Poèmes 2018-2019

Émeute intérieure
neurones en désaccord
certains jouent au gendarme
d’autres dressent déjà
des barricades,
dédales en feu
cris assourdis
explosions colorées
tensions émotions,
tout est si simple
ici
je sais déjà qui
vaincra mais quand ?
25.12.2019

*

Petite déclaration du matin

Je t’offre mes roseurs intérieures
et mon cœur incandescent
ou l’inverse si tu préfères
mon corps incandescent
et les roseurs tendres de mon cœur.
24.12.2019

*

On allait jusqu’au bout du pré, construire une cabane
loin des adultes, on y apportait livres et couvertures
on y apportait aussi nos rêves de vie sans parents
on y découvrait Croc-Blanc et Robinson Crusoë
et on jouait à être des enfants perdus, autonomes.

Après ces années, la cabane solitaire a survécu
et a accueilli nos premiers amours et nos premiers
chagrins, quelques livres naufragés y sont restés,
nous y avons conspiré parfois contre l’injustice
échafaudé des révoltes, des séditions, des luttes…

Cette année je suis retournée au bout du pré et
j’ai retrouvé la cabane, quelle construction solide
nous avions faite, et tous nos rêves étaient encore
à l’intérieur à m’attendre, je les ai pris dans ma tête
délicatement, et j’ai su que tout pouvait continuer…
24.12.2019

*

La nuit parfois m’envoie ce songe
d’une maison qui se suffirait à elle-même
qui nous habiterait autant que nous
l’habiterions, sans décor ajouté
et sans ornements, un archétype
de maison reflet de nos deux âmes
conjuguées l’une à l’autre, vivante.
Je pourrais la décrire ou en dessiner
le plan, pourtant je ne sais si elle existe
et je ne sais pas si nous y vivrons
un jour, mais elle m’habite et vit
au plus profond de mon moi nocturne
silencieuse et impavide, en attente
quelque part au pays de nos rêves…
23.12.2019
(Étonnée par ce rêve)

*

L’eau, la pluie
qui habille les vitres
d’un semis d’étoiles
liquides, légères
et le vent qui les lie
et les afflue devant
lui sans répit…

L’eau, la vie
celle qui s’écoule
avant le nouveau-né
celle du sang
et de tous nos
liquides corporels,
fleuve infini…

L’eau plus rare
celle dont on rêvera
sans jamais
s’y plonger désormais
celle dont quelques gouttes
suffiront, devront suffire
à nos extases
raréfiées…
23.12.2019

*

Tu vois cette photo de classe un peu rognée aux coins
et tous ces mômes avec leurs grands sourires farceurs
trop contents de passer ainsi leur matinée au lieu de
gratter sur un devoir ou de réciter de pauvres leçons ?
Et tu vois cette môme qui ne sourit pas au premier rang
avec sa tignasse bouclée et son regard qui ne lâche pas ?
Tu vois, elle a les genoux un peu écorchés et elle semble
décidée à ne rien céder, jamais, et à vouloir se battre…

Tu vois cette lutte des classes un peu chaotique et dure
et tous ces gens qui défilent dans les rues pour dire non
et tous ces gens résignés qui préfèrent continuer à faire
tourner le monde tel qu’il est, toujours dans le même sens ?
Et là dans la manif, tu la revois bien des années plus tard
avec ses cheveux bouclés et son regard qui remarque tout.
Tu vois, tu l’as photographiée parce que c’est ton boulot
tu es RG, mais elle s’en fout, elle continuera à se battre…

Tu vois, vous étiez dans la même classe autrefois, mais
à présent classe contre classe, – et y’aura pas de quartier.
22.12.2019

*

Regarde l’étincelle, elle insiste comme en songe
et en une seconde tout peut s’embraser
l’incandescence dans ton ventre affamé
t’amènera avec douceur au seuil des demain…

L’enfant qui survit en toi te le dira à chaque instant
tu peux t’infliger encore tant de blessures,
et tant de voluptés du corps et des sens
peuvent encore bouleverser tout ce que tu crois.

Regarde l’étincelle
à chaque instant,
l’incandescence
du corps et des sens
te le dira…
20.12.2019

*

Plus on se rapprochait du lieu
et plus on voyait la foule
affluer de toutes les rues,
quelle délectation cette liesse
dans tous les yeux
et cet air décidé …

La journée avait bien commencé
à un coin de rue
dans l’attente du tram
un vieux me demande mes tarifs…
Tiens ! Je me dis, je plais donc
à ce point ?

La journée avait bien continué
cette femme syrienne
que j’avais reçue chez moi
m’annonce la naissance d’une
petite Sirin…parce que
la vie continue.

La journée s’est enflée de mille
et mille vies toutes allées vers le
même chemin
et j’en ai oublié
jusqu’à demain
tout le reste.
18.12.2019

*

Née dans le sang
le crâne déchiré par le forceps
et l’oreille droite moitié arrachée
ma mère inconsciente
j’ai encore la cicatrice sous les
cheveux, bien visible.
Une urgence absolue.
Tout ça laisse des traces
indélébiles,
forcépment…
J’ai été un bébé charmant
toute d’apaisement.
16.12.2019
(revécu cette nuit)

*

Petite fille dans un corps de femme
chacune avec ses exigences…
animale dans un corps d’humaine
animal doué de raison, – si peu…
combattante dans un corps fragile
une autre aurait dit immanent…
chercheuse de mots non entendus
ou de musiques inaudibles,
chercheuse d’émotions qui tuent
ou qui m’éclosent à la vie,
si tu veux vraiment mon avis
ça fait beaucoup de monde
dans un seul corps
alors
forcément, ça se bouscule
un peu…
15.12.2019

*

Mes cils s’emmêlent quand le vent souffle…
jamais se rendre, jamais accepter, jamais,
cette cicatrice n’est pas là pour rien, elle dit
ce qui laisse une empreinte après les coups,
après le passage du grand vent de l’injustice,
et même si l’on n’est pas de taille à affronter
peu importe puisqu’on est ensemble la multitude,
nous serons les milliers de petits cailloux pointus
qui s’abattent en pluie drue sur l’ennemi.
Mes cils s’emmêlent quand le vent souffle…
14.12.2019

*

C’est une ancienne galerie de mine
ou peut-être un gouffre naturel
abîmes sous nous, en nous,
ô vertige insondable prends-moi
dans tes bras blancs veinés
du bleu de nos pensées, émois
émus, il faut descendre plus bas
nos pieds glissent sur l’argile
nos ancêtres ont laissé
leurs traces dessinées au mur
mettons nos pas dans les leurs
l’air se fait plus rare soudain
mon souffle devient haletant
une chaleur étrange nous prend
c’est le centre de la terre dit-on
chaud comme dans un hammam
nos corps fument d’une brume
et une musique nous parvient
de là en bas, très loin,
continuons à descendre car
rien ne peut plus nous faire peur,
vois-tu comme tout est rose tendre
là tout en bas ? ce tendre nous attend
nous pourrons nous étendre enfin
et nous délecter des instants,
tu peux prendre ma main si tu veux
pour descendre ces dernières
marches creusées dans les
entrailles du monde souterrain,
voilà nous sommes arrivés
et voilà, nous c’est
maintenant.
12.12.2019
(tentative pour dire un rêve)

*

Monde de glace et de crissements de froid
mes pieds s’enfoncent dans les cristaux
le permafrost se craquelle en-dessous
du givre se forme quand je respire, arachnéen.

