vangelis.
Tu le regardes un instant puis tu hausses les épaules en disant :
– N’importe quoi…
J’insiste :
– Mais si, regarde bien. Il a une barbe !
Et c’est vrai, ce cygne a une abondante barbe noire.
21.05.2022

Nous avancions difficilement sur cette route de montagne, l’air était frais et vif, le ciel d’un bleu pur.
Soudain au détour d’un virage, nous avons vu le volcan en éruption et tout près de nous, les masses de lave visqueuse, avançant millimètre par millimètre vers la route, d’un gris presque noir, des éclats de lueurs rouges l’animant par endroits.
J’ai été saisie un instant par l’impression d’une force animale gigantesque, invincible. Ou plutôt non, d’une force tout simplement vivante.
Et puis la neige encore présente en ce printemps, sur les pentes alentour…
Nous avons poursuivi notre route, n’osant pas même nous parler.
Quand nous sommes arrivés en bas, là où notre petite route de montagne rejoint la route principale, la quantité de neige était telle que la voiture s’y est comme enlisée.
Je me suis retournée vers les pentes du volcan, loin derrière, et j’ai crû entendre une musique sombre provenant des coulures de lave…
Dans un frisson je me suis éveillée.
14.05.2022

Fin d’après midi bleuté, la nuit va bientôt tomber.
On est nombreux et on s’installe pour le repas. La grande table et les bancs, faits d’un bois massif et solide, sont installés en suspens au-dessus du vide tout en haut du bâtiment.
Certains et certaines ont peur de s’y installer.
Je leur dis que c’est sans risque, le bois est solide et il suffit de ne pas regarder en bas.
On s’installe prudemment.
Nos pieds, nos jambes pendent dans le vide.
Des hirondelles ont construit leur nid juste en-dessous de la table, on les regarde aller et venir.
A l’intérieur du bâtiment, la radio diffuse la chanson « Wild World »…
11.04.2022
(Rêvé cette nuit… réminiscence nette de cette vieille photo où on voit des ouvriers faisant leur pause, assis sur une poutrelle métallique au dessus du vide, en pleine construction d’un building)

Il fait nuit, il ne reste aucune lumière.
J’ai réussi à franchir le fleuve, je ne sais comment, avec d’autres.
Une fois sur l’autre rive, nous nous éparpillons et c’est chacun pour soi.
Il fait froid.
Je grimpe la rive herbeuse et raide, pour atteindre les rues. Là non plus je ne vois aucune lumière dans les maisons. Peut être la centrale électrique a t elle été arrêtée…ou détruite.
C’est alors que j’ai commencé à entendre les bruits des fusillades, les détonations sourdes derrière moi, sur la rive opposée.
Ne pas se retourner.
Cela ne sert à rien.
Avancer. Courir si je peux.
Je me précipite dans une rue pavée, large et droite, qui grimpe un peu.
Hors d’haleine, je cours dans l’obscurité.
J’entends les balles qui claquent autour de moi.
Je me dis : je vais mourir comme ça, je vais recevoir une balle dans le dos et m’écrouler dans cette rue…
Mais non, les balles continuent de pleuvoir mais je cours toujours.
Une petite rue sur le côté : je m’y engouffre brusquement, et me retrouve entre des jardins.
Un hangar en bois. Je pousse la porte qui cède, je la referme, et je me laisse tomber dans la paille qui couvre le sol. Un cheval me regarde, étonné.
Les bruits de la guerre continuent dehors.
Mais je suis bien, je m’endors.
5.4.2022
(Rêvé cette nuit)

Algues bleues s’enroulant autour de mes chevilles
des bulles irisées montent du fond sableux
il est bien trop tard pour que je puisse remonter
à la surface, c’est un fait, j’appartiens désormais
aux profondeurs aquatiques, – est ce un rêve ?
Des courants caressent mes seins, volupté,
et mes cuisses large ouvertes fraîchissent
sous la vague, mon corps offert à l’élément
liquide se sent pénétré, tous ses orifices
immergés, effleurés, visités, chatouillés…
L’onde bleue et verte m’enserre de toutes parts
caresse totale, je flotte et me laisse aller
et soudain mon corps s’ouvre malgré moi
et je mets au monde un bébé, sous l’eau,
qui me regarde de ses yeux bleu-mer d’orage…
29.3.2022
(Rêvé cette nuit)

Fête foraine…
des bruits métalliques
des odeurs de barbe à papa
des bribes de musique
qui se mélangent,
tu as voulu qu’on fasse un tour
d’ autos-tamponneuses.
Mais la piste est en réalité
une patinoire.
Les petites autos glissent
à toute allure sur la surface
gelée,
se percutent et tournent
comme de folles toupies.
C’est un peu dangereux, non ?
Voici une auto-tamponneuse
rouge vif
qui stoppe devant nous, vide.
On ne peut s’y installer à
deux de face, il n’y a qu’un petit
siège devant le volant.
L’autre siège est juste derrière
le premier.
Je m’installe devant le volant,
emmitouflée comme le petit
chaperon rouge.
Tant bien que mal, tu t’installes
juste derrière moi, ton corps
plaqué contre mon dos, mes reins,
et tes jambes enserrant
mes cuisses. C’est sensuel.
L’auto démarre soudain
en émettant une musique.
Elle patine sur la glace
en percutant au passage
plusieurs autres. Chocs.
Nous sommes pressés
l’un contre l’autre,
je te sens très en forme
contre mes fesses.
Un nouveau choc nous fait
tournoyer à toute vitesse,
les autres autos aussi
tournent sur elles mêmes,
et au moment où je commence
à avoir un peu mal au cœur
la piste patinoire semble nous
expulser dans les airs,
et nous nous retrouvons tous
suspendus aux branches
d’un grand arbre voisin,
toujours dans nos petites autos.
Comment on va faire pour
redescendre de là ?…
Tu me dis qu’il y a un ascenseur
dans le tronc de l’arbre.
En effet nous parvenons
jusqu’à cet ascenseur,
tout de dorures et de bois.
Nous y entrons, et aussitôt,
au lieu de nous faire descendre
jusqu’au niveau du sol,
il se met à monter, à monter
entre les branches
et dans le bleu pâle
du ciel hivernal…
11.1.2022

Vent frais qui ébouriffe
mes cheveux
je ferme à demi les yeux
et réprime un peu
une chair de poule
naissante.
Je vole dans les airs
à plat ventre sur mon matelas
entourée de mes oreillers,
en tenue légère,
le bleu tendre du ciel
matinal me cerne.
La basse altitude
me permet de voir les toits
des maisons, d’ardoises
et pourvus de lucarnes,
le paysage est si beau
de là-haut.
De loin je reconnais
le toit de la maison
de mes parents,
il y a les arbres aussi
que je m’efforce
d’éviter.
Mais le vrai danger
vient de l’instabilité
du matelas sous le vent,
je m’agrippe à ses bords
avec difficulté,
ça tangue à bâbord !
10.1.2022