J’ai gardé dans la main les cinq cartes que j’ai
tirées, elles bruissent et me parlent en chœur
alors j’avance encore un peu plus loin, portée,
et là je sens que tout se délie, tout s’envole…

Impression du matin, hiver, amour.
11.12.2019

*

Ô grand Tlaloc et toi le Serpent à plumes, merci de votre visite
la nuit diluvienne a été illuminée par votre venue
mais je ne ferai aucun sacrifice sur votre autel
je me contenterai d’accueillir les fleuves qui courent vers moi…
9.12.2019

*

Regarder en face l’impact arriver
ne pas ciller ne pas détourner
les yeux, ne pas avoir peur…
Touchée en plein cœur.

Les rêves se multiplient et je sais
ce que cela signifie, les couleurs
s’amplifient, les messages intérieurs
exigent d’être lus, compris, admis.

Le corps s’abandonne et se livre
déjà, espérant les douceurs
autant que les suaves fureurs,
toutes mes lèvres parlent, ivres.

La vague immense m’a visitée
cette nuit, vêtue d’émeraude,
et s’est transformée en feu
dévorant, – douce alchimie…

Regarder en face l’impact arriver
ne pas ciller ne pas détourner
les yeux, ne pas avoir peur…
Touchée en plein cœur.
8.12.2019

*

Courir en dévalant la noue
courir à perdre haleine
pour rattraper l’enfance
ne rien regarder que l’instant,
la brume s’élève du sol
détrempé et toi tu cours,
tu peux t’arrêter et cueillir
cette fleur, le temps suspendu…
C’est juste un rêve que tu fais
et ce rêve te dit la réalité
la réalité qui sous-tend la vie :
continue à courir dans les noues
à courir à perdre haleine
ton enfance est là devant toi…
8.12.2019

*

J’ai rêvé la neige
sur le jardin endormi
et des flocons d’encre
noire tombaient
sans discontinuer
traçant des mots
en noir sur le blanc,
lettres au porte-plume,
messages de la psyché
qui tentent l’émergence,
je discerne des sens
quelques mots vivants
qui perforent la neige,
et puis d’un coup
tout fond et l’encre
se mêle à l’eau de fonte,
rigoles irisées
fleuves sur la carte
de mon monde…
7.12.2019

*

Arbre nu
tu viens d’abandonner tes plus belles feuilles
pour pouvoir vivre, survivre à l’hiver…
Ce matin l’eau était gelée dans les soucoupes,
je pense à ceux qui dorment dehors
aux bébés qui y naissent
Ce matin j’ai fait quelques pas au jardin
pieds nus sur l’herbe glacée
pour me rendre compte
On ne peut pas se rendre compte.
On ne peut pas savoir ce que c’est,
vivre dehors, sur le bitume, sous une tente,
dans le froid le bruit du trafic les rats
sans argent sans amour sans terre sans droits.

Arbre nu
j’aimerais être comme toi, abandonner derrière moi
mes plus belles feuilles, en être capable,
et affronter la vie là où elle crie.
3.12.2019

*

La moiteur sur ma peau s’estompe
sous la serviette qui seule m’habille,
la grisaille n’a aucune prise sur moi
il fait froid mais je m’ébouillante
de l’intérieur, plusieurs volcans
habitent mon corps désormais
et j’oublie même de me nourrir…

La moiteur sur ma peau s’estompe
mais elle renaît tout autrement
quand de très loin je t’entends,
la bienséance m’oblige à ne pas
en dire davantage, je t’attends.
Il est des nuits d’hiver glacées
de brumes et de rêvées moiteurs…
01.12.2019

*

Parce qu’on peut toujours rêver…

Bien avant de mourir
j’aimerais voir à quoi ressemblent
la justice, la révolution, le bonheur

Bien avant de mourir
j’aimerais savoir que mes combats
ne furent pas complètement vains

Bien avant de mourir
j’aimerais que tous ceux que j’aime
trouvent la paix, – et même les autres

Bien avant de mourir
je voudrais encore courir, écrire, aimer
à n’en plus finir à n’en plus finir

Bien avant de mourir
je voudrais entendre ne serait-ce
qu’une fois le vrai son de ta voix…
30.11.2019

*

Après tous ces carnages nous ne serons plus sages
juste ou injuste la lutte s’impose, la vie surnage…
regarde ces empreintes que nous avons laissées
chacun de notre côté, pendant si longtemps,
nous pouvons les suivre à la trace ensemble
et en émerveiller de nouvelles et de profondes,
regarde cet enfant qui vit en toi ou en moi ou…
il a ses exigences, ses rêves et ses fureurs
il n’y aura ni compromis ni renoncement
et il faudra se tenir bien fort par la main
parce que crois-moi, ça va tanguer un peu
et quand je dis un peu c’est souvent beaucoup
Après tous ces carnages nous ne serons plus sages…
28.11.2019

*

Endormie comme une masse
bien après minuit
je me suis rêvée vêtue d’une
longue robe rouge
et traversant un pont de cordes
au-dessus d’un précipice
vertigineux,
sur l’autre rive un autodafé
commençait
des cris des bruits me
parvenaient,
grande confusion,
j’ai dit les mots pour
éteindre un feu,
incantations et soupirs,
et le jour s’est levé
éblouissant et pur…
28.11.2019

*

Ma cyprine est bleue
c’est pour dire tout ce qu’elle doit
aux nuances du ciel
aux couleurs des espaces
infinis,
aux vertiges et aux abîmes,
aux lunes bleues,
aux veines qui sinuent
au long de tes bras,
à tes murmures…
Ma cyprine est bleue
ciel improbable,
bleue d’encre pour
écrire mes délires
sensuels,
bleu transgressif,
bleu du fond de
tes yeux.
25.11.2019

*

Ne la répudie pas, cette larme qui a glissé de tes cils
elle exprime ce quelque chose
de toi qui ne s’éteint pas
et qui est vraiment toi.
24.11.2019

*

Pointillistes
la pluie et la vitre,
et l’eau
qui gargouille
dans les gouttières
au même flux
que mon sang
qui tumulte
dans les valves
de mon muscle
cardiaque
étonné de
lui-même,
pointilliste
ta semence
dans mes
tréfonds,
pointillistes
mes rêves
de cette nuit,
comme la pluie
d’étoiles en
voile de désir
sur le fond noir
de notre
acmé…
23.11.2019

*

J’ai cherché en vain
une trace de ton passage
souvenir de ton existence
j’ai dû me rendre à l’évidence
l’air ne conserve pas les formes
et l’eau ne garde aucun reflet,
seul mon regard intérieur
archive chaque jour
tes images…
21.11.2019

*

J’ai retrouvé entre les pages d’un livre
quelques mots que tu avais écrits et
j’ai fondu en larmes devant ces traces
de ce que tu as été il y a des années.