La ville d’Amsterdam.
Les volets de bois des anciennes maisons sont secoués par le vent. Ça fait un boucan incroyable.
On a franchi un petit pont pour aller admirer des tulipes dans une devanture. Des tulipes bleues comme le ciel pâle, et d’autres transparentes comme du papier calque… Au milieu des bulbes, on remarque une saynète miniature : des personnages hauts d’un demi centimètre s’affairent en tous sens autour d’un tas de pommes vertes, et notent des trucs sur un minuscule ordinateur.
Tu me dis : tu crois qu’ils nous voient ?
Je frappe doucement de l’ongle sur la vitrine, attendant une réaction de leur part.
Mais rien.
Nous repartons sur nos pas. Les volets continuent de s’agiter mais en silence.
Soudain une voix tonitruante dans notre dos, mais joviale aussi : on vous attend au musée de l’érotisme, y’aura une surprise pour vous !
L’œil brillant et m’enveloppant de ton bras, tu me dis : bon, on y va ?
Je te réponds : OK, le premier arrivé a gagné !
Et je m’élance dans la ruelle à toute allure…
22.12.2021

Au sommet d’une colline, je contemple le paysage aux alentours.
Un panorama superbe, des vignes qui dévalent les pentes, des champs de lavande en bas, des arbres qui bruissent tout près…
Et une lumière dorée, peut être un début de coucher de soleil.
Avant d’amorcer la descente, je me dis :
« Je veux rester ici, je ne veux jamais quitter cet endroit… »
Tout en descendant vers le val, je remarque que la rivière a débordé, qu’elle a inondé des champs de lavande.
Puis je m’aperçois que le sol est spongieux sous mes pieds. Des milliers de filets d’eaux courent en rigoles au long de la pente, imbibant la terre et l’herbe, se rejoignant plus bas en un nouvel affluent, me barrant le passage.
Je décide de descendre quand même, en nageant s’il le faut, l’eau est mon élément…
Parvenue sur un éperon rocheux, au sec, je constate que toute cette eau se déversant depuis les collines si vertes, est devenue une mer, une nouvelle mer…
7.12.2021

Rêvé que mon père était toujours vivant.
On discutait tranquillement, et d’un coup dans le fil de la conversation, il me parlait de son jeune frère qui était mort accidentellement dans l’enfance.
Je l’ai fait répéter, je ne pouvais y croire.
En effet mon père est fils unique.
Il est allé fouiller dans un placard et m’en a ramené une vieille photo où on le voyait enfant, assis sur le sable d’une plage en costume marin ; à côté de lui, un autre petit garçon, plus jeune mais lui ressemblant beaucoup.
Il me dit :  » C’est lui. C’est Béryl. Il est mort peu après ces vacances à la mer ».
Je suis restée à contempler cette photo, si précise que je pourrais en faire un dessin.
Puis j’ai pensé aux conséquences de cette découverte bouleversante.
Mes frères, ma mère peut-être aussi, ne sont donc pas au courant de l’existence brève de Béryl. Devraient-ils savoir ?
Mon père est venu répondre à la question que je n’avais pas posée : Je compte sur toi pour n’en parler à personne.
22.10.2021

On voit très loin au-delà du fleuve… reflets rougeoyants sur l’eau et sur nos joues heureuses.
Je te montre les points culminants : les buttes, les collines, les monuments.
Nous en sommes un autre, tout en haut de la grande roue de cette fête foraine…
Le vertige me prend.
Je me retiens à ce que je peux.
Les barres métalliques sont glacées.
Assis inconfortablement dans la nacelle, souriant, tu me dis : pourquoi tu as mis ta robe de petit chaperon rouge ?
30.9.2021

La nuit tombe, je rentre chez moi d’un pas pressé.
Je ne suis plus qu’à deux rues.
Fatiguée.
La journée n’a gravé aucun souvenir en moi.
Comme chaque jour je passe devant ce vieil immeuble délabré, le compteur à gaz moitié arraché, des fils électriques qui pendent en travers des fenêtres, une balustrade de balcon qui semble avoir fondu sous l’effet d’un incendie et qui se détache peu à peu…
Un groupe de mecs, une dizaine peut être, sortent agglutinés de la porte cochère. On parle fort, on proteste, on jure, on insulte, on bouscule. Ça se termine en foire d’empoigne sur le trottoir. Des coups. Des cris.
On s’agrippe par les vêtements, on menace.
En face, le pharmacien est sorti sur son pas de porte pour voir ce qui se passe.
J’ai fait un petit détour, je vais sur l’autre trottoir.
Une lame a surgi dans le soir qui tombe, reflet d’argent comme une sardine.
Le pharmacien leur crie : bon, j’appelle la police !
Dispersion immédiate du groupe. Envol des étourneaux. Plus un bruit.
Sur le trottoir, ils ont laissé tomber dans leur fuite un sachet de coke.
Je mets le pied dessus et l’écrase.
Il pleut…
25.9.2021
(Rêve d’après un souvenir)

L’écume s’enroulait à nos chevilles, tiède, pétillante, nonchalante.
Le coucher de soleil n’en finissait pas.
On avait marché le long des dunes, écoutant le rythme du ressac, ne parlant pas, les cheveux sous la brise.
Je crois bien qu’on était complètement nus.
Et là, dans la douceur du soir d’été, on les avait soudain aperçues : des dizaines d’étoiles de mer laissées par la marée descendante, de toutes les couleurs, frémissantes…
24.9.2021

Un vieux gros chat.
Il est assis sur un fauteuil comme le ferait un homme, jambes croisées.
Il me parle :
 » Oh tu sais, on m’a appelé Socrate mais je sais pas du tout pourquoi on m’a donné ce nom. Ce n’est pas mon vrai nom … Et puis je me suis habitué au fil des années…
– Mais tu t’appelais comment, alors ?
– Mmmrrllwww…
– Quoi ?
– Mmmrrllwww, c’est mon nom.
– C’est classe…
– Je vais bientôt partir. De toutes façons depuis quelques années je m’ennuie. Et je suis fatigué.
– Tu vas aller où ?
– Mon ex m’a invité à venir la rejoindre.
– Ton ex ?
– Je veux dire mon ex humaine. C’est elle mon grand amour, tu sais… Au fait tu veux un bol de croquettes ?
– Euh, non merci Socrate. Hum Mmmrrllwww…
15.9.2021