Si je les avais trouvés à cette époque
tes mots m’auraient peut-être déplu
c’était des mots ténébreux d’inquiétude
je n’aurais pas su les comprendre.

J’ai retrouvé entre les pages d’un livre
quelques mots venant d’un toi inconnu
et j’ai pensé que tu m’avais laissé
ce message, – délibérément…
20.11.2019

*

Tu me repeindras tout mon intérieur
avec tes couleurs tes musiques
tu m’enverras de la chatoyance
et mes rouges et mes roses
se nacreront de tes sèves d’opale…
18.11.2019

*

Tu le sais
le combat
est inégal,
mon cœur.
Mais il est
notre souffle,
celui qu’on
nous prend…
Encore des tonnes de lacrymos aujourd’hui répandues dans l’air hivernal,
encore des brûlures aux yeux, des vomissements, des malaises, des maux de tête récurrents à venir, vous vous souvenez comme dans les tranchées en 14-18 quand les poilus étaient gazés… mêmes produits, mêmes méthodes d’ordures au pouvoir, même mépris pour le peuple, même ploutocratie…
Le combat
est inégal
et depuis
toujours…
Mais la lutte
est mon souffle,
mon seul choix,
notre vie.
Si tu ne veux pas lutter, je lutterai pour toi aussi.
17.11.2019 – (Spéciale dédicace aux gilets jaunes – 1 an de luttes)

*

Sensation tactile de flotter sur l’eau tiède
à plat ventre au-dessus des abysses
mes yeux se dessillent peu à peu
et un grand vertige me submerge…
centaines de mètres de profondeur d’eau
en-dessous de moi, je ne vois pas le fond
que des abîmes d’un bleu opalescent.
et le clapotis au creux de mon oreille…
Je respire dans l’eau, étoile de mer,
nue, en symbiose avec l’élément.
Puis soudain mon image m’apparaît
dans le miroir du fond de l’onde
Puis soudain… tu es là.
Allongé sur moi, collé à mon dos
à mes fesses, à mes jambes,
ta bouche au creux de mon oreille
produit les clapotis et les murmures,
tes mains viennent doucement
envelopper mes seins et nous restons
ainsi, flottant entre deux mondes
liquides, l’un sur l’autre arrimés…
14.11.2019 – (Rêve nocturne)

*

Pleine lune
marée montante
mon sang vermillon
coule en sillon
au long de ma
jambe blanche,
mon réceptacle
se vide en spasmes
de son flux
et reflue vers
d’autres possibles.
Je me sens femelle
animale
vivante
je sanguinole
mais je m’embrase
mes sens en éveil
ma peau de brume
mes seins vibrants
mes reins se creusent
mes lèvres prêtes à baiser
mes dents prêtes à mordre
jusqu’au sang,
l’idée même de femme
est passée par moi
– tant pis pour toi.
13.11.2019

*

Mon coming out

Quand j’étais ptite
on m’a cru muette
pendant quelques
années.
En fait j’entendais
pas très bien
et du coup je
concentrais tous
mes efforts pour
écouter…
De plus je trouvais
déjà le monde
assez con et
profondément
injuste
et du coup
en réalité,
j’avais pas envie
de parler.
Après j’ai craqué,
et depuis j’ai
plus jamais arrêté
de dire tout
ce que je pensais…
12.11.2019

*

Tu crois encore que le règne des ténèbres est à venir…
des millénaires qu’on essaie de nous faire peur avec
toutes ces histoires d’apocalypses et de géhennes,
des millénaires qu’on nous maintient à genoux
l’échine et la tête courbées, le verbe emmuré,
tout pleins de nos renoncements minables et de
nos conforts étriqués, ne surtout pas se révolter…
Tu crois encore que le règne des ténèbres est à venir.
Il te permet de toujours reporter à un éternel demain
les exigences qui te déchirent tranquillement le plexus
pendant que tu les ignores, tu les nies, tu les contournes,
et pendant tout ce temps tu vis à côté de ta vraie vie
et tu n’es un danger pour personne sauf pour toi-même
mais ouf ! tu peux continuer à attendre le règne…
Tu crois encore que le règne des ténèbres est à venir.
Mais il est déjà là et depuis si longtemps, et il n’a pas
besoin d’obscurité pour être, le règne des ténèbres vit
en plein jour et sous nos yeux, il est là au coin de la rue
quand on snippe un enfant, quand on rafle des humains,
quand on laisse une femme accoucher sur un trottoir
quand on refuse notre aide à ceux qui en ont besoin.
Ce monde où nous vivons est le règne des ténèbres.
10.11.2019

*

La peau de la ville
le bitume
il reçoit les injures
les immondices,
seul drap pour ceux
qui n’ont pas de toit,
on le parcourt
comme un peuple
indifférent,
il fond parfois
au soleil d’août
ou sous les feux
allumés dans les
quartiers,
une eau huileuse
y creuse ses fleuves
qui meurent tous
au caniveau,
les rats le peuplent
la nuit, furtifs,
se défiant des
humains,
il se plaît à refléter
parfois la lune
quand il sent que
la poésie ferait du
bien à quelqu’un…
Il pue l’urine
il fait glisser
il s’habille de
feuilles mortes,
il nous suit
partout où
nous allons,
il est la
peau des rêves
de la ville…
9.11.2019

*

Moi, être humain de passage
je suis une empreinte de pas
laissée sur le sable mouillé
et ma vie ne dure que l’espace
entre deux vagues déferlantes.

Ainsi, les grains de sable qui
m’ont composée prennent une
autre forme, et l’eau en s’en
allant emmène vers le large
le souffle de ma poésie…
9.10.2019

*

Il y avait cette musique sombre, un peu effrayante.
L’obscurité enveloppe soyeuse, quelques étoiles si loin au-dessus…
Les linteaux de la porte me tendaient les bras, je suis entrée.
Mes yeux ont eu du mal à s’habituer, les murs d’un blanc violent.
Assise au fond, j’écoutais toujours la musique toujours plus forte.
Et là sur le mur blanc en face de moi, j’ai vu quelque chose sortir.
Sortir des entrailles du mur, sans un bruit, sans dégât apparent.
Une éclosion, une vulve qui s’ouvre, une bouche qui délivre…
Je savais que ça ne pouvait pas être réel, et pourtant c’était là.
Plus fort que moi. Le message se frayait un chemin jusqu’à moi.