Nous volons dans un petit avion à hélice, j’occupe la place arrière dans le cockpit.
Devant moi, 2 ou 3 personnes sont installées, je ne vois que leurs dos.
Nous avons pris de l’altitude, le soleil couchant nous fait face, tout orangé.
Peu à peu le froid me gagne.
Et je comprends soudain : sous mes pieds, il n’y a pas de plancher, pas de fond. Je vois défiler les paysages loin en-dessous, les villages, les routes…
Prise de vertige.
Et j’ai peur de perdre mes chaussures.
Je voudrais demander aux autres s’ils trouvent ça normal, un avion foutu ainsi, mais le bruit du moteur est bien trop fort.
Je me répète que ce n’est pas normal…
Un peu plus tard, je me rends compte que la carlingue de l’avion m’enserre au niveau de la taille, comme une bouée ou un canoë-kayak.
Je sens mes jambes pendre en-dessous dans le vide, fouettées par l’air froid.
C’est comme s’il n’y avait même plus de siège. Je m’agrippe aux parois de la carlingue mais je comprends qu’il n’y a pas de risque de tomber.
Pourtant en regardant en bas et en apercevant des gens qui marchent dans la campagne, je me sens embarrassée : sûrement, s’ils lèvent les yeux vers l’avion, ils pourront voir mes jambes qui sortent et même peut-être ma culotte…
Non, c’est pas normal cet avion.
5.9.2021

Cette nuit j’ai rêvé de mon père, tel qu’il était vers ses 40 ans, avec sa marinière bleu ciel comme ses yeux, et son borsalino qui serait très tendance aujourd’hui.
Il est mort en 2019 et il y a des mois et des mois que je n’avais pas rêvé de lui.
Assis sur un fauteuil au jardin, il fumait tranquillement sa clope.
Il m’a entendue arriver et s’est tourné à demi vers moi :
« Alors comme ça, tu te maries enfin ? Bon je suis content, même si j’aurais préféré voir ça de mon vivant… Attends, c’est moi qui vais vous fournir en champagne : j’ai plein de jeroboams au frais… »
23.8.2021
(Ce n’est qu’un rêve…)

Sentiment de déjà vu.
Tout est sombre, le monde est comme avalé dans un gouffre, nous errons comme des ombres sans espoir.
Nous avons parcouru vingt fois ces passerelles au dessus du vide, ces couloirs tortueux…et nous avons trouvé cette petite pièce obscure, loin des regards des autres qui errent comme nous.
C’est notre abri, pour un temps.
J’y ai trouvé quelques livres abîmés, auxquels il manque des pages. Je les lis quand même, jusqu’aux phrases inachevées.
Tu passes ton bras autour de mes épaules, ça nous réconforte tous les deux.
Ce matin, j’ai trouvé entre les pages d’un livre un vieux morceau de papier jauni avec des choses écrites au crayon d’une écriture gauche mais déterminée.
Nous l’avons lu et relu.
Il s’agit d’explications techniques très claires pour piloter le navire intersidéral se trouvant dans ce bâtiment.
Nous décidons de tenter cette sortie.
Le navire est au repos, comme une immense boîte métallique inutile, au rez de chaussée.
Posé sur des sortes de rails.
Au bout des rails, un grand portail métallique ferme l’espace.
Malgré nos appréhensions, nous avons réussi.
Le navire file entre les étoiles et les poussières cosmiques à une vitesse vertigineuse.
Un jour, nous atterrissons quelque part dans la Voie lactée.
Ce monde là aussi est abimé, mais ses habitants tellement plus joyeux et vivants…
Le soir même, concert de métal en notre honneur.
Ça fait du bien de ré entendre de la musique…
Le chanteur hurle dans son micro :
« Bébé Cadum ! Bébé Ca-duuuuummmm !!! Kiffe ton duodénum !!!! »…
Cris de la foule en délire…
21.8.2021
(Rêve fait cette nuit)

Quand l’eau ne coulera que brûlante dans ton lavabo, même au robinet d’eau froide,
Et quand les vitres seront prises toutes ensemble d’un tremblement incessant
Avant de retourner à l’état liquide du verre,
Alors tu sauras qu’il ne te reste que quelques minutes avant la fin de tout ce qui t’entoure.
Tu pourras repenser aux douceurs qui ont
habité ta vie, aux personnes que tu as aimées,
à l’amour incandescent que je t’ai porté
et qui a allumé tant d’autres incendies,
mais surtout il sera bien trop tard, pour tout.
Il ne restera qu’un point brillant dans l’espace
et nous continuerons à nous sourire, tenaces.
17.08.2021
(un rêve d’apocalypse, cette nuit)

C’est la nuit.
J’attends sur un quai de gare.
Nous sommes très nombreux à attendre un train hypothétique.
Des messages s’affichent sur le fond bleu du panneau lumineux, là-haut. Tous incompréhensibles.
J’essaie d’aller marcher plus loin, vers l’avant du quai. Nuit froide et humide, un crachin se met à tomber…
Là entre les deux voies ferrées, sur les cailloux grossiers, des gens se sont installés pour dormir avec des couvertures. Je trouve leur idée extraordinairement dangereuse, si un train arrive ne vont-ils pas être réduits en bouillie ? Comment est il possible qu’on les ait laissés s’installer là ?…
Justement un train arrive.
Blanc et bleu, et vide.
Il freine dans un grand crissement et s’immobilise non loin des gens installés entre les voies.
Sur le quai, nous nous demandons tous s’il s’agit bien de notre train. Rien d’indiqué sur le panneau lumineux.
Nous nous apprêtons à monter à bord quand un chef de gare apparaît et se met à crier :
Non non, personne ne monte ! Ce train est réservé aux crimes de musique !…
Et je m’éveille.
Nuit du 17 au 18 juillet 2021

Un ascenseur dans un grand immeuble.
Qui semble se mouvoir, autonome, indépendamment de l’étage demandé.
Il est descendu jusqu’au 5ème sous-sol.
Je ne savais même pas qu’il existait un 5ème sous-sol.
Les portes s’ouvrent lentement sur ce sous-sol, dans un bruit pneumatique…
Je découvre un monde souterrain gris, poussiéreux, fait de galeries enchevêtrées et bancales, de blocs de béton armé, de pénombre, de foules humaines confuses.
Des femmes en blouses grises, de tous âges, traînent et poussent des wagonnets remplis d’ordures vers le fond obscur.
Bruits métalliques, comme des bruits de chaînes…
Je demande à la femme la plus proche de moi comment remonter au niveau du rez de chaussée.
Elle me répond que c’est impossible. Que maintenant que je suis descendue là, je ne peux plus remonter.
Elle semble surprise que je l’ignore…
08.07.2021

L’intérieur sombre de cette maison est peut-être l’intérieur d’un bateau, une soute de bateau ancien.
Le plancher penche dangereusement, il tangue, tout craque et tremble.
Un fût de canon gît là, la gueule pointée vers l’extérieur.
Une personne qui pourrait être mon double, tire de toutes ses forces sur une corde, je ne sais pas très bien dans quel but.
Elle tourne son visage vers moi et dit :
« Design the truth !…
Je réponds évasivement :
« Oui c’est ça, enfin je crois… Pas toujours, je pense…
Elle se renfrogne, elle est en colère.
Elle tire sur la corde, énervée contre moi.
Et insiste en criant cette fois :
« Design the truth ! »
26.06.2021

Je suis venue te voir, tu habitais à présent dans un étrange lieu tendu de tissus chatoyants, éclairé de bougies et résonnant de musiques anciennes.
Les habitants de ce lieu glissaient comme des ombres bienveillantes et parlaient tous en anglais, – chuchotaient plutôt…
Nous nous sommes assis l’un contre l’autre sur des coussins moelleux, il était doux de nous toucher l’un l’autre dans ce coin un peu à l’écart.
Tu m’as murmuré :  » Au fait, tu les as amenés ? »
J’ai répondu :  » Oui bien sûr, je les ai là… »
Et j’ai ouvert mon petit sac à main fait de velours vert émeraude.
A l’intérieur, des dizaines et des dizaines de minuscules alligators bien vivants nous regardaient de leurs yeux stupéfaits…
15.06.2021

Effervescence au jardin, des cris, des rires, nous sommes nombreux, nous préparons une grande fête.
Des guirlandes de lampions traversent le jardin en diagonales, les fenêtres de la maison sont grandes ouvertes sur la terrasse, des bribes de musiques nous en parviennent.
Je ne saurais dire si c’est le jour ou la nuit.
Ni pourquoi nous sommes rassemblés là si nombreux.
Ma nuisette de dentelles blanches me tient lieu de robe de soirée.
Mes frères s’agitent autour du vieux cerisier mort au tronc comme calciné, noirci.
Ils te demandent ton avis. Faut-il l’abattre ou non ?
Tu ne sais pas, mais tu veux bien aider si l’on a besoin de toi.
Finalement il sera déraciné.
Ce n’est pas une mince affaire…
Nous nous mettons à vingt, à trente, pour arriver à le faire basculer sans un bruit.
Je m’attendais à un craquement terrible, mais non.
Ses racines sont en partie à l’air libre, et l’on aperçoit dans la terre sous les racines, une grosse boite en bois.
Je m’élance pour la dégager.
Je me retourne alors vers ma mère pour lui dire : Tu vois, papa a laissé ce coffre ici pour qu’on le trouve après sa mort !
Sourire embué de ma mère…
Puis sans transition, nous nous mettons tous à dresser des tables à tréteaux sur l’herbe, et nous y disposons les verres et les assiettes.
L’ambiance de fête a repris son cours…
14.05.2021

Tu es venu manger à la maison, j’avais préparé quelques douceurs pour toi.
Attablés face à face, près de la fenêtre donnant sur le jardin.
Il faisait beau temps.
Et puis au cours du repas, tu me dis soudain :
« Attends, il y a quelque chose qui sort de ta bouche ! »
Tu approches ta main de mes lèvres, et tu y prends l’extrémité d’un fil presque invisible, transparent comme du fil de pêche.
Et tu tires doucement…
C’est un très long fil, de plusieurs mètres de long, que tu as finalement fait sortir de moi. Il n’y avait rien au bout.
Surprise, j’ai dit :
« C’est comme un fil d’Ariane… »
Et je me suis réveillée.
11.05.2021

Dans mon rêve, je faisais du vélo. Comme chaque jour. J’étais restée en chemise de nuit, sans rien en dessous. Et pieds nus. Curieusement, le vélo circulait sans discontinuer dans une sorte de cave très vaste, aux lueurs vert tendre. Tu t’étais installé avant moi sur le vélo, tes bras tendus sur le guidon, tes cheveux dans le vent, et tu avais attendu que je m’installe sur toi avant de démarrer. Je m’étais donc assise sur toi avec la conscience très nette que tu remplaçais la selle. Mes bras posés sur les tiens, mes pieds nus et mes jambes collés aux tiens suivant le mouvement de rotation du pédalier, et moi encastrée sur toi. Tu étais joyeux, tu m’as dit : c’est beaucoup mieux comme ça, non ? Nous étions tous les deux dans un état d’excitation grandissant. Et je me suis réveillée…
Rêve du 6 mars 2021

Au détour d’un sentier de montagne, dans le bleu intense du ciel et le vert intense des forêts, j’aperçois dans un creux les tours et les murs crénelés d’un château très ancien et très merveilleux. J’approche. Il est entouré d’un jardin planté d’arbres à la manière d’un verger. Les arbres sont à peine plus grands que moi, et tendent vers moi leurs minces branches dépourvues de feuilles. Ils sont constellés de bourgeons. M’approchant davantage, je remarque que sur certains arbres, tous les bourgeons sont en réalité de petits yeux métalliques. Sur d’autres arbres, les bourgeons sont de tout petits visages parfaitement sculptés. Sur d’autres enfin, les bourgeons sont de petits Y faits d’étain. Nullement perturbée par les petits yeux ni par les petits visages, je me demande : « Mais qu’est ce que c’est que tous ces Y ? Ça signifie quoi ?… »
Rêve du 16 février 2021

Nuit artificielle, nuit d’encre noire,
il fait froid comme en janvier
des vapeurs fétides montent du bitume
les enseignes lumineuses clignotent
des ombres passent et se croisent,
chacune enfermée dans son désarroi
évitant de se parler, de se regarder.

Je ne sais pas vraiment ce que je fais là,
il fait froid comme en janvier
un tenace sentiment d’angoisse m’étreint,
j’avance néanmoins dans la nuit urbaine,
des frôlements désagréables sur mes jambes
peut-être des rats qui envahissent la ville,
mon haleine forme un nuage glacé devant moi.

Une rixe, un conflit violent se fait entendre,
il fait froid comme en janvier
des clameurs de colère montent du bout de la rue
mais je ne vois ni ne comprends rien, j’hésite
à poursuivre mon chemin dans cette direction,
une femme affolée court vers moi, me dépasse,
et disparait entre les immeubles décrépits…

Des reproches injurieux ont été prononcés,
il fait plus froid qu’en janvier,
un homme hors de lui soulève une hache
au-dessus de sa tête, et l’abat d’un coup
et tranche net la main d’un autre, à terre,
éclaboussures de sang jusque sur moi,
un long cri d’horreur monte de l’amputé.