8.11.2019
(Un de mes rêves d’hier)

*

Mes rêves sont peuplés de couleurs inconnues
de paysages indicibles
aux contours presque réels,
des musiques viennent m’habiter en songe
que j’entends entièrement avec l’oreille
que je n’ai pourtant pas,
de fragrances troublantes et chaudes
de saveurs décuplées éclatantes,
de sensations tactiles ou sensuelles,
de plaisirs nés au chaud de mon cerveau
assoupi.
Mes rêves sont une porte entre la réalité
et moi.
Et tous mes sens poussés par la vie…
8.11.2019

*

sur le boulevard refait à neuf
une nuée de tentes et d’abris
de faible fortune, une centaine
peut-être, des femmes des mômes
des hommes aux visages fatigués
angoissés, des réchauds des sacs,
où déposer les ordures ?
où faire ses besoins ?
où se laver ? comment manger ?
comment dormir entre les trams
les voitures les camions les flics
qui débarquent à l’improviste ?
on distribue du thé, du lait,
des biscuits, des fruits…
des adresses pour se doucher
pour s’habiller pour s’informer
Et si c’était nous, à leur place ?
7.11.2019

*

La sorcière

Ellébore et mandragore
je les ai mêlées
avec l’eau de mes lèvres
balbutiantes,
un soupçon de cyprine
une larme de miel
une envolée de ciels,
ensorcellements
pluies de liqueurs
corporelles,
lunes boréales,
envoûtements
chuchotés à l’ourlet
de nos oreilles,
nos corps vont
s’entremêler,
délices de langues
et de libertés folles,
alea jacta est…
6.11.2019

*

Le réel m’a rattrapée
le monde n’a pas changé
mais mon regard est neuf
ce matin, après cette nuit,
dépouillée du passé
je vais avancer nue
– vais-je savoir ? –
vers cet inconnu que
tu me montres avec
insistance, et tout
ira bien…

Il y a des chemins à construire
ensemble
quelques larmes à assécher
des désirs et des rires à
émerveiller
des goûts des senteurs
des pinceaux et des plumes,
une vie…

Voilà ça commence maintenant.
Ça a déjà commencé…
06.11.2019

*

Reddition
j’ai abandonné
toutes mes défenses
l’une après l’autre
et mon corps
s’est rendu bien avant
ma volonté,
toutes mes lèvres
étaient prêtes
gonflées
lubrifiées
je fonctionne bien
tes mots trop bien.
4.11.2019

*

Souvenirs

Rembobinage
à contretemps
du sang sur le bitume
des chairs ouvertes
beaucoup d’indifférence
le froid la suie la pluie
le trottoir et les tentes
les cris soudain l’écrit
le désarroi puissant
et puis ma main qui tend
ma veste pour le bébé
Elle venait d’accoucher
dehors
seule
et maintenant
c’est comme dans
le Petit Prince
je me sentais responsable
d’elles deux
4.11.2019
Souvenir de mars 2015

*

Lentement
tu te fraies un chemin
en moi

Sciemment
je déblaie le chemin
devant toi

03/10/2019

*

J’aimais sauter à pieds joints dans les flaques
surtout les plus grandes, les plus profondes,
jusqu’à être entièrement trempée, boueuse.
.
Par contre je ne pouvais pas supporter
qu’on veuille me prendre en photo,
quels accès de larmes quand on m’y forçait !
.
J’aimais prendre mon grand-père par la main
et il fut, – et demeure-, mon premier deuil
et j’ai longtemps pensé qu’il m’attendait…
.
L’école a été pour moi un long emprisonnement
et un insupportable ennui, alors j’ai dessiné,
j’ai écrit pour moi, à toute heure, tout le temps.
.
J’ai eu mon premier amoureux en maternelle
il était mignon avec ses grands yeux bleus
mais je crois que je l’ai fait souffrir, – à 5 ans !
.
J’étais ce genre de petite peste à bouclettes
qui a envie de s’élancer dans la vie, libre en tout,
et qui devient adulte malgré elle, malgré tout…
02.11.2019

*

Et si un souffle de délices
s’en vient voler vers toi
et s’il te frôle de son ombelle
tressailliras-tu sous le choc
infime et déflagrant ?

Ou bien, impavide bien
qu’avide, iras-tu ton allée
amble tranquille et libre,
ignorant tout ce qui t’
éloigne de l’énorme combat ?

Mais si un souffle de délices…
02.11.2019

*

Je n’entends que les graves
la houle qui mugit
en dévorant la terre,
les musiques et les voix
qui restent au profond,
les sons qui résonnent
au travers du corps
Je n’entends que les graves
à l’exception des murmures
qu’on me souffle
à l’oreille, de très près.
31.10.2019

*

Lors de notre première rencontre
j’avais même conservé
le mégot qui avait touché
tes lèvres.

Aux rencontres suivantes,
nos lèvres se sont touchées
et retouchées
mais j’ai gardé le mégot.
29.10.2019

*

La blessure
qui est là
au-dedans de toi
depuis toujours
et que tu ne sais
nommer ni dire
qui t’empêche
parfois de vivre
et d’avoir envie
qui te tiraille
les chairs
comme une croûte
infectée
que tu préfères
tenir secrète
mais qui te ronge
comme un acide
intérieur
chaque jour un peu
chaque nuit
tu peux la taire
mais pas l’éteindre
je la vois béante
sur chaque photo
de toi que tu postes
c’est la même blessure
qui gît au cœur
de chacun d’entre
nous…
26.10.2019

*

Sous mon austère robe de nonne
j’ai enfilé des porte-jarretelles,
agenouillée dévotement sur la jute
du prie-dieu cramoisi, tête inclinée,
j’ai simplement attendu, impatiente
et croupe tendue, que tu me visites.
25.10.2019

*

Heureusement il y a la nuit
pour trouver un répit aux jours
pour faire dodo et faire l’amour
pour oublier les horreurs quelques heures.
Heureusement il y a la nuit
pour sombrer dans l’ivresse
des rêves qui t’enveloppent
pour retrouver ton moi après tant de surmois.
Heureusement il y a la nuit
après tant d’heures où tu te forces
à sourire, à obéir, à travailler, à nier,
le sommeil lui te prend comme tu es.
Heureusement il y a la nuit
pour préparer d’autres luttes
pour penser d’autres possibles
pour aimer encore et à nouveau.
Heureusement il y a la nuit
et puis il y aura le jour
et puis encore la nuit
et encore d’autres jours
et tant d’autres nuits
et puis plus rien,
que nous deux
et c’est tout.
18.10.2019

*

Nos raisons se rendent dans nos regards
et tu le sais bien, mon cœur tourmenté,
nous appartenons déjà au passé.

Nos déraisons et nos substances
en longs fleuves de désir et de rages
n’ont plus de sens que pour nos rêves.

La terre indulgente nous revêtira
de ses parcelles tendres et rieuses
comme des aurores mourantes…

Nos raisons se rendent dans nos regards
et tu le sais bien, mon cœur tourmenté,
nous appartenons déjà au passé.