Et me réveille.
01.02.2021
(cauchemar cette nuit)

J’ai rêvé cette nuit que je mourais après-demain. Comme on me l’avait annoncé (qui ? mystère) j’ai invoqué un pacte avec le diable, non pas pour survivre car c’était impossible, mais pour que ma mort ne te fasse pas souffrir… On m’a laissé le choix entre deux solutions. Ou bien reporter ma mort à dans cinq ans jour pour jour, avec l’angoisse de vivre constamment avec cette épée de Damoclès. Mais quand j’ai appris que, entre-temps, nous aurions eu deux enfants, je n’ai pas voulu infliger un tel destin d’orphelins à nos deux petits. J’ai donc choisi l’autre option : à l’instant où je disparaîtrais, tu oublierais totalement m’avoir rencontrée, et jusqu’à mon existence. (il n’y a pas un film qui contient ce pacte ?) Je me suis réveillée en larmes.
24.12.2020

La vie est un gâteau
Depuis que j’habite dans une pâtisserie, je suis très attentive à la présence des différents gâteaux dans la vitrine réfrigérée.
Chaque modèle de gâteau représente en effet une pièce d’habitation, et me permet donc de l’investir et d’y vivre.
Par exemple ce soir, j’ai constaté qu’il n’y avait plus aucun gâteau-chambre à coucher. Ce qui me pose problème car comment vais je pouvoir me mettre au lit ?
Je vais sans doute devoir passer une nuit blanche… à moins que je n’essaie de me fabriquer un gâteau en forme de petit lit ?
Heureusement, je constate qu’il reste un gâteau-salle de bains, avec sa mignonne baignoire en pâte d’amandes blanche.
Je décide aussitôt d’aller y prendre un bon bain chaud…
23.12.2020
(Un rêve)

Guidée par les senteurs chaudes et puissantes de la tribu, j’avais enfin retrouvé la Caverne en bas de la grande muraille de craie.
Vers le fond, un feu pétillait.
J’ai franchi l’entrée sombre de la Caverne, et à ce moment deux longs serpents aux reflets bleutés sont venus vers moi et se sont enroulés autour de mes jambes nues, sans un bruit.
D’abord effrayée, j’ai compris qu’ils ne me voulaient aucun mal ; et enfin j’ai trouvé vraiment beau leur enroulement symétrique autour de mes jambes blanches. Ils ne bougeaient plus.
J’ai voulu m’adresser aux premiers membres de la tribu que j’ai croisés, leur dire : regardez comme ces deux serpents se sont collés à moi, et comme ils sont beaux et ne me veulent aucun mal !
Mais les seuls mots que j’ai réussi à proférer ont été : Neo reti wa koram…
Les autres ont entendu mes paroles et se sont approchés pour regarder mes jambes ainsi décorées.
Puis ils m’ont fait comprendre que eux aussi, voulaient que des serpents bleutés viennent s’enrouler autour de leurs jambes.
Je leur ai montré l’entrée sombre de la Caverne et les ai encouragés à passer là.
Ils sont passés et repassés, espérant la venue de serpents.
Mais rien ne s’est produit…
23.12.2020
(Un rêve cette nuit)

Une haute vallée de montagne, escarpements de granit gris, coulures moussues d’un vert intense, – et le grand silence.
Soudain nous avons eu l’impression que le débit des chutes d’eau prenant naissance dans le glacier, avait beaucoup augmenté. Anormalement.
Nous nous sommes regardés, perplexes.
Un instant plus tard le tumulte des eaux de fonte s’accroissait encore, dévalait les pentes jusqu’au village, et emportait sur son passage les maisons, les devantures vitrées des boutiques, les gens…
Sidérés par cette catastrophe déclenchée en si peu de temps, nous sentant à la fois miraculés et impuissants à aider tous ceux qui mouraient noyés là à quelques mètres en-dessous de nous, nous avons décidé d’escalader la montagne pour voir tout en haut ce qui pouvait être la cause de ce drame.
Arrivés au sommet du massif, nous n’avons pû que constater la disparition complète du glacier, que nous avions pourtant vu intact quelques semaines plus tôt.
Devant nous s’étendait un vaste plateau vallonné à l’herbe rase, un peu spongieux, d’où quelques torrents s’écoulaient encore avec fracas vers la vallée.
Tout près de nous, un très vieux cimetière incongru dans ce cadre, dressait encore ses pierres tombales noircies de lichens, ses enclos de pierres écroulées…
Nous étions stupéfaits.
Ce cimetière était-il donc enfoui sous le glacier, auparavant ?
Je me suis approchée des vieilles pierres.
Et j’ai vu alors que les torrents qui s’écoulaient vers la vallée prenaient leurs sources directement sous les pierres tombales…
Du jus de morts.
J’ai senti mes poils et mes cheveux se hérisser.
Néanmoins, j’ai voulu aller lire ce qui était inscrit sur les tombes. Beaucoup n’étaient plus guère lisibles.
J’en ai trouvé une, mieux conservée que les autres. Gravés dans la pierre noircie par les siècles, les mots latins désignaient un Aloysius mort en 1492 lors de la grande épidémie de peste à coronavirus.
17.12.2020 – Rêve fait cette nuit

La neige craquait et cédait sous nos pas
le silence remplissait tous les là-bas
on se prenait à regretter les dernières
boissons chaudes, velours fumants
au bord des lèvres, lointains apaisements…
Arrivés au bord de la grande crevasse
nous avons contemplé le bleu azuréen
des entrailles glacées, vertige scintillant,
et quelqu’un a dit : il nous faut passer
de l’autre côté, c’est notre seule chance.
Regards échangés, volutes de fumée
évadée de nos souffles courts, apnées
indécises, devant nous l’épreuve exposée
et nos choix en équilibre momentané,
quelqu’un a décidé pour le groupe. Y aller…
Alors j’ai tourné le dos à la crevasse béante
et dans l’air givré du matin j’ai dévalé
la pente comme sur une luge improvisée.
(Rêve – 16 décembre 2020)

Nous avons traversé des massifs où les verts s’ombraient de violets, où les creux s’habillaient de velours, où l’air était plus léger et plus frais qu’en nos enfances.
Nous avons plissé les paupières pour admirer l’éclat infaillible des glaciers, couronnes cristallines et bleutées saturées de blancheur improbable.
Nous avons descendu les escarpements sans peine, traversé les dernières forêts avant le monde minéral, remonté les parois verticales avec le bleu intense sur nos têtes.
Nous nous sommes laissé porter par l’avalanche et son fracas, et nous sommes retrouvés au premier verrou de la vallée, heureux comme des épaves indemnes.
Nous avons ri sous la tiédeur inattendue d’une source d’eau chaude, et avons ôté tous nos vêtements pour nous imaginer aux premiers jours du monde.
Et tout cela cette nuit…
21.10.2020
(Un rêve)

J’avais renoncé à tuer cet animal pour me nourrir.
Pourtant, mes dents impatientes avaient déjà déchiré
la chair tendre d’un poisson sans le faire cuire avant.
Parce que j’avais trop faim.
Je n’en ressentais aucune culpabilité, c’était la vie
qui avait ses exigences, je me sentais comme le chat
qui croque un rongeur pour rester en vie de chat.
Et puis j’avais continué ma route.
Depuis combien de jours ou de semaines étais-je
partie, je ne le savais plus très bien. Je marchais
et j’avais décidé de ne me retourner jamais…
Il commençait à faire froid.

Le climat avait dû être complètement bouleversé
ou du moins je le supposais, genre cataclysme.
Cette destruction annoncée ne changeait rien
pour moi, l’horizon me happait.
J’avais bien fait de m’habituer à la randonnée
dans ma vie d’avant, cela se révélait utile.
Par contre le sexe me manquait cruellement
et aussi la simple compagnie.
Il m’était impossible de savoir ce que j’allais
devenir, ou si j’étais en mesure de devenir
quelque chose d’autre que ce point avançant
vers l’horizon.
Mais peu importait, désormais…
12.10.2020
(L’impression laissée par un rêve)

Une musique confuse m’appelle au-delà de la conscience
mes efforts pour l’atteindre broient toutes mes énergies
quelques feuillets éparpillés, les portées sont douées de vie
et se mettent à défiler sur le papier de plus en plus vite,
je parviens à rassembler toutes ces feuilles frissonnantes
et les amène à pleins bras dans un atelier plongé dans
l’obscurité, les entasse peu à peu sur le carrelage frais
et retourne chercher celles qui bruissent encore là-bas…
Et puis d’un coup tu es là dans l’atelier, je m’y attendais
mais l’émotion de te voir déclenche l’incendie dans mon ventre…
1.4.2020

Des silhouettes furtives autour de moi, un monde de brume grise
les bruits sont amortis, les voix inaudibles, l’angoisse compacte
je voudrais partir mais mes pieds sont comme englués au sol
ce sol qui commence à se soulever, à se gondoler, à trembler…
in extremis je sors mes pieds de mes chaussures et réussis à fuir
pieds nus dans la ville secouée toute entière par un terrible séisme
chemin faisant je me défais de tous mes autres vêtements
et je continue à fuir, à courir, le vent frais court sur ma peau,
soudain j’entends des pleurs continus et légers, c’est un bébé
qui pleure, où est-il ? est-il seul dans la ville en voie de destruction ?
ça y est je le vois au coin d’une rue, je viens vers lui et le prends
dans mes bras où il cesse de pleurer, les silhouettes tout autour
continuent de passer sans s’occuper de rien, ni de moi ni de cet
enfant abandonné, je continue à fuir avec le bébé contre moi…
je lui donne mon sein et il se met aussitôt à téter goulûment
enfin je sors de la ville et j’arrive dans une forêt où le séisme
n’est plus perceptible, seuls les craquements sous mes pas
et la brise qui agite les branches…dans une clairière humide
un amas d’arbres couchés au sol, et là au milieu un groupe
de gens qui chuchotent entre eux, aussi dévêtus que moi…
un homme plus grand que les autres se retourne et me voit
et me salue par ces mots : Nous t’attendions, tu as réussi.
24.4.2020

Rêve par temps de confinement…
je suis dans un grand rassemblement
religieux
qui ressemble un peu
à la fête de l’huma,
avec des stands…
Je circule dans les allées,
entre les stands colorés,
les différents représentants
des religions
vendent leur camelote à la criée.
Soudain tu es là
à mes côtés.
On marche, il y a du soleil.
Et puis une allée est barrée
par des tables chargées
de statuettes et d’amulettes.
Cela nous empêche de passer.
Je m’adresse au représentant
de la religion concernée,
vêtu d’une toge bleu azur,
et lui demande d’enlever
au moins une table.
Il rechigne.
J’insiste.
Il finit par pousser une des tables
pour laisser un passage,
et il nous lance :
« Vous êtes des enleveurs de dieu ! »
21.3.2020

Allende

C’est Salvador Allende.
Je travaille avec lui, je le connais bien.

Avec son col roulé noir et ses grosses lunettes, il consulte les différents dossiers que nous lui apportons, il se lève et va vérifier quelque chose, il propose des cafés…
Il est calme, efficace, actif.

D’un coup je lui demande pourquoi il a laissé de côté le dossier sur l’environnement.
Je suggère que, peut-être, ce sujet l’intéresse moins que le social ?

Il enlève très lentement ses lunettes et me regarde sans rien dire, grave.
Puis il dit d’un ton très enjoué soudain :
« Dans ma situation, je ne peux pas vraiment tabler sur l’avenir. Alors je m’occupe uniquement des urgences. De tout ce qu’on peut régler aujourd’hui. Demain c’est déjà trop tard. »

On est à la fin du mois d’août.

Approximation

L’univers des livres me hante et me nourrit.

Je veux changer d’horizon professionnel.
Je sais lire à un rythme soutenu toute l’année.
Je sais écrire des analyses et des critiques littéraires.
Je sais classer les livres ou tous autres documents selon les classifications les plus sophistiquées.
Je sais même concevoir des classifications à la demande.
Je sais réparer et restaurer les livres abîmés, même s’ils sont très anciens.
Je connais par cœur les préoccupations essentielles des bibliothèques et des bibliothécaires.

J’ai postulé.
Une nouvelle et vaste bibliothèque vient de s’ouvrir et elle recrute.
Avant même d’avoir une réponse à ma candidature, je décide d’aller la visiter sans me faire connaître.

De l’extérieur, elle me semble immense et labyrinthique.
Mais belle.
Va-et-vient des lecteurs et lectrices à l’affût.
Sérénité studieuse du côté des bibliothécaires qui viennent prendre leur poste.
Tout semble parfait.

Je m’approche de la grande porte d’entrée qui donne accès aux salles de lecture.
En levant les yeux, je constate que cette porte d’entrée est surmontée d’un grand panneau qui porte les indications suivantes :

Bibliothèque approximative
Classement alphabétique

Burqua

Sur le quai du métro, j’attends qu’une rame arrive.
Près de moi, attend une jeune femme voilée de noir de la tête aux pieds.
Ses yeux sont à peine visibles, cachés par l’ombre portée du bord du voile. En bas du visage, le voile arrive juste sous la lèvre inférieure.

Presque malgré moi, je m’adresse à elle :
« Vous savez, vous avez une très jolie bouche, très sensuelle. Elle ne doit certainement pas échapper au désir des hommes… Vous devriez la cacher aussi. »

Elle ne répond rien, mais le lendemain je la retrouve sur le même quai de métro, la bouche masquée par le bord du voile.
Je lui dis :
« Vos mains aussi sont très fines et très belles. Vous savez, on peut faire toutes sortes de choses avec des mains pareilles, les hommes le savent bien… Vous devriez porter des gants. »

Toujours pas de réponse de sa part. Je la revois le lendemain, les mains gantées de noir.
Je lui assure :
« Maintenant on ne voit plus que votre nez, qui est très mignon. Chez nous qui sommes passionnés de psychanalyse, nous pensons que le nez représente symboliquement l’organe sexuel. Peut-être devriez-vous le masquer également… »

La même scène se répète, et je la retrouve le lendemain entièrement voilée de noir, sans une parcelle de peau visible.
Je lui dis dans un sourire :
« Grâce à ce voile noir, on ne voit de vous que la grâce troublante de votre silhouette que l’étoffe vient épouser et caresser. Restez comme ça, vous êtes au summum de l’érotisme ! »

Chair hachée

Au détour d’une rue, mes pas m’ont amenée devant un chantier de construction d’immeuble.
Il est vraiment bruyant.
Entre le va-et-vient des camions, les bennes qui se renversent, les lessiveuses qui préparent le béton, on est assourdi. Une fine poussière grise stagne dans l’air, gêne la respiration.
Les ouvriers se démènent pour accomplir leurs tâches, rudoyant leurs corps, forçant leurs pensées vers ce but qui leur apportera de quoi vivre.