16 octobre 2019
(tribute to ELP)

*

Le tram était bondé comme une boite de cassoulet
alors je suis restée sur le quai comme une conne
et, la nuit tombant comme une paupière endormie,
j’ai erré dans Paris comme un fantôme de moi-même.
10.10.2019

*

Moi, être humain de passage
je suis une empreinte de pas
laissée sur le sable mouillé
et ma vie ne dure que l’espace
entre deux vagues déferlantes.

Ainsi, les grains de sable qui
m’ont composée prennent une
autre forme, et l’eau en s’en
allant emmène vers le large
le souffle de ma poésie…
9.10.2019

*

Lit de sable

Seule dans mon grand lit
j’écarte les bras et les jambes
comme l’étoile de mer

Les draps déchaînés
miment l’onde sauvage et salée,
je me laisse porter…

Au loin le ressac
est-il celui du métro
ou ton cœur qui bat ?

Sable, sang et sueur
les éléments en fureur
pour une orgie

…onirique.

*

Frasques étuvées sous tous les sud
ordalies mises au défi chaque jour
impuissances des volontés
plaisirs de l’irréalité mêlée au vrai
telles furent mes destinées
de poétesse à demi achevée.

Les mots dociles ont coulé de source
pure obéissance et pure habitude
au débit intérieur de tant d’années,
et pour quelques instants j’ai brillé
me trouvant belle dans le miroir
qu’art et amour en chœur me tendaient.

Frasques étuvées sous tous les sud
ordalies mises au défi chaque jour
impuissances des volontés
plaisirs de l’irréalité mêlée au vrai
telles furent mes destinées
de poétesse à demi achevée.

*

Au premier regard je ne vis rien. L’orage envoyait des lueurs régulières par les fenêtres mansardées. Puis les murs sur ma gauche m’offrirent l’illusion d’une vaste écriture, dans laquelle les lettres tracées une à une eussent ressemblé à des silhouettes ou… à des corps ! Très vite, je me fis la promesse intérieure de ne pas avoir peur, de faire exactement comme s’il s’agissait d’un rêve. Quelque part derrière moi, un grillon crissait comme pour me ramener vers la vie normale. C’est alors que mes yeux se posèrent sur leurs pieds, pendant dans le vide sous un rayon de lune : j’en dénombrais au moins une douzaine. Il ne me restait plus qu’à m’emparer des bagues, colliers et autres pierres précieuses que portaient encore ces femmes ; les laisser à leur imbécile de bourreau eût été un crime !
Un grand cerf passe, indifférent et calme, portant ses grands bois comme un double de lui-même. Au loin la forteresse se dresse contre le ciel pâle, au-dessus des arbres dépouillés de leur verdure par la splendeur de l’hiver. Être ou paraître, interrogation obsessionnelle de ma vie entière, semble devenu le cœur réfléchissant de la nature elle-même. Ma présence incongrue dans cet austère paysage, ce cerf tranquille, ces arbres frémissants, ne sont-ils donc que de petites scènes de famille dérisoires dans la quotidienneté du vaste monde ? Inutile de commencer à geindre sur l’absurdité de l’existence humaine, inutile de se lancer dans des litanies de mendiant tout intérieures au demeurant… Toutes ces merveilles ne sont que platitude et illusion, et je suis comme l’enfant dans la corbeille : d’une totale naïveté et d’une ignorance abyssale. La beauté du monde est une illusion créée par notre cerveau pour nous pousser à vouloir vivre encore et toujours. Une ruse du cerveau.
Du coup, je me demande si le sentiment de la laideur est du même ordre ?

(texte écrit en atelier d’écriture des éditions Zulma…il y a quelques années)

*

J’ai pas envie d’être méritante
ni au boulot ni ailleurs
j’veux surtout pas être compétitive
ni même employable
car je suis pas un objet,
je veux pas être la meilleure
dans aucun domaine,
je veux pas faire d’effort
et surtout pas souffrir
pour être belle car je m’en
fiche carrément d’être baisable
ou non, de plaire ou pas,
je veux pas de récompenses
et je veux pas être insérée
dans cette société là
Je veux juste être moi
et te parler à toi et à toi
sans contraintes
sans tous ces mensonges
convenus.

*

Petite,
j’ai eu une période où je ne voulais
me vêtir que de rouge
et ne manger que des aliments rouges.
Pourquoi ? Je n’en sais rien.
Ma mère et ma grand-mère furent
assez bonnes pour me tricoter des
petits pulls rouges et me faire des
jupes rouges, des robes rouges…
J’adorais les fraises et les cerises
les tomates et les betteraves
le sirop de grenadine à l’eau
la viande rouge crûe ou peu cuite
et les voitures rouges me faisaient
rêver…
On mit des rideaux à fleurs rouges
à la fenêtre de ma chambre,
et j’eus droit à une serviette
de table rouge à carreaux.
C’était la première fois de ma petite vie
où je pouvais choisir quelque chose
me concernant, je devais avoir 4 ans.
Et puis peu avant Noël j’eus le coup
de foudre, dans un magasin de jouets,
pour une poupée noire vêtue d’un
somptueux boubou à motifs rouges.
De là mon intérêt précoce pour le
noir et rouge…peut-être.
Ce fut ma première petite névrose,
du moins de celles dont j’ai le souvenir.

*

Tes iris aux éclats de lazuli
tes reins souples et lents
ma peau constellée de soleil
mes mains pleines enfin…

Le futur saura sans doute
que nos étés furent beaux
et insoucieux des forêts,
si quelqu’un le peuple.

Tes iris aux éclats de lazuli
tes reins souples et lents
ma peau constellée de soleil
mes mains pleines enfin.

*

Je me suis peint un autre visage
par-dessus le vrai
je me suis créé un personnage
en vêtements
j’ai choisi mes gestes et mes mots
pour être forte
et j’ai laissé la petite fille pleurer
cachée en moi.

*

J’ai déplié lentement mes jambes haut croisées, pour que tu profites du point de vue, et j’ai réfléchi à la couleur de ma petite culotte dont je ne me souvenais plus.
J’ai espéré qu’elle fût parfaitement assortie à ma robe.
Sinon, la honte…
Puis je me suis levée en rentrant le ventre au maximum, poitrine en proue de navire, cheveux fiers sous l’ampoule électrique.
L’ampoule donne une lumière dénuée de beauté et de poésie, mais au moins on me voit parfaitement.
Je me suis dirigée lentement et comme pensive vers la fenêtre ouverte, non sans vaciller dangereusement sur mes talons hauts. De loin me suis-je dit, ça ne se remarque pas…
Appuyée à la balustrade, j’ai humé l’air tiède et j’ai contemplé la rue vide à cette heure.
Enfin, j’ai tourné mon visage vers ta fenêtre et je t’ai regardé fixement dans les yeux, pour que tu comprennes que j’avais remarqué ta présence depuis tout ce temps.
Toi le voyeur de l’immeuble d’en face.
Je me suis penchée un peu plus sur le bord de la balustrade, puis j’ai basculé volontairement dans le vide, en criant le plus fort possible avant l’impact sur le bitume…
14 juillet 2019

*

Viole et viole de gambe
au fond du jardin
sous les frondaisons
chargées de tiédeur,
c’est un soir d’été
aux accents d’antan.

Le monde se défait lentement
mais aussi très rapidement
à la fois loin et près de nous,
nous aurons connu ce temps
où par notre faute à tous
rien ne sera plus comme avant.

Viole et viole de gambe
au fond du jardin
sous les frondaisons
chargées de tiédeur,
c’est un soir d’été
aux accents d’antan.
9 juillet 2019

*

Ce n’est pas qu’ils veulent notre mort
non, enfin pas vraiment, mais…
d’ailleurs ce serait scandaleux d’oser
les accuser de ça, n’est-ce pas ?
mais par contre si jamais par hasard
l’un de nous, l’une de nous en meurt
et bien c’est que nous l’avons un peu
cherché et puis c’est pas si grave…
Ce n’est pas qu’ils veulent notre mort
non, ils nous veulent encore plus
misérables, plus en détresse, ils
veulent qu’on ferme nos gueules,
qu’on se taise, qu’on obéisse, qu’on
les admire aussi tant qu’à faire tiens,
qu’on redevienne invisibles, des riens,
qu’on se contente par nos misères
de permettre que soit leur splendeur.

*

Première nuit nue
les draps se sentent en trop
la touffeur trotte
jusqu’à l’aube,
cet instant où
l’obscurité pâlit
un oiseau chante
juste comme tu
allais enfin t’endormir,
et la brise sur ta peau
te rappelle une caresse
que tu vas regretter
toute la matinée…

*

Le matin, j’aime bien traîner avec mon café en main.
Avant d’aller au boulot…
Siroter à petits coups le breuvage brûlant,
et puis humer l’air frais du matin qui a
envahi la maison pendant mon sommeil,
humer le temps qu’il va faire ce jour,
écouter la rumeur des rues voisines
le bus 115 qui klaxonne en passant
devant le café du coin où il y a tous
ses potes en train de papoter,
les enfants qui vont à l’école plus loin
certains qui braillent, d’autres rigolent,
et puis je lis mes mails et j’y réponds
parfois, tiens il se met à pleuvoir !
et puis je reprends du café et j’aime
faire comme si ce monde était doux
avant d’attaquer une nouvelle journée…

*

J’ai une vieille cicatrice bien longue
en travers du cuir chevelu camouflée
qui déborde à peine sur la tempe droite,
et une toute petite et toute récente
sur l’arcade au-dessus de l’oeil droit
si discrète qu’on la prend pour une ride,
j’ai la marque d’un vaccin sur le gras
du bras, qui fait moche sur le bronzage,
j’ai quelques piercings éparpillés,
j’ai une belle cicatrice bleu turquoise
au genou gauche souvenir d’une chute
en vélo sur le bitume tout frais,
et j’ai la cicatrice profonde comme un
ravin entre pubis et ventre par où est
passée mon enfant comme César,
mais tout cela n’est rien, plus rien
que quelques vestiges du passé
que le corps sait bien encaisser digérer,
non les vraies cicatrices sont celles
qui restent cachées, insues au dedans
de ta tête et qui peuplent tes rêves
sans jamais te le dire ouvertement…

*

Tu as déjà vu ton propre sang couler
à gros flots tout au long de tes jambes ?
Ou te dégouliner du front en cascade ?
Ou de gras caillots bien sombres venir
se former hors de toi, à ta surprise ?
Si tu n’as jamais vu ça peut-être ne
sais-tu pas l’effet de mort qui approche
que cela imprime à ton corps tremblant.

*

Toutes mes lèvres en émoi
j’ai sombré dans un sommeil
sans rêve, pleine de sève
encore et loin de la rive…

Tous les draps naufragés
avaient quitté le vaisseau
ivre, évanouis sur le sol
renonçant à nous couvrir

Tout l’or du monde pour
tous ces moments-là…

*

J’aurai passé ma vie à errer au hasard-
d’ailleurs que faire d’autre
puisque la vie n’a aucun sens,
je n’ai pas choisi grand chose
comme tout le monde,
mais l’humour inhérent à l’humaine
condition fait que parfois,

ce qu’on ne choisit pas nous donne quelque bonheur imprévu
et ce que l’on choisit nous pourrit la vie…
je n’ai presque rien appris qui vaille
vraiment la peine, qui soit essentiel,
mais comme dit l’autre j’ai beaucoup aimé
donc logiquement il me sera beaucoup pardonné

– enfin s’il y avait quelqu’un préposé pour ça, ce que je ne crois pas. Donc rien.
J’ai aussi souffert parfois, rigolé beaucoup,
j’ai fait mon lot de conneries bien sûr et j’ai probablement fait souffrir quelques humains – l’honnêteté m’oblige à dire que ce fut parfois volontaire,

la vengeance tout ça quoi…
Et puis quoi ? Beaucoup écrit, beaucoup lu, et alors ? Qu’en restera-t-il après moi ?

Et si Alzheimer me prend un jour, que serai-je devenue, après tout ?

Une pauvre petite chose humaine totalement effacée des mémoires dans trois générations. Oui ça calme… ça rend humble de se rendre compte de ça…
Des sourires, des regards, des caresses m’ont rendu la vie douce et chaude. Imméritées.
Car le mérite ça n’existe pas, c’est un mythe.
De parfaites ordures auront eu une vie de
délices, et des gens adorables une vie de merde. C’est comme ça. On le sait tous.
Il n’y a pas de mérite. Juste un fantasme du
mérite, créé par ceux qui se pensent les
meilleurs. Oui, c’est dégueulasse.
Et puis une fièvre intransigeante m’a remuée
dès l’enfance : le refus de toute injustice.
Tellement fort ce refus, qu’il a balayé
mes timidités paralysantes de môme
et m’a mis des armes entre les mains :
la révolte, les mots pour la dire partout.
Forcément, quand on plonge là-dedans,
on est vite adulée ou honnie par tous
ceux qui ont besoin de ça dans la vie.
J’ai donc vidé un peu mon sac
aujourd’hui, parce qu’il pleut fort
et que j’ai suspendu mes travaux de
jardinage… Le vert, la nature, la terre…
Si importants. Si compromis pourtant.
Le rouge, la braise de l’amour qui se jette
en toi et t’étreint de son gant sans détours.
Si important aussi, si consubstantiel.
Pardon, j’aime ce mot, ce gros mot…
Non vraiment, je ne suis pas certaine
qu’il me sera pardonné en fin de compte.
Le noir, la noirceur de la révolte ont pris
trop de place, la transgression aussi,
– où donc ai-je posé ce petit espoir ?…

*

Moins triste

En fait chuis assez contente de pas être belle
et chuis assez contente de pas être riche
car ça éloigne de moi les pas intéressants…
Assez contente aussi de pas être croyante
et assez contente de pas être soumise
car ça éloigne de moi les pensées imposées…
Finalement assez contente de pas être
tout à fait dans la normalité et le conforme
c’est pas le confort, mais c’est ça la vie.