Je contemple un moment ce monde en mouvement.

Et puis je vois l’impensable.
Maintenant, les larges gouttières métalliques issues des lessiveuses ou des bennes de camions viennent déverser non pas les matériaux habituels de la construction, mais des fleuves de chair hachée. Rouge vif, sanguinolente, pleine et compacte comme de la viande bovine.
Formidable couleur de la vie encore proche dans un paysage gris, de béton et d’acier.
Effluves écoeurants de la chair et du sang.

Je ne sais si cette chair est humaine ou simplement animale.

Elle s’écoule à présent en un flot régulier qu’on dirait sans fin, venant remplir les fosses de fondations dans lesquelles on attendait un quelconque ciment.

Le sentiment d’horreur qui m’a envahie me donne des frissons par tout le corps et me fait dresser les cheveux sur la tête.

Déjà vu

La ville est en grande partie détruite par les bombardements.
Ma maison a été détruite.
Je ne sais pas où aller.

Les décombres fument encore, et tout est recouvert d’une suie grise et collante.
L’air sent le brûlé.
Je me rends compte qu’il y a des corps par endroits, des membres inertes dépassent des tas de gravats. Mais je passe très vite, j’ai peur de regarder de plus près.

Quelques personnes errent comme moi dans les rues défigurées, la plupart n’ont désormais pour tout avoir que les vêtements qu’elles portent sur elles.
C’est aussi mon cas.

Nous nous regroupons sur ce qui fut une petite place ombragée.
Certains disent : « Il faut qu’on se mette à l’abri, les avions peuvent revenir. »
Un autre : « On dirait que seul notre quartier a été détruit. Si nous allons vers l’ouest de la ville, il y aura peut-être des rues et des maisons intactes… »
Et une autre : « Oui mais si nous n’y connaissons personne, qui voudra nous héberger de toutes façons ? »
D’autres encore : « C’est affreux, nous sommes perdus. A quoi bon être des survivants ? Nos parents et nos amis sont morts. »
Beaucoup se mettent à pleurer.

Je me remémore un homme que j’ai rencontré le mois précédent, et qui habite justement dans l’ouest. Est-il vivant ? Nous avions participé à une réunion clandestine, un soir après le couvre-feu. Il s’agissait d’intercepter des convois de prisonniers, et de leur faire passer la frontière. J’étais volontaire. Lui aussi.
Nous n’avons pas été envoyés sur les mêmes opérations, mais nous avions un peu sympathisé. Vais-je oser lui demander de m’abriter quelques jours ?

J’ai marché des heures vers l’ouest. Pas d’argent sur moi pour prendre un quelconque moyen de transport. Et d’ailleurs, pas de moyens de transport encore en service. La ville entière fume.
Quelques personnes de tout à l’heure marchent dans la même direction, nous nous aidons mutuellement à traverser les ravins creusés par les bombes, à enjamber les troncs d’arbres abattus.

Enfin, des immeubles presque intacts se dressent devant nous.
Chacun de nous va maintenant suivre son chemin vers une adresse connue ou espérée. Nous nous donnons des poignées de mains graves et nous nous souhaitons bonne chance. Nous sommes émus de nous séparer.

La gare est éventrée et noircie.
L’adresse de ce possible ami est là, dans cette rue après la place de la gare.
Voilà c’est cet immeuble.
Son crépi de couleur ocrée est en mauvais état, il a du être mitraillé.
Les balcons et loggias habillés de briques ajourées ont encore leurs jardinières remplies de plantes vertes. La plupart des fenêtres ont leurs volets fermés.
On pourrait croire que tous ses habitants sont partis.

L’immeuble forme un angle de rue ; son entrée se trouve sur le côté, vers l’allée piétonne.
Malheureusement de ce côté l’immeuble est inaccessible : d’énormes poutrelles métalliques sont tombées d’un bâtiment voisin, et leur enchevêtrement chaotique barre totalement l’allée piétonne ainsi que les portes d’entrée des différentes habitations encore debout.

Je pose la main sur l’une de ces poutrelles mais je la retire aussitôt : elle est encore brûlante.
Tant pis. Je dois essayer de me faufiler en-dessous pour atteindre le perron de l’immeuble.

Une fois l’appréhension surmontée, il a été assez facile de me faufiler et de ramper sous les poutrelles emmêlées et tordues.
L’une d’elles, dans sa chute, est venue briser les vitres du hall d’entrée de l’immeuble, et son extrémité a écrasé la cage d’ascenseur.
Je vérifie le nom et l’étage sur les boites aux lettres.
Aucun bruit dans l’escalier.

Sur le palier, je guette le moindre son. Rien.
J’actionne la sonnette, le bruit strident me fait sursauter moi-même.
Toujours rien.
Je recommence, plus longuement.

Au moment où je vais renoncer, la porte s’entrouvre et je le reconnais dans l’entrebâillement.
Avant que j’aie pu dire quoi que ce soit, il m’agrippe le bras et m’attire dans l’appartement, referme très vite la porte.

Dans le petit vestibule mal éclairé, il me regarde de la tête aux pieds :
« Eh ben dis donc, tu m’as l’air mal en point. Viens par ici : tu vas d’abord manger un plat chaud, puis tu pourras te laver si tu le souhaites, et enfin aller dormir. Il faut que tu te retapes un peu.
• Ma maison a été bombardée. Il y a eu beaucoup de morts.
• Oui je sais. Ici on s’est tous terrés à la cave pendant des heures. Et ce matin on est tous remontés chez nous. Le téléphone est coupé, on n’a pas pu avoir des nouvelles de nos familles…
• Dis-moi tout de suite si je peux rester ici quelques jours. Si ce n’est pas possible je partirai dès que j’aurai soufflé.
• Tu as fait tout ce chemin depuis chez toi parce que tu t’es rappelé mon existence ? Alors oui, bien sûr que tu peux rester. Avec joie. »

Il m’a servi un ragoût de viande avec une purée de pommes de terre. Je n’avais rien mangé depuis 24 heures ou à peu près. J’ai trouvé ce plat délicieux.
Puis il m’a donné quelques serviettes de toilette propres et m’a indiqué la salle de bains en me précisant que je pouvais utiliser la baignoire et prendre mon temps.