*

Première nuit nue
les draps se sentent en trop
la touffeur trotte
jusqu’à l’aube,
cet instant où
l’obscurité pâlit
un oiseau chante
juste comme tu
allais enfin t’endormir,
et la brise sur ta peau
te rappelle une caresse
que tu vas regretter
toute la matinée…

*

Quand j’étais petite
ma mère me disait parfois
quand je faisais des bêtises :
vraiment, t’exagères !
Et moi je répondais, butée :
Ah non je suis pas xagère !

*

D’humeur vagabonde
j’ai contemplé au mur la carte du monde
et j’ai compris, j’ai vu, j’ai ressenti fort
que toute carte du monde est faussée
pourquoi l’Europe est-elle toujours
dessinée au centre ?
pourquoi le nord est en haut et le sud
en bas ?
pourquoi les pôles sont à peine tracés ?
c’est une carte des priorités
de ceux qui l’ont commandée
et pas une vraie carte du monde.
J’attends une carte où le pôle sud
occuperait le centre
ou bien le plus grand désert
ou le plus grand océan
mais pas le plus grand colonisateur.
Il n’existe pas encore de carte du monde.

*

Ils m’obligeaient à leur servir la soupe
chaque soir.
Je les trouvais exécrables et leur souhaitais
le pire. Au moins.
Un soir j’eus l’idée de faire pipi dans la soupe
et j’ai touillé. Avec soin.
Et je les ai contemplés en train de la manger
et je souriais.
Ils m’ont demandé pourquoi je souriais avec
cet air idiot.
Je n’ai rien dit et les ai re-servis aussitôt avec
gourmandise.
La fois suivante j’y ai versé un laxatif puissant
à effet retard.
Et puis un somnifère à effet immédiat et aussi
un vomitif. En même temps.
Ils étaient tellement voraces qu’ils ne se sont jamais
doutés de rien.
J’étais le média du soir.

Le message

La montagne qui s’éteint en ultime spectacle
la possibilité qui essaye
le petit jour qui fond
le temps qui fait vibrer nos suppositions
le message
une chamade furieuse
un lent travail
nos corps qui semblent durer des heures
le message
une voix qui cesse dans un silence
une vision qui définit en entier
un nouveau jour
une enjambée – une chose improbable
le message
l’eau, la route
qu’il faut monter
pour enfin voler…

(poésie aléatoire d’après un poème de Pascal Villaret, avec des mots de Dalton Trumbo)

*

Comme un plafond d’écume
une voûte d’ogive paresseuse
les arbres explosant de fleurs
blanches ont tendu leurs bras
juste au-dessus de ma tête,
dais ouaté aux senteurs de miel
étouffant les bruits de la ville,
je suis repartie avec leurs voix
amicales murmurant en douce
et de jolis présents plein mes
cheveux, pétales et pollens
en clandestin diadème…

Le piaf

Ce matin, un piaf s’est mis à chanter
devant la fenêtre de ma chambre
alors que j’étais encore sous la couette
il devait appeler sa belle, insistant,
j’ai aimé penser qu’il m’appelait moi
pour que je me lève enfin et que j’aille
ouvrir la fenêtre, humer le jardin…
Ce que j’ai fini par faire.
Faut toujours obéir aux oiseaux.
Eux, ils savent.
Quand j’ai ouvert une tourterelle
s’est mise de la partie.
J’ai trouvé le froid piquant…

Légumes

Excuse-moi d’avance
je vais te réduire en purée
je vais t’équeuter
te râper, te peler,
je vais te couper en
petits morceaux,
je vais te plonger dans
l’huile bouillante,
je vais te mélanger
avec d’autres
et enfin comble de la
sournoiserie,
je vais te traiter de légume…

Souvenirs d’enfance

Des petits riens
des toutes petites choses de rien du tout
des traces laissées par hier, avant-hier
des livres d’enfant aux pages gribouillées
par moi, quand j’étais insouciante,
des chaussures de poupées, par paires,
encore bien rangées dans un tiroir
un petit manteau cousu par mémée
pour ma poupée préférée
encore suspendu sur un mini cintre,
des chaussons de danse usagés
des pointes de satin rose défraîchi,
des pastels usés et brisés, rangés
dans leur boite en carton déchirée,
des dessins et des poèmes que
j’avais faits pour mes parents et
dont je n’avais gardé aucun souvenir,
une peinture au fond d’une coquille
d’ormeau où, sur la nacre douce,
j’avais tracé les contours de mon
visage avec mes cheveux bouclés,
une cagoule en laine qui gratte
de ces temps où on avait le droit
de circuler dans les rues avec
ce type de couvre-chef,
des sandales en plastique pour
aller sur les rochers à la mer,
un petit seau en plastique décoré
d’une sirène où j’avais écrit au feutre
« une sirèn sa nexiste pas »,
une boite de pastilles vichy
avec encore quelques bonbons
tout agglutinés ensemble…
ces petits riens qui font une vie.
Après avoir fait une enfance.

Un hiver révolté

Le frimas bazooka a crissé
à ta fenêtre
trop d’erreurs trop de hauts
le coeur à contre coeur,
les brèves du jour
n’embelliront pas ta nuit
tu peux encore décider
à chaque seconde
quoi faire de cette vie
de cette heure de ce coeur,
ne parle pas plus bas
car on doit tout entendre,
jette tes tripes
dans le mégaphone
impose tes mots si rauques
ne retiens pas ton geste
prends ton élan
et éparpille-toi
sois la multitude.

Poésie aléatoire

Tu illumineras, belliqueuse, toute discipline
le bois et les ovaires,
tu devras t’ossifier,
la narine narquoise et l’âme fainéante,
– dès lors que s’exhale l’accalmie –
tu tourbillonneras dans la cacophonie
ou dans l’indifférence,
une nouvelle mutilation
te sera une injure…

Ici s’ourle chaque déni surmonté
dont les gnoses restituées
le surnaturel du calvaire en décoction
sur les affiches de propagande,
qui aboutit à chaque quelconque
orgasme…
La délectation à plat-bord,
au moindre accroc
reviendra quand même
taboue
comme toujours,
chaque nucléon ému,
pilotes et pilules réveillez-vous
les actes sont balisés,
ici l’osmose soupire encore…

Hiers

Où s’en vont-ils tous nos hiers ?
Compilés avec nos demains
et nos après très compromis ?
Emportés par la fureur du temps
qui s’enroule et se déroule aussi,
écorchés par les balbutiements
de nos souvenirs imprécis ?
Où s’en vont-ils tous nos hiers ?
Sont-ils marqués de toutes nos
petites capitulations soumises ?
Ou resurgiront-ils sans prévenir
pour nous mettre sous le nez
nos incohérences nos abandons
nos peurs nos enfermements…
Où s’en vont-ils tous nos hiers ?
Au secours la science, toi la vraie
la sûre, viens à mon secours !
Le temps circule dans les deux sens ?
Ça fait partie des lois de la relativité ?
Tous nos hiers alors sont sauvés :
nous les retrouverons dans les demains.
Et réciproquement…

Toujours

J’ai toujours entendu
les commerçants se plaindre que les affaires ne marchent pas, ou moins bien qu’avant
donc depuis le temps qu’ils le disent, à mon avis
ils doivent plus rien gagner du tout…
J’ai toujours entendu dire
qu’il n’y a plus de saisons
pourtant moi je les vois très bien
les saisons, et je les aime…
J’ai toujours entendu
les vieux se plaindre des jeunes
et réciproquement,
et les hommes se plaindre des femmes
et réciproquement,
bref l’être humain se plaindre de lui-même.
J’ai toujours entendu
le bruit du vent dans les arbres
l’eau du torrent sur les roches
et au loin, le bruit de la guerre
comme un mauvais rêve tenace
qui se rapproche…

Île

Si la femme est une île
j’en connais qui y ont fait naufrage
d’autres qui sont allés à l’abordage
et d’autres qui y ont vécu, sauvages
mais heureusement pour nous les filles
nous sommes plutôt l’onde changeante
qui vient baigner les langues de terre…

*

Il l’a enfin conquise
la belle dont il rêvait !
Elle lui propose :
on se voit samedi ?
Il ouvre son bel agenda
regarde au samedi
et répond, navré :
Ah non, samedi
j’ai « fin du monde »…

*

Sur son agenda tout neuf
il note peu avant la dernière page :
Fin du monde !
Et sur la page précédente :
Zigouiller ma belle-mère.

*

Une nuit scintillante et froide
avec l’orgue de Barbarie
formidable qui joue tout seul
sa musique hallucinée,
et les guirlandes d’ampoules
de toutes les couleurs
par ci par là y’en a une éteinte,
le marchand de guimauve
qui triture sa matière suave
le marchand de barbe à papa
toute rose qui sent si bon
mais qui n’a goût de rien,
les manèges qui tournent
inlassablement et les cochons
qui montent et qui descendent
et le monumental père noël
à l’entrée de la fête foraine
qui nous fout les pétoches
et nous donne envie de rentrer
pour dormir jusqu’à demain…

*

Les Rois rages entonnent :
il est né l’enfant Crésus
mais cet âne de Joseph
a été refoulé vers les neiges
éternelles comme le père
et la vierge unique fait
des films pornos pour
payer les couches culottes
du divin bambin qui braille…

*

Ne sachant trop que faire
mais déterminée à le faire
je suis allée au jardin

Là tout respirait la paix
et les fleurs embaumaient
l’air vespéral et tendre

J’ai cueilli la plus belle
doux pétales roses
parfum enivrant

D’un geste précis
j’ai retiré mon slip
et suis restée ainsi

Cul nu à tous vents
et me suis planté
la fleur dedans…

D’un même élan
suis allée ainsi parée
proposer mes attraits

Pour tenir les fonctions
d’assistante parlementaire
aux députés LREM

Mon attribut leur a plu
et je fus embauchée illico
pour ce seul exploit.

*

Elle fuguait trois fois l’an
pour se sentir attendue
souhaitée revenue
même la baffe du daron
était la bienvenue
c’était la preuve nue
qu’elle était vivante
une morte ne souffre
plus et sa joue n’est plus
rien ni baiser ni judas

Elle fuguait trois fois l’an
et puis elle n’est plus
revenue et les commères
ont dit qu’elles le savaient
que ça finirait comme ça
que ça ne pouvait que
mal finir cette histoire
d’ailleurs on perd sa trace
à partir de là on ne sait pas
ce qu’elle est devenue

Elle fuguait trois fois l’an
et puis elle a fugué
définitivement
elle a gagné beaucoup
d’argent et a vécu la vie
qu’elle voulait
elle a oublié ses parents
elle a pas eu d’enfants
elle a eu des amants
je la vois trois fois l’an.

*

A la station Porte des Lilas
j’ai pas r’vu l’poinçonneur
dommage il était beau gosse
et il remplissait les vides

A la station Télégraphe
j’ai eu besoin d’bigophoner
mais y’avait pas d’réseau
à part bien sûr çui du métro

A la station Place des Fêtes
j’me suis dit quel humour noir
j’espère qu’ils se sont planqués
parce que les CRS débarquent

Mais à la station République
j’ai compris qu’c’était compromis
la chose non privée on la nique
chaque jour dans c’putain d’pays.

*

Arc-boute-toi dans la nuit étoilée
sur la pointe de tes orteils tatoués
creuse tes reins, étire tes fesses
offre ta petite nature au ciel pur
et ton nombril porte-le comme une
coupe où la pluie viendrait couler
tes bras formeront une arcade
et les globes de tes seins jailliront
vers le lieu où le soleil disparaît
tes cheveux onduleux traîneront
sur la terre qui exhale ses senteurs
et tes yeux seront deux phares
dans l’immensité et la tourmente
les barques du destin glisseront
sur les eaux du fleuve qui naît
de ta courbure et de ton ventre,
et pour toujours tu seras celle-là…
06.2018

*

J’ai fait tomber mon livre par terre
il s’est retrouvé pages écartées
et tous les mots se sont bousculés
pour sortir et courir en liberté…

Les verbes sont partis les premiers
bientôt suivis par les adjectifs
la ponctuation s’est fait un point
d’honneur à suivre le mouvement.

Et puis j’ai vu ta belle écriture
celle de la dédicace que tu m’avais
écrite à l’encre sur la page de titre,
qui se coulait vers moi sur le pavé…
06.2018

*

Le grabuge des étoiles qui s’obstinent à scintiller
comme si tout était normal dans ce ciel lourd
la photo est pourtant ratée et le dossier vous
sera retourné car il y manque des documents

La précarité gérée par d’autres précaires mais
un tout petit peu moins pour qu’ils aient peur
d’en arriver au même point, et le mépris qui
naît, et le grabuge des paperasses informatisées

Vous avez oublié de remplir cette ligne essentielle
vous avez eu tort de ne pas être comme les autres
vous n’auriez pas dû être fragile et différent
on vous le fera payer jusqu’à la nuit des temps.

Et pendant ce temps le grabuge des étoiles…
11.2017

4 réponses à Poèmes 2018-2019

  1. Pasquale Noizet dit :

    Un très beau site autant en images qu’en textes. Comme il a un contenu riche et dense je vais y aller régulièrement m’y désaltérer.

  2. Fanny dit :

    Je suis épatée !
    Je vais voir les autres pages. Bises

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