J’ai glissé doucement dans l’eau tiède et parfumée.
Pendant tout ce temps il continuait à me parler mais je ne l’écoutais pas vraiment.
Il m’a proposé de m’apporter un verre de très bon vin rouge, que je pourrais poser sur le bord de la baignoire. J’ai dit oui.

En entrant dans la salle de bains, il est venu déposer le verre rempli en essayant de ne pas me regarder. J’ai trouvé cela amusant.

Puis je l’ai entendu dire depuis la pièce voisine : « Si ça se trouve, demain on sera morts nous aussi, écrabouillés par les bombes. Alors autant profiter des petits bonheurs de ces derniers moments de vie. Et ce vin magnifique, on ne va sûrement pas le laisser perdre ! » C’est vrai qu’il est magnifique…

J’ai voulu me laver. Le bloc de savon était posé sur un curieux porte-savon encastré dont la forme de coquillage bivalve particulièrement érotique me troubla. Au même instant je remarquai que juste au-dessus de ce porte-savon, une rangée de pavés de verre permettait une arrivée ténue de lumière du jour.
De l’autre côté de ce mur, c’était la salle à manger éclairée par le balcon. Et juste derrière ces pavés de verre, il me sembla bien apercevoir le regard attentif de mon ami qui me regardait prendre mon bain…

Mon trouble avait augmenté, mais la fatigue était trop grande pour que je puisse regarder en face le désir qui m’étreignait.
J’ai demandé où je pouvais dormir un peu.
Il m’a indiqué la chambre, qui se trouvait au bout de l’appartement, et dont la fenêtre entrouverte donnait sur une petite cour ombreuse aux reflets ocre rose.

Le sommeil est venu très vite, malgré la chaleur extrême de ce beau jour d’été qui succédait à une nuit de destructions.
Et puis ses caresses ont interrompu mon sommeil.
Ainsi donc, il avait décidé de profiter de tous les bonheurs de la vie et il venait me faire l’amour…
Nous l’avons fait passionnément.

Dragon maté

Le fleuve s’écoule, gris et tumultueux, en contrebas du quai.
De gros glaçons flottent sur ses eaux, ses rives sont ourlées de givre et de cristaux étoilés.
Accoudée au parapet je contemple le panorama dégagé sur la ville, à perte de vue, avec son ciel blanc d’hiver et ses craquements, glissements, scintillements, buées et soupirs.

Tout au long du quai un marché s’est installé.
Mais il y a peu de chalands. Il fait trop froid.

Les mains dans les poches, j’erre dans les allées du marché.
Ici cela sent le céleri, là le mimosa.
Il m’est agréable de regarder les montagnes de légumes ou les gaufres fumantes en train de se faire.
Tiens, et si j’allais prendre un café à ce camion qui propose toutes sortes de boissons chaudes ?

Il y a un brouhaha, une confusion…
Je tourne la tête et reconnais dans l’attroupement quelques personnes.
Mon gobelet de café brûlant en main, je me dirige vers ces quelques personnes qui paraissent vraiment inquiétées par quelque chose, je ne sais pas quoi au juste.

Une amie m’a reconnue et vient vers moi.
Je pose sur son bras ma main gantée d’une mitaine noire, et je lui dis :
«  Mais qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui t’arrive ? »
Elle ne répond pas, elle semble bouleversée et apeurée.
Enfin elle pointe du doigt le bord du fleuve, au-delà du parapet.
Je regarde dans cette direction mais ne vois rien de particulier.
Je dis : « Et bien quoi ? Tu as peur que le fleuve déborde ? »
Elle fait non de la tête et se met à pleurer.

Au fond de moi je sens qu’elle m’agace avec ses larmes, mais je réfrène aussitôt
ce sentiment car il me fait culpabiliser.
Je lui donne mon café et lui dis : « Tiens bois ça, ça te fera du bien. » Et d’un pas décidé, je me dirige vers l’endroit qu’elle a pointé. 
Les autres personnes attroupées me laissent passer…

J’ai du reculer d’un pas, surtout parce que l’odeur était pestilentielle.
Aucun doute possible : là, au pied du parapet, tout au bord de l’eau, il y avait…
un dragon ! Un vrai. Vivant, écumant de rage. Prêt à attaquer quiconque s’approcherait un peu trop.
Ses yeux rougeoyants étincelaient dans son énorme face verdâtre.
Il émettait de temps à autre des rugissements rauques, et son haleine empestait.

C’est alors qu’une bande de gamins a commencé à lui jeter des cailloux.
Le dragon n’a pas bronché, mais les a regardés comme s’il préparait une implacable vengeance.
Je les ai enguirlandés :
« Mais arrêtez ! Vous voyez bien que ça ne sert à rien ! »
Quand le dragon a émis un rugissement plus fort qui a résonné entre les murs de la ville, les gamins se sont enfuis à toutes jambes.

Quelques hommes venus du marché se sont alors approchés avec des barres de fer, ont commencé à menacer le dragon, à lui donner des coups avec leurs barres.
J’ai soupiré :
«  Pffff… Vous aurez bonne mine, quand il va décider de sauter sur le parapet ! »
L’un d’eux se retourne, furieux contre moi, et me dit :
« Et alors ? Tu crois peut-être qu’on a peur de ce gros truc ? Tiens, tu vas voir si on
a peur de lui… »
Je murmure :
« C’est sûr que quand il t’aura bouffé, tu n’auras plus peur du tout, grand couillon ! »

Le dragon a rugi vraiment très fort, cette fois.
Toute la ville en a résonné.
Les hommes armés de barres de fer ont reculé tous ensemble, et à cet instant on a pu voir l’animal qui se soulevait au-dessus du parapet, faisant onduler son immense dos vert aux reflets métalliques.

Les hommes se sont tournés vers moi, et celui qui m’avait apostrophée a crié :
« Tiens, puisque tu es si maline, tu vas aller lui parler au bestiau ! »
A 2 ou 3 ils m’ont attrapée, et m’ont poussée violemment contre le parapet, juste sous la gueule béante du dragon.
J’ai eu peur, mais surtout j’ai trouvé l’odeur insoutenable et n’ai pu m’empêcher de lui dire comme à une personne :
«  Tu pues ! »
J’ai plongé la main dans la poche de mon manteau et j’en ai sorti quelques bonbons à la menthe, que je lui ai tendus :
« Tiens, tu devrais déguster ça ! C’est bon pour toi ! »

Alors que mon cœur battait de frayeur et que tous ceux qui s’attroupaient semblaient certains que j’allais me faire dévorer, le dragon m’a considérée de ses grands yeux de rubis, a reniflé les bonbons posés dans ma paume, et les a pris délicatement avec sa grande langue verte et rose…
Puis il s’est calé contre le parapet, et a posé sa grosse tête tout contre mon épaule.
Je lui ai dit :
« Tu n’es pas un mauvais bougre, au fond. C’est juste que tu t’es trompé de livre de contes… »

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